Une décision de justice inattendue à Brazzaville
Samedi 4 octobre 2025, les délégués de la Fédération congolaise de football avaient à peine pris place dans la salle de l’hôtel Ledger Plaza, à Brazzaville, que la nouvelle est tombée : l’assemblée générale ordinaire était annulée sur ordre du Tribunal de grande instance.
Annonceur improvisé, le deuxième vice-président Carl Boniface Malalou a expliqué au micro que le Comité exécutif n’avait d’autre choix que de reporter la réunion, tout en promettant d’emprunter « toutes les voies de recours » pour faire valoir le droit statutaire de l’instance.
Dans l’assistance, plusieurs présidents de ligues régionales ont accueilli la décision avec stupeur, d’autres avec fatalisme, conscients que le moindre faux pas pourrait rouvrir le dossier de la suspension de février 2025 qui avait déjà privé le Congo de compétitions internationales.
Les arguments avancés par le Tribunal
Le juge instructeur justifie l’interdiction par l’existence d’une information judiciaire visant plusieurs cadres de la FECOFOOT, soupçonnés de malversations financières présumées durant la première moitié de l’année 2024, notamment autour de contrats de sponsoring et de la billetterie des rencontres.
Selon l’ordonnance consultée par nos soins, la tenue d’une assemblée générale pourrait « entraver la manifestation de la vérité » en permettant aux mis en cause d’influencer les rapports internes ou de faire adopter des mesures de protection judiciaire contraires à l’intérêt de l’enquête.
La défense souligne au contraire que l’AGO, purement administrative, n’a vocation qu’à approuver le bilan moral et financier, valider le calendrier sportif et renouveler le mandat de deux commissaires aux comptes, sans interférer dans le travail de la magistrature.
Le casse-tête statutaire pour la FECOFOOT
Convoquée dès le 25 septembre, l’AGO devait clôturer l’exercice 2023-2024, condition pour libérer la subvention de solidarité de la FIFA et débloquer la prochaine tranche de partenariat de la société pétrolière nationale, primordiale pour les clubs de première division.
Les statuts prévoient un report maximal de trente jours, faute de quoi une assemblée extraordinaire de tous les membres peut être exigée. Ce scénario inquiète certains présidents de clubs amateurs qui redoutent les coûts de déplacement d’une nouvelle convocation à Brazzaville.
« Nous savons que la fédération n’est pas responsable de la procédure judiciaire, mais notre championnat a déjà pris du retard, chaque semaine compte », explique Jonas Mabiala, dirigeant du Tonnerre de Pointe-Noire, qui appelle « à une solution rapide et apaisée ».
La posture de la FIFA face à l’ingérence présumée
Déjà témoin de l’annonce, le représentant de la FIFA a rappelé la politique de « tolérance zéro » sur l’ingérence des autorités civiles dans la gestion des fédérations reconnues, une position réaffirmée après les événements similaires observés au Pakistan et en Sierra Leone.
Une suspension, même temporaire, empêcherait les équipes nationales et les clubs de disputer les éliminatoires de la CAN 2027 et la Coupe de la Confédération, sans oublier la perte des programmes Forward consacrés au développement des infrastructures et à la formation des jeunes talents.
Toutefois, la FECOFOOT insiste sur son respect des institutions nationales. « Nous ne sommes pas au-dessus de la loi, mais la loi doit aussi garantir notre autonomie sportive », résume Carl Boniface Malalou, estimant qu’un dialogue constructif peut éviter un nouveau conflit avec Zurich.
Quelles conséquences pour les clubs et les joueurs ?
Dans l’immédiat, les championnats nationaux continuent, mais l’incertitude financière plane. Les subventions de la fédération couvrent jusqu’à 40 % des frais de transport des équipes provinciales. Plusieurs clubs envisagent déjà de réduire leurs effectifs professionnels ou de retarder le paiement des primes de performance.
Le sélectionneur des Diables rouges, Paul Put, observe la situation avec prudence. Son programme de préparation d’un tournoi amical à Cotonou, prévu en novembre, dépend du règlement rapide des questions administratives pour que la fédération puisse affréter un vol et assurer les assurances médicales.
« Les joueurs n’ont qu’une courte carrière ; chaque stage raté est une opportunité de moins », regrette le technicien belge, tout en saluant « le climat responsable » des autorités sportives qui maintiennent le dialogue avec la justice pour protéger l’avenir du football congolais.
Prochaines étapes et espoirs du comité exécutif
Dans les prochains jours, les avocats de la FECOFOOT devraient déposer un référé en mainlevée afin de démontrer que la convocation de l’AGO ne nuit pas à la procédure pénale en cours et qu’elle représente même une exigence de transparence pour la bonne gouvernance.
Parallèlement, le ministère des Sports suit le dossier avec attention et réaffirme son souhait de voir « toutes les parties travailler main dans la main », précisant que l’autonomie des fédérations reste un principe consacré par la loi congolaise sur l’organisation et la promotion des activités physiques.
La FECOFOOT espère désormais fixer avant fin octobre une nouvelle date d’assemblée, convaincue que la justice tiendra compte de l’urgence sportive. « Espérons que tout rentre rapidement dans l’ordre, dans l’intérêt de nos licenciés et des supporters », souffle un observateur avisé.
