Un séminaire continental à fort enjeu
Du 29 septembre au 3 octobre, Rabat bruisse d’accents venus de tout le continent : vingt-cinq professionnels d’agences de presse africaines participent à un séminaire intensif sur le photojournalisme, organisé par la Fédération atlantique des agences de presse africaines, la Faapa.
Placée sous le thème Maîtrise des techniques du photojournalisme, l’initiative s’inscrit dans le plan d’action 2025 de la Faapa et bénéficie du soutien logistique de Royal Air Maroc ainsi que du Groupe Bank Of Africa, deux partenaires sensibles aux enjeux de l’information visuelle.
Autour des tables rondes, l’Agence congolaise d’information côtoie ses consœurs du Maroc, de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Gabon, du Nigeria ou encore de la République démocratique du Congo, illustrant la diversité linguistique et culturelle d’un réseau déjà fort de plus de trente membres.
L’ouverture officielle a été présidée par Fouad Arif, directeur général de la MAP et président de la Faapa, qui a insisté sur l’obligation pour les agences « d’accorder la priorité au développement de leurs services photographiques face à la révolution de l’intelligence artificielle ».
La photographie au cœur de la mutation numérique
Selon le président Arif, l’image représente aujourd’hui près de 80 % de la consommation d’information sur les réseaux sociaux. Il estime qu’un cliché réussi, contextualisé et éthique peut démultiplier la portée d’un article et renforcer la crédibilité d’une agence auprès de ses lecteurs et annonceurs.
Cette évolution s’accompagne de défis : authentifier l’image à l’heure des logiciels de génération, respecter les droits des personnes photographiées, et trouver l’équilibre entre narration visuelle et respect de la ligne éditoriale. Autant de sujets abordés durant la première matinée de travaux.
Les formateurs, issus de rédactions primées au World Press Photo, ont rappelé qu’un appareil moderne ne suffit pas : « Le regard précède la technique », a insisté la photojournaliste marocaine Salma El Yazidi, invitant les participants à cultiver la curiosité avant même d’ajuster la lumière.
L’accent a enfin été mis sur l’indexation des archives. Une base de données correctement renseignée facilite le référencement web et ouvre de nouveaux débouchés commerciaux, notamment auprès des plateformes d’illustration internationales friandes de contenus authentiquement africains.
Une pédagogie axée sur la pratique
Le programme alterne cours théoriques matinaux et sorties terrain l’après-midi. Dans le vieux Rabat, les stagiaires ont couvert un marché aux tissus, un match de football de quartier et la prière du vendredi, avant de revenir en salle pour éditer, légender et partager leurs travaux.
Chaque reportage est ensuite décortiqué en groupe : composition, profondeur de champ, rapport d’échelle, placement de la légende, choix du format vertical ou horizontal. « L’erreur n’est pas sanctionnée ; elle nourrit la progression », explique le formateur sénégalais Ndiaga Diouf, appareil en bandoulière.
Un module spécial est consacré aux relais sociaux : optimiser une galerie sur Instagram, préparer une story en direct, ou encore produire une vidéo courte de quinze secondes à partir d’une série de rafales. L’objectif est de toucher les publics jeunes sans sacrifier la rigueur éditoriale.
Les agenciers congolais soulignent l’utilité de ces exercices. « Au siège de l’Aci, nous voulons diversifier nos offres clients et nos alertes mobiles. Comprendre le langage de l’image nous aidera à valoriser les succès économiques du pays et les initiatives citoyennes », confie le reporter Didier Loukou.
Vers un réseau panafricain de reporters image
Au-delà de la formation, la Faapa souhaite fédérer un réseau permanent de reporters photographes africains. Un groupe de discussion chiffré et sécurisé sera lancé dès la fin du séminaire afin d’échanger des appels à images, des conseils techniques et des opportunités de couverture internationale.
Ce dispositif vient s’ajouter aux autres plateformes professionnelles déjà créées par la fédération, dédiées respectivement à la vidéo, au fact-checking et à la formation des rédacteurs web. Les responsables espèrent ainsi harmoniser les standards éditoriaux et donner plus de poids aux productions africaines sur la scène mondiale.
Interrogé sur l’intérêt d’un tel réseau, le Nigérian Adebayo Okafor n’hésite pas : « Lorsque survient une actualité majeure, disposer instantanément de contacts fiables permet d’éviter les approximations et de mutualiser les ressources. » Un argument accueilli favorablement par l’ensemble des participants.
Des retombées concrètes pour les rédactions congolaises
Pour l’Agence congolaise d’information, ce séminaire tombe à point nommé. L’institution prépare la refonte de son site web et l’intégration d’une photothèque enrichie, susceptible de compléter les dépêches textes et de proposer aux médias partenaires une banque d’images représentative des réalités congolaises.
Une attention particulière sera accordée aux thématiques de proximité : chantiers d’infrastructures, vie des marchés, transport urbain, initiatives agricoles et portraits de talents émergents. « Ces sujets parlent directement aux lecteurs ; les photos leur donneront un surcroît d’authenticité », estime Léon Samba, chef du service multimédia.
À moyen terme, l’agence espère également produire des dossiers spéciaux mêlant infographies et séries photographiques, notamment sur la préparation des Jeux de la Francophonie ou la promotion du tourisme fluvial. Une manière de diversifier les formats et de renforcer son rôle de service public d’information.