Un matin ordinaire qui vire au drame
Il était un peu plus de huit heures, lundi 2 octobre, dans le quartier Château d’Eau, à Makélékélé, premier arrondissement de Brazzaville. La maison familiale paraissait encore assoupie lorsque des cris, puis le choc métallique d’une machette, ont brutalement rompu la tranquillité.
Dans la pièce principale, une jeune femme de vingt ans essayait de protéger son avant-bras d’une lame brandie par le père de sa fille de cinq mois. Quelques secondes plus tard, elle s’effondrait, blessée à plusieurs reprises, tandis que l’agresseur quittait précipitamment les lieux.
Selon les voisins, l’incident a duré moins de trois minutes, mais il a suffi pour transformer la modeste cour en scène d’épouvante. Des traces de sang guidaient les badauds jusqu’au portail, rappelant la violence soudaine d’un conflit de couple déjà marqué par des tensions répétées.
Des témoins sous le choc
La petite sœur de la victime, encore vêtue de son pyjama, a raconté avoir tenté d’intervenir. « J’ai crié pour qu’il arrête, mais il ne semblait plus entendre personne », confie-t-elle, la voix tremblante. C’est elle qui a appelé un conducteur de mototaxi pour évacuer sa sœur.
Le praticien du cabinet médical voisin salue la rapidité de cette réaction. « Les plaies étaient profondes. Sans compression immédiate, elle aurait pu perdre beaucoup plus de sang », explique-t-il. Après la suture, la jeune femme a été transférée dans une clinique pour une surveillance post-traumatique.
Dans la rue, les habitants se murmurent encore les raisons de la dispute. Beaucoup évoquent les frais médicaux de la fillette, une question sensible dans les foyers modestes. « Quand l’argent manque, la tension monte vite », reconnaît un commerçant, résigné devant la banalité soudaine du drame.
Les signes avant-coureurs ignorés
D’après la famille, l’agression n’est pas un acte isolé. Le couple vivait en concubinage depuis deux ans, sur fond de disputes récurrentes. Déjà, en juillet, les policiers du commissariat de Makélékélé avaient été appelés pour une altercation, sans qu’aucune plainte ne soit finalement déposée.
La mère de la victime admet que la honte et la peur ont souvent empêché sa fille de formaliser ses accusations. Elle insistait pourtant pour que le compagnon accepte un accompagnement social. « Elle espérait le changement », souffle-t-elle. Les promesses de lendemain plus calme n’auront pas suffi.
Selon les services sociaux de Brazzaville, près de 60 % des violences conjugales signalées se déroulent dans des ménages non mariés, un chiffre en hausse depuis cinq ans. Les travailleurs sociaux insistent sur l’importance des alertes précoces et de l’orientation vers un médiateur ou une association spécialisée.
Urgence sanitaire et prise en charge
Au cabinet de Château d’Eau, les matériels sont rudimentaires mais suffisants pour stabiliser la patiente. Le docteur Ngoma rappelle que la priorité demeure de prévenir les infections. « Une plaie de machette s’infecte vite sous ce climat humide, il faut agir dans l’heure », prévient-il.
Une fois hospitalisée, la jeune mère bénéficie d’un suivi psychologique, pris en charge par un dispositif mis en place dans plusieurs centres de santé publique. Le soutien est crucial, explique la psychologue Pauline Mabiala : « Les blessures physiques cicatrisent, mais le traumatisme peut durer si l’on se sent isolé ».
C’est également l’occasion d’actualiser la situation sanitaire de la fillette. Les médecins signalent que le carnet de santé est désormais à jour et que la prise en charge des nourrissons atteints d’infections respiratoires reste gratuite dans le réseau public, grâce au programme national de santé maternelle.
Réponses institutionnelles et associatives
Informé, le commissariat de Makélékélé a ouvert une enquête et lancé des recherches pour retrouver le suspect, qui demeure en fuite. Les autorités rappellent qu’une cellule de veille a été créée pour accélérer le traitement des dossiers de violence conjugale et garantir une judiciarisation plus rapide.
Du côté des associations, l’Observatoire congolais des droits des femmes annonce un accompagnement juridique pour la victime. « Notre priorité est de faire respecter la loi et de protéger la jeune maman », déclare sa présidente, Floriane Ndinga. Plusieurs bénévoles se relaient déjà pour assurer une présence rassurante à l’hôpital.
La Direction départementale de la promotion de la femme, par la voix de son secrétaire général, rappelle les dispositifs existants : numéro vert, centres d’écoute et maisons de transit. Elle encourage les témoins à signaler les cas avant qu’ils ne dégénèrent, soulignant que la dénonciation précoce sauve des vies.
Mieux protéger, mieux prévenir
Dans la capitale, plusieurs campagnes de sensibilisation sur la masculinité positive sont menées dans les lycées et les lieux de culte. L’enjeu est de briser le cycle de la violence dès l’adolescence. De petits groupes de parole encouragent les jeunes hommes à exprimer la colère autrement que par les coups.
Pour la famille, la priorité est désormais le rétablissement de la jeune mère et la protection de l’enfant. Dans le quartier, chacun espère qu’une arrestation rapide apportera un début d’apaisement. Le sang a été nettoyé, mais la mémoire collective conserve la trace de cette matinée d’octobre.