Une ambition nationale pour l’entrepreneuriat féminin
Réunies trois jours durant à Brazzaville, entrepreneures, décideurs publics et experts ont clos la deuxième édition du Women Economic Forum avec une ambition forte : faire de la République du Congo un véritable hub de l’entrepreneuriat féminin et accélérer l’inclusion financière dans toutes les régions.
Dans l’amphithéâtre rempli du centre de conférences international, la présidente de la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises, Flavie Lombo, a salué « le début d’un changement ». Selon elle, seules « des énergies mutualisées » permettront de traduire les opportunités abondantes du pays en chaînes de valeur gérées par des femmes.
Un forum riche en recommandations concrètes
Le thème choisi, « Genius, inclusion financière », a servi de fil conducteur aux panels et ateliers. Les discussions ont insisté sur la formalisation des activités portées par les femmes, condition jugée indispensable pour obtenir un crédit, signer un contrat public ou accéder à une plateforme numérique de vente.
À l’issue des travaux, un paquet de recommandations a été adopté. Le document final préconise de faciliter l’accès au financement grâce à des mécanismes adaptés, de renforcer les capacités via des incubateurs, de promouvoir le mentorat continu et d’installer un environnement règlementaire qui valorise le leadership féminin.
Vanessa Mavila, membre du bureau de la Chambre, a expliqué que « sécuriser l’initiative économique des femmes revient à alléger les procédures, raccourcir les délais et reconnaître la propriété intellectuelle ». Elle précise que ces actions doivent se traduire rapidement, particulièrement dans les secteurs agricole, artisanal et commercial.
Soutien gouvernemental et climat d’affaires
La ministre des Petites et moyennes entreprises et de l’Artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, a pris la parole pour rappeler que plusieurs textes gouvernementaux réduisent déjà les frais de création d’entreprise et offrent un accompagnement spécialisé. Elle a exhorté les participantes à « profiter pleinement d’outils qui existent mais restent parfois méconnus ».
Le gouvernement, a-t-elle ajouté, maintient son engagement à soutenir la compétitivité des PME dirigées par des femmes, en misant sur la décentralisation des services d’appui et la promotion des financements de proximité. Son propos a été longuement applaudi par l’auditoire, signe d’un soutien croissant entre secteur public et privé.
Genius, catalyseur de talents féminins
Au cœur du Forum, le programme Genius a reçu une attention particulière. Initié par la Chambre nationale des femmes cheffes d’entreprises, il accompagne entrepreneures, artisanes, commerçantes et agricultrices dans la structuration de leurs projets à Brazzaville, Pointe-Noire, Oyo, Dolisie et Ouesso.
Concrètement, Genius prévoit l’incubation de mille femmes pendant trois mois et l’accélération de deux cents autres pendant un mois. Le dispositif combine coaching, mise en réseau, facilitation de l’accès aux marchés et appropriation d’outils numériques, autant de leviers destinés à consolider les activités dès leurs premières recettes.
Les organisatrices estiment que l’approche territoriale de Genius répond aux réalités locales. Les quartiers périphériques, les corridors commerciaux et les zones agricoles y trouvent des réponses adaptées, qu’il s’agisse de micro-crédits, de gestion de stock ou de marketing digital. « Nous voulons toucher la base », insiste Flavie Lombo.
Former, financer et connecter
Le coût de la vie, la fluctuation des matières premières et la concurrence régionale ont également été abordés. Plusieurs intervenantes ont souligné que la diversification des sources de revenus est devenue vitale. L’incubateur entend donc former à la comptabilité simplifiée et à la négociation, deux compétences jugées prioritaires.
Pour garantir la durabilité, les expertes recommandent de suivre les cohortes au-delà des quatre mois d’accompagnement. Des clubs d’affaires doivent être créés afin de mesurer l’impact réel sur le chiffre d’affaires, l’emploi féminin et la contribution fiscale. Cette culture de l’évaluation est présentée comme un gage de crédibilité.
La question de la transition numérique a animé les ateliers débat. Plusieurs start-uppeuses ont témoigné de la valeur ajoutée d’un simple terminal mobile pour gérer les stocks et encaisser via mobile money. Les participantes souhaitent que la connectivité soit renforcée dans les villes secondaires afin d’éviter une fracture technologique.
Histoires inspirantes et perspectives
Au-delà des chiffres, le Forum a mis en avant des parcours inspirants. Nadège, cultivatrice à Ouesso, a raconté comment une formation antérieure a doublé son rendement en tubercules. Nicole, couturière à Dolisie, a signé un premier contrat d’exportation via une plateforme en ligne.
Les participantes se donnent rendez-vous l’an prochain pour mesurer le chemin parcouru. D’ici là, un comité de suivi réunira administration, secteur bancaire et réseau associatif. Son rôle sera de visibiliser les avancées, repérer les freins et ajuster les politiques d’appui, dans une logique d’amélioration continue.
Avec cette édition, la dynamique semble enclenchée. Entre volontarisme institutionnel et créativité entrepreneuriale, le Congo dispose d’atouts solides pour devenir un pôle régional de l’entrepreneuriat féminin. Les prochains mois diront comment les recommandations passeront du papier au terrain, mais le souffle d’optimisme est bel et bien perceptible.