Une dotation massive pour l’hinterland
Au cœur de l’auditorium du ministère, les préfets venus des douze départements sont repartis les bras chargés: 400 000 nouveaux manuels viennent d’être remis pour la prochaine rentrée. Un geste salué comme un «saut qualitatif» pour les écoles rurales longtemps confrontées au manque de livres.
Le ministre Jean Luc Mouthou, portefeuille de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation, a personnellement présidé la cérémonie à Brazzaville. Il a martelé que «personne ne doit rester au bord du chemin éducatif», réaffirmant l’égalité des chances comme pierre angulaire de la politique scolaire.
Concrètement, chaque district recevra un lot calibré sur ses effectifs, des classes de CP au collège. Les matières jugées prioritaires, mathématiques, français et lecture, concentrent l’essentiel des ouvrages. Les écoles pourront ainsi avancer au même rythme que celles des grandes agglomérations.
Des manuels calqués sur le vécu des élèves
Le directeur général de l’Institut national de recherche et d’action pédagogiques, Augustin Mombo, rappelle que les livres ont été conçus «en phase avec les programmes en vigueur et la vie quotidienne des enfants». Chansons, proverbes et situations locales jalonnent les exercices pour renforcer l’identification des élèves.
Cette contextualisation répond aux recommandations des assises nationales sur la qualité de l’éducation, tenues l’an dernier. Les experts y avaient insisté sur la nécessité d’éviter des références éloignées du terroir, souvent sources d’incompréhension pour les tout-petits scolarisés à plusieurs heures de piste des centres urbains.
Formation continue et évaluations pilotées
Pour que le livre devienne véritablement un outil vivant, le ministère a planifié des sessions de formation continues. Dès juillet, des formateurs-pays sillonneront les chefs-lieux afin d’accompagner les enseignants dans la prise en main des nouveaux supports et dans la diversification des pratiques pédagogiques.
Un dispositif d’observation suivra l’impact sur les apprentissages. Des fiches standardisées mesureront la progression en lecture à voix haute, la maîtrise des quatre opérations et la compréhension orale. Les données collectées seront transmises trimestriellement à l’Institut national pour ajuster, si besoin, le contenu des manuels.
Interrogée à la sortie de la réunion, Thérèse Oko, préfète du Niari, a salué «une politique qui tient compte de la ruralité». Elle estime que l’arrivée des livres «redonnera confiance aux parents, souvent contraints d’acheter des photocopies à prix élevé quand les rayons sont vides».
À Sibiti, chef-lieu de la Lékoumou, le directeur d’école primaire Ngoma Pierre observe déjà un frémissement: «Les élèves sachent qu’ils auront chacun leur manuel, cela les motive à revenir en classe après les travaux des champs», confie-t-il par téléphone, louant la planification anticipée.
Logistique, financement et réactions des acteurs
Sur le plan logistique, les services de la poste et les opérateurs privés ont été mis à contribution pour acheminer les cartons jusque dans les zones enclavées. Un calendrier serré est affiché : mi-août, l’ensemble des distributions devra être achevé, ce qui laisse six semaines de marge.
Le financement de l’opération provient du budget national, consolidé par une enveloppe de partenaires techniques engagés dans le secteur éducatif. Les autorités n’ont pas souhaité chiffrer officiellement la part des appuis extérieurs, insistant sur «la souveraineté du processus de conception et de diffusion».
Du côté des syndicats d’enseignants, l’initiative est perçue positivement, même si quelques voix réclament une extension aux sciences et à l’histoire-géographie. À Brazzaville, le secrétaire du Syndicat national des maîtres affirme que «l’effort doit être poursuivi sur plusieurs années pour couvrir tout le spectre disciplinaire».
Jean Luc Mouthou assure pour sa part que les prochaines vagues intégreront d’autres domaines d’apprentissage. «Nous progressons graduellement pour garantir la qualité des contenus», précise le ministre, rappelant que la révision des programmes reste l’objet d’un calendrier rigoureux élaboré avec les inspections pédagogiques.
Vers une rentrée 2025-2026 plus sereine
La date du 1er octobre, retenue pour la rentrée 2025-2026, cristallise déjà l’attention des parents. À Ouesso comme à Pointe-Noire, ils s’organisent pour acheter uniformes et fournitures complémentaires. La disponibilité annoncée des manuels apaise les inquiétudes budgétaires dans un contexte de vie chère.
Dans les librairies de Brazzaville, les responsables confirment une baisse des commandes privées pour les titres couverts par la dotation. «Cela libèrera le panier de la ménagère pour d’autres besoins», analyse le gérant d’un point-lecture au marché Total, espérant que le flux d’élèves reste constant.
Les prochains mois seront donc consacrés à la logistique, à la formation et aux évaluations pré-rentrée. Le ministère dit vouloir communiquer régulièrement sur l’avancement, via des bulletins et les radios communautaires, afin que parents, enseignants et autorités locales disposent des mêmes informations en temps réel.
À la clef, les autorités espèrent une amélioration mesurable des résultats aux évaluations nationales de fin d’année. «Le livre n’est pas un luxe, c’est un droit», conclut Augustin Mombo, convaincu que la stratégie, si elle s’inscrit dans la durée, réduira les disparités entre villes et campagnes.