Report du coup d’envoi de la Ligue 1 congolaise
Les fans de football congolais guettaient le premier sifflet, annoncé pour le 13 septembre puis repoussé au 27. À ces deux dates, les tribunes sont restées vides et les stades fermés, faute d’autorisation ministérielle.
Les clubs, déjà en pleine préparation, ont dû interrompre leurs programmes et composer avec des budgets serrés. Certains dirigeants affirment avoir avancé des frais de déplacement et d’hébergement, sans visibilité sur la date réelle de reprise.
Interrogé dans les allées du stade Alphonse-Massamba-Débat, un bénévole soupire : « On rallume, on éteint, on rallume… Les supporters finissent par se lasser. » Le sentiment dominant reste pourtant l’attente plutôt que la colère.
Deux points d’explication exigés par le ministère
Selon une source proche du département des Sports, la balle est désormais « dans le camp de la Fécofoot ». Le ministère réclame deux justificatifs avant de signer l’ordre d’occupation des enceintes sportives.
Premier dossier : l’extension de la Ligue 1 de 14 à 16 clubs, décidée en juillet par le comité exécutif. Pour le ministère, seul le vote d’une assemblée générale peut entériner une telle évolution, comme le stipulent les statuts fédéraux.
Deuxième attente : un rapport complet sur la gestion des soupçons de corruption apparus lors de deux rencontres décisives du dernier exercice, à Kinkala et Dolisie. L’issue disciplinaire conditionnerait la participation internationale des clubs impliqués.
« Nous voulons des éclaircissements solides, pas une simple note de service », glisse un conseiller du ministre. Officiellement, aucune date limite n’est annoncée, mais les discussions se poursuivent chaque jour entre les deux parties.
Le ministère rappelle le précédent de 2021, lors duquel un conflit similaire avait retardé la saison de quatre semaines. Les mesures correctives adoptées alors avaient permis une progression de l’audience télévisée de 12 %, preuve, selon le cabinet, qu’un cadre clair profite à tout le monde.
La Fécofoot plaide la transparence et le dialogue
Contacté, le secrétaire général de la fédération, Victorien Moukassa, assure que les pièces demandées « seront transmises dans les formes ». Il rappelle que l’élargissement du championnat viserait à « donner plus de visibilité aux talents régionaux ».
Sur la question disciplinaire, la Fécofoot explique avoir saisi la commission d’éthique dès juin. Les conclusions, sous forme de procès-verbaux, sont, selon elle, « quasi finalisées ». Elles devront être validées avant publication pour éviter tout recours ultérieur.
Un cadre fédéral souligne cependant que la préparation des dossiers obéit à une procédure interne stricte : « Nous ne pouvons pas brûler les étapes sous la pression médiatique. » Il affirme garder « un échange courtois » avec le ministère.
La fédération indique enfin avoir déjà réuni les présidents de clubs pour les informer de l’état des négociations. Aucun club ne s’est officiellement plaint, signe, selon elle, d’une confiance préservée.
Clubs et joueurs entre frustration et prudence
À Pointe-Noire, l’entraîneur de l’AS Ponténégrine, Firmin Ndinga, multiplie les séances physiques « pour garder le rythme ». Il confie toutefois que ses sponsors hésitent à libérer la dernière tranche des financements sans calendrier arrêté.
Même son de cloche à Brazzaville : plusieurs joueurs contactés évoquent des contrats à court terme et craignent un décalage sur la fenêtre de transferts. Certains envisagent déjà des prêts temporaires dans les championnats voisins pour garder la forme.
Le président du Cercle athlétique renaissance aiguillonne ses troupes mais relativise : « La saison dernière a prouvé notre résilience face au Covid-19. Nous saurons faire de même. » Beaucoup préfèrent éviter les déclarations qui pourraient être perçues comme un bras de fer.
En coulisses, certains directeurs sportifs estiment que l’arrêt momentané pourrait servir à renforcer la gouvernance sportive et la transparence financière, atouts pour attirer de futurs investisseurs.
Les supporters entre impatience et compréhension
Sur les réseaux sociaux, hashtags et messages humoristiques fleurissent, réclamant la reprise. Mais la tonalité reste majoritairement mesurée ; beaucoup saluent la volonté de régler définitivement les affaires d’arbitrage avant de relancer la compétition.
Au marché Total, à Bacongo, Étienne, supporter de l’Inter-Club, philosophe : « Mieux vaut attendre quelques semaines et jouer dans la clarté que courir et se voir sanctionnés ensuite. » Une phrase qui résume un état d’esprit partagé.
Des groupes de supporters envisagent déjà d’organiser des tournois amicaux de quartier pour combler le vide et maintenir l’engouement populaire.
Vers un nouveau calendrier réaliste
Les techniciens de la Ligue travaillent déjà sur plusieurs scénarios : maintien du format aller-retour avec programmation en semaine, ou réduction de la trêve de fin d’année. Tout dépendra de la date du feu vert ministériel.
Une source fédérale évoque la mi-octobre comme cible raisonnable, « si les documents sont transmis avant la fin de semaine ». Le ministère ne confirme pas ce créneau, mais dit « partager l’objectif de reprendre rapidement ».
En attendant, les regards se tournent vers les compétitions africaines de novembre. Les clubs qualifiés devront connaître leur rythme domestique pour préparer au mieux leurs déplacements continentaux. Chaque jour de suspense compte désormais.
Beaucoup d’observateurs estiment que la situation, si elle est réglée rapidement, pourrait servir d’exemple régional en matière de clarification institutionnelle entre pouvoir public et gouvernance sportive.