Une course au cœur de la forêt congolaise
Aux premières lueurs du 11 octobre, la brume légère qui recouvrait la canopée d’Odzala-Kokoua laissait filtrer les encouragements des habitants de Mbomo. Cent-vingt coureurs, chaussures humides et visages impatients, s’élançaient alors sur un tracé inédit mêlant pistes sableuses, sentiers d’éléphants et passerelles improvisées au dessus des rivières.
Pour la première fois, la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, Lydie Pongault, donnait personnellement les trois coups d’envoi successifs des 42, 21 et 10 kilomètres. Sa présence symbolisait l’engagement de l’État à faire de cette épreuve un nouveau levier d’attractivité.
Une heure séparait chaque départ afin d’assurer la sécurité sur les tronçons les plus étroits. Ce rythme cadencé permettait aussi aux spectateurs, regroupés autour des villages riverains, de suivre la progression des athlètes et de mesurer leur effort presque en temps réel, smartphone à la main.
Des résultats qui récompensent l’endurance
Au terme des 10 kilomètres, Joseph Obanga, originaire de Mbomo, franchissait l’arche d’arrivée en 42 minutes, acclamé par ses voisins. Il devançait le coureur d’African Parks, Vérité Ilazi, d’une poignée de secondes, tandis qu’Alvarince Olendé, représentant Kamba, complétait ce podium purement nord-congolais.
Sur le semi-marathon, Fred Itadi offrait à African Parks une nouvelle victoire en 1 h 37, une cadence solide sur ces chemins boueux. Enfin, le marathon complet couronné par Djibil Agnouka en 3 h 49 confirmait la domination du même club, devant Arsène Zoloba et Guinel Ngouana.
Tourisme vert et message de conservation
Pour les organisateurs, le chronomètre n’est qu’un prétexte. « On court entouré d’éléphants et parfois de gorilles, c’est un privilège qui rappelle que la forêt n’est pas un décor mais un écosystème fragile », rappelle Elza Gillman, directrice générale de Kamba, société gestionnaire des lodges écotouristiques.
La visibilité du marathon attire des visiteurs qui prolongent leur séjour dans les camps d’observation, génèrent des revenus pour les communautés voisines et contribuent aux programmes de surveillance anti-braconnage. Chaque dossard vendu inclut un pourcentage dédié à la protection des gorilles occidentaux et des éléphants de forêt.
Un soutien institutionnel et privé grandissant
En remettant les médailles, la ministre Lydie Pongault a annoncé que le marathon intégrerait désormais la stratégie nationale de développement du tourisme. « Nous voulons en faire un rendez-vous annuel qui montrera au monde la beauté du bassin du Congo et la qualité de l’accueil congolais » a-t-elle indiqué.
Cette reconnaissance institutionnelle a rassuré les partenaires privés. Des entreprises forestières certifiées, des opérateurs télécoms et plusieurs PME locales ont confirmé leur soutien logistique ou financier pour les prochaines éditions, garantissant l’installation de points d’eau, de balisages durables et d’un chronométrage électronique.
Cap sur un événement de référence mondiale
Le rêve d’Elza Gillman est d’inscrire Odzala au même calendrier que Berlin ou New York. Pour y parvenir, l’équipe s’attelle à obtenir la certification World Athletics, indispensable pour attirer les meilleurs coureurs africains et européens et offrir des primes dignes des grands marathons urbains.
Les défis logistiques restent nombreux. Les athlètes doivent actuellement parcourir 600 kilomètres de route depuis Brazzaville avant de fouler la ligne de départ. Un projet de navette aérienne régulière vers l’aérodrome de Mboko, à l’étude, réduirait ce trajet à une heure, sans dénaturer l’expérience immersive.
Selon les premières estimations de l’Office congolais du tourisme, chaque édition génère déjà plus de cinquante millions de francs CFA de retombées directes pour la Cuvette-Ouest, entre nuits d’hôtels, repas, transports et achats d’artisanat. Un chiffre promis à doubler avec l’arrivée des coureurs étrangers.
La dimension familiale des jeux d’Odzala
Pendant que les champions avalaient les kilomètres, plus de cent écoliers participaient aux « jeux olympiques » d’Odzala, un enchaînement ludique de relais, de lancers et de courses en sac. Les rires des enfants résonnaient jusqu’aux abords du parc, prolongeant la fête au-delà de la compétition.
« Les jeux d’Odzala ancrent l’événement dans la vie du village, ils forment déjà la prochaine génération de sportifs et d’ambassadeurs de la forêt », soulignait la ministre, saluant les animateurs bénévoles issus des écoles locales qui assurent la formation aux gestes éco-citoyens.
Rendez-vous pris pour 2024
Avec l’appui confirmé des sponsors, l’organisation prévoit d’augmenter le nombre de dossards à 300 l’an prochain et d’intégrer un relais mixte destiné aux clubs corporatifs. Les inscriptions ouvriront dès le mois de mars, accompagnées d’une campagne numérique ciblant les coureurs d’Afrique centrale et de l’Ouest.
Toutes les améliorations resteront conformes à la charte écologique. Les gobelets seront compostables, les rubalises remplacées par des bornes en bois local et un système de covoiturage entre Brazzaville et Ouesso encouragé. L’événement veut ainsi prouver qu’un marathon peut être exemplaire du départ à l’arrivée.
Une visibilité qui dépasse déjà les frontières
Entre prouesse sportive, découverte touristique et engagement citoyen, le marathon d’Odzala incarne l’esprit d’un Congo tourné vers l’avenir et fier de ses trésors naturels. À mesure que les foulées se multiplient sous les arbres centenaires, c’est tout un territoire qui gagne en visibilité.
Des discussions sont engagées pour que Lonely Planet intègre bientôt Odzala, étape décisive vers une reconnaissance mondiale.