Un rappel à l’ordre inédit à Brazzaville
À la sortie du week-end, la Direction générale de la sécurité présidentielle a surpris les conducteurs de taxis-motos en les convoquant d’urgence. Le secrétariat chargé du transport public de personnes par motocycliste a été missionné pour diffuser un message clair : place à la conformité ou à l’arrêt d’activité.
La note signée par Gille Ondélé Kanga, publiée le 7 octobre, accorde un délai de soixante-douze heures. Jeudi à minuit, toute moto non immatriculée ou sans équipement obligatoire pourra être immobilisée. « Nous voulons prévenir le pire et assainir nos routes », insiste le responsable.
Dans une capitale en pleine expansion, où ces engins représentent souvent l’ultime solution de mobilité, le coup de semonce apparaît d’autant plus déterminant qu’il émane d’une institution connue pour la fermeté de ses contrôles.
Les exigences officielles en détail
Premier impératif : l’immatriculation. Chaque engin devra arborer une plaque lisible, facilitant le suivi en cas d’infraction ou d’accident. Selon la Dgsp, des guichets dédiés ont été ouverts pour accélérer la délivrance des plaques et éviter toute file d’attente prolongée.
Le port du casque homologué devient non négociable pour conducteur et passager. La mesure vise à réduire le nombre de traumatismes crâniens recensés aux urgences de Talangaï et Makélékélé. Les autorités rappellent que la vente des casques subventionnés se poursuit dans les boutiques agréées.
Troisième obligation : le gilet fluorescent numéroté. Visible de jour comme de nuit, il doit porter le même numéro que la plaque. Les forces de l’ordre disposeront ainsi d’un double repère visuel, simplifiant les contrôles au feu et aux carrefours stratégiques.
Limiter les risques : passagers et positions
Le transport de plus d’un passager est désormais banni. Les études du Centre national de sécurité routière montrent qu’un freinage d’urgence est multiplié par deux en distance lorsque la moto supporte une triple charge.
Autre point sensible : la posture dite « amazone », où le passager s’assoit latéralement. Jugée instable, elle sera sanctionnée. « Il nous arrive de voir des passagères glisser dès le premier nid-de-poule », témoigne Gabriel, infirmier à l’hôpital de Mfilou, qui accueille régulièrement ces victimes.
Enfin, la Dgsp interdit aux étrangers d’exercer le métier sans autorisation spécifique. Objectif affiché : clarifier l’activité, vérifier les permis et sécuriser l’identification des chauffeurs.
Pourquoi lancer ces règles maintenant ?
Selon les statistiques du commissariat central, les motos sont impliquées dans près de 40 % des accidents urbains depuis janvier. Le pic d’incivilités enregistré durant la rentrée scolaire aurait précipité la décision des autorités.
La croissance rapide du parc de deux-roues, estimé à 45 000 unités rien qu’à Brazzaville, complique le contrôle classique. « Nous avions besoin d’une mesure choc pour restaurer la confiance des usagers », confie un cadre de la Dgsp.
Par ailleurs, la municipalité prépare un plan de circulation intégrant des couloirs réservés aux motos. La conformité des engins et l’identification des chauffeurs forment un préalable à ce chantier.
Échos et réactions sur le terrain
Dans le quartier de Ouenzé, plusieurs conducteurs se pressent déjà aux guichets. « Le casque, ça coûte, mais je préfère payer que perdre ma moto », admet Julien, 29 ans, qui transporte en moyenne trente clients par jour.
Les usagers saluent globalement la mesure. Angélique, vendeuse au marché Total, espère « moins de zigzags et plus de discipline ». Certains clients redoutent toutefois une hausse des tarifs si les chauffeurs répercutent le prix de l’équipement.
Du côté des vendeurs d’accessoires, l’effervescence est palpable. « Nous avons triplé les commandes de casques fluorescents », se réjouit Marc, gérant d’une boutique de l’avenue de la Paix, qui anticipe un pic de ventes jusqu’à la date butoir.
Sanctions prévues pour les récalcitrants
Passé le délai, toute moto non conforme pourra être saisie et transférée à la fourrière. Le conducteur s’exposera à une amende dont le barème grimpe jusqu’à 50 000 FCFA, assortie de frais de garde journaliers.
En cas de récidive, la Dgsp évoque la suspension provisoire du permis de conduire, ainsi qu’une formation obligatoire sur la sécurité routière. « Nous voulons responsabiliser, pas punir pour punir », assure un officier rencontré lors d’un contrôle test sur l’avenue Matsoua.
Les autorités rappellent que les contrevenants identifiés en flagrant délit de surcharge ou de posture interdite risquent également des poursuites pour mise en danger de la vie d’autrui, un délit passible de peines plus lourdes.
Vers un transport urbain plus sûr et structuré
Les acteurs du secteur voient dans ces règles l’occasion de professionnaliser une activité souvent informelle, tout en répondant à la demande croissante de mobilité rapide et abordable.
Le ministère des Transports envisage déjà d’étendre la démarche à Pointe-Noire. Brazzaville servirait de laboratoire avant l’application nationale d’un code harmonisé pour motos-taxis et tricycles.
À court terme, la priorité demeure la sensibilisation. Des équipes mixtes police-transport sillonnent les arrondissements pour expliquer les nouvelles exigences. « La sécurité routière est l’affaire de tous », martèle Gille Ondélé Kanga, convaincu que la réussite dépendra de l’adhésion collective.