Un appel appuyé par les autorités locales
Devant le mât installé sur la place de l’Hôtel de ville, le préfet de la Sangha, Edouard Denis Okouya, a profité de la levée de couleurs du 6 octobre pour lancer un message ferme sur la lutte contre l’insécurité à Ouesso.
Entouré du maire Armel Sidobe, des commandants de la gendarmerie et de la police, il a demandé un « appui citoyen sans faille » pour démanteler les groupes de jeunes délinquants communément appelés Kuluna ou Bébés noirs, actifs dans plusieurs quartiers.
Une mobilisation citoyenne attendue
Le préfet rappelle que la Constitution confère à chaque habitant le devoir de veiller à la sûreté publique. « Signalez tout mouvement suspect, coopérez aux patrouilles », a-t-il insisté, saluant le courage des comités de voisinage déjà actifs dans les ruelles.
Selon lui, la réussite dépend moins des effectifs que de la circulation rapide de l’information. Les autorités encouragent l’usage du numéro vert récemment mis en place et promettent l’anonymat aux témoins qui aideront à localiser les foyers de violence.
Le défi des ‘Kuluna’ et ‘Bébés noirs’
Importé de certaines périphéries urbaines, le phénomène Kuluna se traduit par des bandes organisées, souvent armées de machettes, qui rackettent les passants au crépuscule. Les « Bébés noirs », plus jeunes, privilégient le vol à la tire mais n’hésitent pas à agresser.
Le commissariat d’arrondissement chiffre à une quinzaine les interpellations opérées depuis juillet, mais note une recrudescence des actes dans les zones d’habitation neuves, moins éclairées. Les victimes, majoritairement des commerçants, déplorent la perte de recettes et une pression psychologique grandissante.
Pour certains sociologues locaux, le banditisme juvénile naît d’un sentiment d’impunité et d’un chômage précoce. Ils estiment néanmoins que l’implication ferme des familles et des leaders communautaires peut faire renaître des alternatives citoyennes au sein des quartiers.
Responsabiliser les hébergeurs
Le préfet a prévenu que toute personne hébergeant sciemment un délinquant sera considérée comme complice. La mesure, appuyée par le parquet, entend tarir les refuges. Des descentes surprises pourraient être menées, avec mandat, afin de vérifier l’identité des occupants.
Maître Agathe Moukassa, avocate au barreau de Ouesso, rappelle que les peines encourues vont jusqu’à deux ans d’emprisonnement pour recel de malfaiteurs. « Informer n’est pas dénoncer un voisin, c’est protéger son quartier », insiste-t-elle, invoquant la responsabilité collective.
Un cadre de vie à assainir
Outre la répression, les autorités veulent améliorer l’éclairage public et la collecte des ordures, facteurs jugés facilitant les actes nocturnes. Un budget complémentaire, inscrit au plan d’investissement municipal 2024, prévoit la pose de cinquante lampadaires solaires dans les artères périphériques.
Le maire Sidobe s’est félicité de la collaboration avec la société Energie du Nord pour alimenter ces nouveaux points lumineux. À ses yeux, rendre les rues plus visibles dissuade les auteurs d’agressions éclair et renforce la perception de sécurité.
Partenariat force publique-population
Le commandant départemental de la gendarmerie évoque une stratégie « proximité » inspirée des bonnes pratiques de Brazzaville. Des équipes mixtes, à pied ou motorisées, patrouilleront aux heures de sortie des classes et aux abords des marchés où les attroupements sont denses.
Un calendrier de réunions mensuelles avec les chefs de quartier a été arrêté. Elles permettront de dresser un tableau des incidents, fixer des priorités et évaluer l’efficacité des patrouilles. « Nous voulons des indicateurs partagés, pas seulement des chiffres bruts », souligne l’officier.
Les leviers sociaux et éducatifs
Parallèlement, le service départemental de la jeunesse prépare des séances de sensibilisation dans les établissements scolaires. Les élèves recevront des informations sur les risques juridiques et sanitaires liés à la violence de rue, mais aussi sur les filières de formation professionnelle disponibles.
Un partenariat avec le centre de formation de Pikounda devrait offrir, dès janvier, des stages courts en menuiserie et en informatique. Objectif : détourner les jeunes déscolarisés des réseaux de délinquance en leur donnant un revenu légal et valorisant.
Le psychologue Jean-Clotaire Mabiala insiste sur la dimension familiale : « La restauration du dialogue parents-enfants est la meilleure prévention. Les pouvoirs publics peuvent encadrer, mais l’autorité première reste le foyer ». Des ateliers dédiés à la parentalité sont prévus.
Perspectives pour la sécurité à Ouesso
Les premiers résultats de la campagne seront évalués en mars prochain. Les autorités ambitionnent une baisse de 30 % des agressions signalées, un objectif jugé atteignable grâce à l’adhésion populaire et au soutien logistique déjà obtenu auprès de partenaires privés.
Dans les rues, plusieurs habitants saluent l’initiative. « Nous voulons marcher sans peur après la tombée de la nuit », confie Mireille, vendeuse de poisson. Elle note déjà une présence policière accrue, même si la vraie victoire sera la disparition des bandes.
Pour l’heure, le message est clair : la sécurité est l’affaire de tous. En unissant forces publiques, collectivités et riverains, Ouesso espère envoyer un signal fort aux inciviques et préserver le dynamisme économique que connaît la Sangha ces dernières années.