Dernier hommage national à Brazzaville
Le Palais des congrès de Brazzaville s’est paré de drapeaux tricolores le 1er octobre pour accueillir la dépouille de Jean Rigobert Bikindou, ancien ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat. Membres du gouvernement, proches et anonymes se sont succédé en silence devant le cercueil fermé.
Dans l’hémicycle, le chef de l’État Denis Sassou N’Guesso a déposé une gerbe blanche, geste empreint de sobriété, avant de saluer brièvement la famille. Les drapeaux ont ensuite été mis en berne tandis que la fanfare militaire entonnait le traditionnel Salut au drapeau.
Un cortège jusqu’à Madibou
À la sortie, le corbillard noir a ouvert un cortège ponctué de motards de la gendarmerie. Le convoi a rejoint le huitième arrondissement, Madibou, où l’ancien membre du gouvernement possédait une résidence depuis les années 1980 et où il reposera désormais parmi les siens.
La communauté locale, alertée dès l’aube, avait bordé les trottoirs. Des élèves en uniforme brandissaient des portraits du disparu, symbole d’un engagement remarqué pour l’extension des lycées techniques. Quelques commerçantes ont lancé des pétales de bougainvilliers au passage du véhicule funéraire.
Une carrière dédiée aux infrastructures nationales
Né en 1937 à Mindouli, Jean Rigobert Bikindou avait rejoint l’École nationale des ponts et chaussées de Paris avant de rentrer au pays en 1970. Très vite, il prend la tête du génie civil des travaux publics, supervisant routes, ponts et premiers chantiers portuaires modernes.
Sa nomination au poste de ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et du Tourisme, au début des années 1990, a marqué les grandes réformes d’assainissement foncier. Sous sa houlette, le plan de lotissement de Kintélé et le pavage de certains axes de Makélékélé ont vu le jour.
Parallèlement, l’ingénieur avait été détaché à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, dirigeant le centre opérationnel chargé de programmer les projets routiers d’Afrique centrale. Sa méthode, mêlant planification rigoureuse et concertation avec les bailleurs, reste citée dans les écoles spécialisées.
Des valeurs partagées, selon l’oraison officielle
À Madibou, le ministre du Contrôle d’État Gilbert Mokoki a lu l’oraison funèbre sous un chapiteau dressé pour l’occasion. « Toute sa vie, Jean Rigobert Bikindou a vécu en homme de valeurs, conscient de ses limites et attaché au travail productif », a-t-il déclaré.
Ce rappel a fait écho aux nombreux témoignages recueillis. L’ancien préfet de Pointe-Noire, Rodrigue Goma, s’est souvenu « d’un serviteur humble, arrivé toujours le premier sur les chantiers ». Une nièce a, elle, souligné son goût pour la transmission : il finançait chaque année des bourses d’ingénieurs.
Un adieu qui rassemble générations et institutions
Dans la foule compacte, de jeunes étudiants brandissaient des maquettes de ponts en carton, clin d’œil à la vocation du défunt. Derrière eux, plusieurs députés et sénateurs échangeaient discrètement sur l’actualité parlementaire, conscients qu’une figure de référence venait de disparaître.
Le pasteur de la paroisse de Mayanga, proche de la famille, a rappelé l’importance de la concorde intergénérationnelle. « Nous ne retenons pas seulement les ouvrages, mais la capacité d’écoute », a-t-il lancé. L’assistance a répondu par un long applaudissement, inhabituel dans ce type de cérémonies.
Symboles protocolaires et modernité discrète
Le cérémonial, strict mais sans ostentation, a été suivi d’une retransmission en direct sur les réseaux sociaux du quotidien national. Une première dans le cadre d’obsèques officielles de cette envergure, saluée par les associations de la diaspora qui ont pu participer virtuellement.
Héritage institutionnel et perspectives
En 2004, l’ancien ministre avait rédigé un rapport resté confidentiel sur les défis du logement social. Le texte, transmis à plusieurs administrations, inspire aujourd’hui le Programme national de modernisation urbaine et des infrastructures publiques nationales, selon un conseiller du ministère de la Construction.
Une cellule de suivi sera bientôt créée pour évaluer la faisabilité des recommandations, a précisé la même source. Les autorités entendent ainsi honorer la vision de Jean R. Bikindou en mêlant partenariats privés, formation continue et recours aux technologies vertes sur les chantiers.
Le regard tourné vers la relève
Avant de quitter les lieux, la ministre de la Jeunesse et de l’Initiation à la nouvelle citoyenneté, Destinée Hermella Doukaga, a invité les étudiants présents à « poursuivre l’ambition d’infrastructures durables ». Elle a promis un concours d’innovation portant le nom de Jean R. Bikindou dès 2024.
Un groupe d’élèves de l’Institut national du bâtiment avait déjà préparé un prototype de bus urbain à énergie solaire, silencieusement exposé à l’entrée du cimetière. Pour eux, la trajectoire du défunt prouve qu’une carrière technique peut coexister avec le service public de haut niveau.
Une mémoire vivante dans la cité
À Brazzaville, l’avenue qui longe la Direction générale des grands travaux pourrait porter bientôt son nom, a confié un cadre municipal. L’idée, encore à l’étude, répond à la volonté de pérenniser une mémoire qui conjugue urbanisme réfléchi, engagement patriotique et transmission aux jeunes générations.