Session décisive à Malabo pour la Cémac
Réunis à Malabo les 7 et 8 octobre pour la 42e session ordinaire du Collège de surveillance multilatérale, les décideurs de la Cémac ont dressé un tableau détaillé de la conjoncture sous la houlette du président de la Commission, Baltasar Engonga Edjo’o.
L’événement, suivi par le commissaire chargé des politiques économiques, monétaires et financières, Nicolas Beyeme Nguema, a également réuni les représentants des six États membres afin d’examiner le rapport de surveillance 2024 et les grandes orientations jusqu’en 2026.
Dans son allocution d’ouverture, le président Engonga Edjo’o a salué les progrès enregistrés mais a invité les gouvernements à « agir avec prudence » face aux incertitudes régionales, rappelant que la consolidation ne pourra se maintenir qu’à travers des réformes structurelles soutenues.
Croissance 2024 : l’embellie se confirme
Selon le rapport, l’activité économique de la Communauté s’est consolidée, affichant en 2024 une croissance moyenne de 2,7 %, contre 1,8 % l’an passé, portée en grande partie par le redressement du secteur non pétrolier.
Le Cameroun, le Gabon et le Tchad se distinguent, avec des progressions respectives évaluées à 3,5 %, 3,2 % et 2,6 %. La République centrafricaine enregistre 1,8 %, profitant d’un environnement sécuritaire jugé plus serein.
Dans le communiqué final, les experts soulignent l’apport croissant de l’agriculture, des services et des télécommunications, secteurs considérés comme les nouveaux moteurs de l’économie régionale, à côté d’une production pétrolière qui reste déterminante mais plus volatile.
Inflation et critères de convergence sous surveillance
L’inflation régionale, reflue à 4,1 % contre 5,7 % en 2023, demeure toutefois au-dessus de la norme communautaire fixée à 3 %. Seule la Centrafrique et le Gabon repassent sous ce seuil, confirmant la vigilance requise en matière de prix.
Le Collège rappelle que la convergence macroéconomique est évaluée à l’aune de plusieurs critères, dont le solde budgétaire de base et la dette publique. En 2024, seule une poignée de pays respecte deux critères, quand d’autres n’en valident qu’un.
« Le respect de ces ancrages est indispensable pour renforcer la crédibilité de la politique monétaire et attirer des investisseurs », affirme un cadre de la Banque des États d’Afrique centrale, rappelant l’importance d’une discipline budgétaire partagée.
Focus sur le Congo : redressement progressif
La République du Congo illustre cette dynamique graduelle. Après 1,1 % de progression en 2023, l’économie devrait atteindre 1,5 % en 2024, profitant d’un regain dans la construction, l’agro-industrie et les services marchands.
Les autorités congolaises mettent en avant les réformes engagées pour diversifier les recettes et assainir la gestion publique, un cap jugé « encourageant » par plusieurs participants, même si des efforts supplémentaires sont attendus pour satisfaire les critères de convergence.
Réserves de change et stabilité monétaire
Les réserves de change de la zone atteignent 4,86 mois d’importations, soit leur meilleur niveau depuis 2015. Parallèlement, le taux de couverture extérieure du franc CFA progresse à 74,9 %, consolidant la stabilité monétaire et la capacité d’intervention de la banque centrale.
« Ces coussins financiers offrent un filet contre les chocs extérieurs, mais ils ne doivent pas servir de prétexte à une dépense publique imprudente », prévient un économiste basé à Libreville, rappelant la nécessité d’orienter les excédents vers l’investissement productif.
Perspectives 2025-2026 : prudence et réformes
Pour 2025, la Cémac table sur une croissance moyenne de 2,7 %, avant une accélération à 3,4 % en 2026. Les estimations reposent sur la montée en puissance des secteurs non pétroliers et le maintien d’un environnement international relativement porteur. Les partenariats publics-privés sont cités comme catalyseurs.
Le Collège souligne néanmoins plusieurs risques, dont la volatilité des cours mondiaux, les aléas climatiques et l’évolution de la situation sécuritaire régionale. La prudence recommandée s’entend donc comme un appel à planifier des marges de manœuvre budgétaires.
En parallèle, les programmes triennaux de convergence font l’objet d’un suivi resserré. Les experts invitent chaque État à actualiser ses projections afin de coller aux réalités nationales, créant ainsi les conditions d’une intégration plus harmonieuse.
Diversification et climat des affaires, clés de l’avenir
Au-delà des chiffres, la diversification économique reste le maître mot. L’industrialisation locale, la transformation agricole et la numérisation des services sont présentées comme autant de relais capables de réduire la dépendance au pétrole et d’absorber une population jeune et croissante.
Les participants insistent enfin sur l’importance du climat des affaires. Une justice commerciale plus rapide, des procédures douanières simplifiées et la généralisation du numérique doivent, selon eux, attirer capitaux et talents, condition essentielle pour transformer le rebond actuel en véritable essor durable.