Un nuage social avant la rentrée
La perspective d’un mouvement social plane au-dessus de l’Université Marien Ngouabi : le collège intersyndical, réuni le 3 octobre, a transmis un préavis de grève de quatre jours, juste avant la reprise officielle des cours prévue pour la mi-octobre. Les enseignants et agents réclament des arriérés.
Pour les syndicats, le point de rupture remonte à décembre 2024, date à laquelle un protocole d’accord avait été signé. Ils estiment que plusieurs dispositions, notamment salariales et sociales, tardent à se matérialiser, risquant d’entamer la confiance pourtant patiemment construite avec les autorités.
Le collège intersyndical regroupe trois organisations principales : le Syndicat du personnel non-enseignant, le Syndicat national de l’Université et le Syndicat des enseignants du supérieur, plus connu sous l’acronyme SYNESUP. Ensemble, ils représentent l’essentiel des 3 000 agents que compte l’établissement public.
Revendications salariales et sociales
Les représentants syndicaux pointent d’abord le non-paiement de cinq mois de salaires, couvrant août et septembre 2024 ainsi que juillet, août et septembre 2025. « Nos collègues continuent de venir travailler sans percevoir leur dû, c’est une situation intenable », souligne Jean-Baptiste Mabiala, secrétaire général du SYNESUP.
S’y ajoutent les « heures diverses », un dispositif de rémunération complémentaire pour les services effectués hors temps de cours, qui n’ont pas été réglées depuis 2018. Selon les calculs syndicaux, chaque employé pourrait attendre l’équivalent de plusieurs mois de traitement.
Enfin, les cotisations sociales n’auraient pas été reversées régulièrement par le Trésor aux caisses de sécurité sociale, ce qui inquiète les personnels proches de la retraite. « Nous voulons que nos droits soient garantis sans retard », insiste Mireille Koïta, porte-parole du personnel administratif.
La réponse prudente du gouvernement
Du côté du ministère de l’Enseignement supérieur, la volonté d’apaisement domine. Un cadre joint par nos soins affirme que « la question des soldes impayées est suivie avec la plus grande attention, et des régularisations progressives sont en cours selon le calendrier budgétaire ».
Le même responsable rappelle que l’État a consenti, depuis 2023, un effort constant pour stabiliser les finances universitaires, citant la modernisation de la paie numérique et la bancarisation des primes. Il invite les partenaires sociaux « à la patience et à la poursuite du dialogue constructif ».
Inquiétudes sur le parcours étudiant
Sur les campus de Makélékélé et de Tsiémé, les étudiants suivent de près l’évolution de la situation. Beaucoup craignent un scénario comparable à 2022, année marquée par plusieurs semaines d’interruption des cours. Ils redoutent des retards dans le calendrier des examens et la délivrance des diplômes.
« Nous avons besoin de visibilité, surtout pour les stages et les concours », explique Prisca Yoka, étudiante en Licence 3 de droit. Jusqu’ici, le mouvement étudiant ne s’est pas officiellement prononcé, mais des assemblées se préparent afin de définir une position commune.
Agenda des négociations
Le préavis couvrant les journées du 7 au 10 octobre laisse un délai de médiation. Selon nos informations, une rencontre tripartite réunissant ministère, direction universitaire et intersyndicale est proposée dès le 5 octobre pour examiner le pointage des créances et fixer un échéancier.
Un conseiller technique du ministère confie que les mesures de décaissement pourraient être accélérées si le contexte macroéconomique reste favorable. Les recettes pétrolières et douanières du troisième trimestre, jugées satisfaisantes, offriraient une marge pour régler au moins deux mois de salaires avant fin octobre.
Vers un compromis possible
Les syndicats, pour leur part, se disent ouverts à un calendrier glissant tant qu’il est formalisé. « Un protocole clair signé des deux parties réduira les tensions », affirme Victor Okemba, président du Syndicat national de l’Université, tout en rappelant que la grève reste l’ultime recours.
Plusieurs observateurs saluent l’approche graduée privilégiée par les parties prenantes. Hervé Obili, économiste, souligne que « la discussion sociale permet de préserver l’attractivité de la seule université publique du pays tout en tenant compte des impératifs budgétaires ». Il appelle à un compromis responsable.
Effets sur l’économie brazzavilloise
Installée au cœur de Brazzaville, l’Université Marien Ngouabi fait vivre un écosystème d’imprimeurs, de loueurs et de petites cantines. Chaque interruption d’activité se répercute sur ces PME, dont beaucoup emploient des jeunes. La rentrée représente donc un moment clé pour l’économie de proximité.
Les autorités municipales suivent le dossier, conscients que la stabilité universitaire conditionne aussi la fréquentation des transports en commun et des marchés. Un responsable de la mairie assure que « la ville est prête à accompagner toute initiative favorisant la continuité des cours et des services ».
Derniers préparatifs et espoirs
Les prochains jours seront donc déterminants. Si un accord intervient avant le 7 octobre, la menace de grève pourrait être levée et la rentrée académique s’ouvrir dans la sérénité. À défaut, les syndicats promettent des actions progressives visant à éviter une paralysie totale.
En attendant, les amphis se préparent, les bibliothèques achèvent l’inventaire et les nouveaux bacheliers finalisent leur inscription. Tous espèrent que le dialogue social, valeur mise en avant par les partenaires, permettra de concilier droit des travailleurs et continuité du service public d’enseignement supérieur.