Un roman documentaire sur un martyr congolais
Le cardinal Émile Biayenda, figure lumineuse de l’Église congolaise, retrouve les rayons des librairies grâce à la plume du romancier Dominique M’Fouilou. Après « Ci-gît le cardinal achevé » paru en 2008, l’auteur signe « L’apologie d’une prière », un hommage méditatif.
La nouvelle publication, sortie aux Éditions Jets d’Encre, se présente sous la forme d’un récit de 158 pages vendu 17,60 € à Paris et 11 500 F CFA à Brazzaville. M’Fouilou y retrace l’enlèvement puis l’assassinat du cardinal en mars 1977, en pleine crise politique.
Un récit de foi et d’engagement
À travers une plume à la fois littéraire et documentaire, l’écrivain campe un homme de foi refusant la violence, soutenu jusqu’au bout par son vicaire et ami, Mgr Louis Badila. Ensemble, les deux ecclésiastiques portent la parole évangélique contre les dérives autoritaires d’alors.
Dominique M’Fouilou affirme avoir voulu « laisser parler les consciences », en valorisant la simplicité du cardinal. « Biayenda n’opposait ni haine ni ressentiment, il exhortait au dialogue », confie-t-il lors d’un entretien téléphonique. Le livre, préfacé par un théologien lyonnais, revendique la force douce de la prière.
Mémoire nationale et valeurs civiques
En s’appuyant sur des archives ecclésiastiques et des témoignages d’anciens séminaristes, l’auteur replace l’action pastorale de Biayenda dans le contexte d’un Congo jeune, avide de stabilité après l’indépendance. L’ouvrage montre comment la solidarité paroissiale devint un rempart culturel face aux incertitudes sociales.
Le texte évoque également les visites du cardinal dans les quartiers populaires de Brazzaville, où il plaidait pour l’éducation des filles et le travail décent. « Chaque rencontre était un catéchisme vécu », rappelle un ancien catéchiste interrogé par l’auteur, soulignant l’impact durable de ces initiatives.
Une écriture accessible et documentée
Sur le plan stylistique, Dominique M’Fouilou alterne narration au présent et retours analytiques. Cette construction fluide facilite l’immersion, tout en offrant des repères historiques précis. Le résultat se lit comme un roman, sans sacrifier la rigueur des références, soigneusement listées en fin d’ouvrage.
Le volume imprime également plusieurs photographies inédites du cardinal, restaurées numériquement, et un fac-similé de son homélie du 1er janvier 1977. Ces documents, fournis par l’archidiocèse, donnent un visage tangible à celui que de nombreux fidèles considèrent toujours comme un père spirituel.
Les échos contemporains d’un message de paix
En rappelant la détermination pacifique du cardinal, l’ouvrage entre en résonance avec les aspirations actuelles à la cohésion nationale. Plusieurs universitaires saluent cette publication qui, selon eux, contribue à « rafraîchir le sens du bien commun » sans rouvrir des plaies politiques désormais cicatrisées.
Pour le sociologue Armel Itsoua, interrogé lors d’une table ronde à l’Institut français du Congo, « la figure de Biayenda rappelle que le dialogue intercommunautaire reste un pilier de notre vivre-ensemble ». Le livre, estime-t-il, offre une pédagogie du courage moral accessible à la jeunesse.
Des paroisses de Pointe-Noire à celles de Ouesso, plusieurs mouvements chrétiens ont prévu des veillées de lecture dans les semaines à venir. Certaines bibliothèques municipales envisagent d’acheter des exemplaires pour leurs clubs adolescents, convaincues que le récit peut nourrir le sens du service communautaire.
Points de vente et rencontres avec l’auteur
« L’apologie d’une prière » est disponible dans les librairies généralistes de Brazzaville, notamment Notre-Dame et La Louve, ainsi qu’au centre culturel Tati-Loutard de Pointe-Noire. Les plateformes numériques congolaises de vente de livres l’ont référencé en format papier, une version électronique étant à l’étude.
L’auteur prévoit une séance de dédicaces le 15 octobre à la bibliothèque universitaire de Mfilou, puis un débat à Paris en novembre. Dans un message vidéo diffusé sur les réseaux sociaux, il remercie les autorités culturelles congolaises pour leur accompagnement logistique et leur encouragement à la création littéraire.
L’auteur, un parcours entre Congo et France
Né à Brazzaville et installé en région parisienne depuis trente ans, Dominique M’Fouilou est docteur en sciences sociales formé à l’EHESS. Son parcours oscille entre recherche universitaire, théâtre et roman. Il revendique une écriture « transfrontalière » capable de relier héritage congolais et exigences de la critique européenne.
Parmi ses précédents titres figurent « Fuir l’enfer de Brazzaville », « Les confidences d’un déraciné » et « L’emprise des traditions ». Chacun explore, à sa manière, la place de l’individu dans la société congolaise en mouvement. Son nouvel opus prolonge cette veine en la plaçant sous le signe spirituel.
Vers une reconnaissance posthume élargie
Le procès en béatification d’Émile Biayenda, ouvert en 1995, poursuit son cours à Rome. Les fidèles espèrent qu’une diffusion plus large d’ouvrages tels que celui de M’Fouilou encouragera les recherches canoniques et ancrera davantage le témoignage du cardinal dans la mémoire universelle de l’Église.
Une invitation à la réflexion civique
Au-delà de l’ancrage religieux, « L’apologie d’une prière » propose une réflexion citoyenne sur la gestion non violente des conflits. En décrivant la liberté intérieure de Biayenda, le livre rappelle que l’engagement communautaire peut s’exercer sans renoncer ni à la loyauté institutionnelle ni à l’esprit critique.
M’Fouilou conclut son ouvrage par un appel à « ne jamais considérer la paix comme acquise ». Un message que partagent nombre de lecteurs interrogés au sortir des premières séances de dédicace, convaincus que la voie tracée par le cardinal demeure pertinente pour les défis contemporains du Congo.