Un conflit social qui dure
La sonnette d’alarme résonne de nouveau à la Société des postes et de l’épargne du Congo, où l’intersyndical annonce un sit-in illimité pour réclamer salaires et améliorations de gestion. Les agents promettent de rester mobilisés jusqu’à obtention d’avancées tangibles.
Réunis en assemblée générale le sept octobre, les délégués syndicaux évoquent plus de cinquante mois d’arriérés accumulés en sept ans. Ils y voient le symptôme d’un déséquilibre structurel que la direction, selon eux, tarde à corriger malgré plusieurs protocoles d’accord signés.
Face à la détermination des personnels, la direction générale assure travailler sur un plan de mobilisation des recettes du timbre électronique et de modernisation logistique. « Nous partageons la même ambition de pérenniser le courrier public », affirme un cadre, préférant garder l’anonymat.
Un malaise salarial persistant
Les syndicats rappellent qu’en mars et avril derniers, les salaires n’avaient été versés qu’en août, étirant des budgets familiaux déjà fragiles. « Notre pouvoir d’achat s’effrite, mais nous continuons d’assurer le service », souligne Serge Boutamba, secrétaire général du Syndicat général de la poste.
Au total, plus de quatre ans d’arriérés équivalent, selon les calculs de l’intersyndical, à près de dix-huit milliards de francs CFA. La revendication du paiement intégral reste au cœur des échanges avec la tutelle, tandis que des solutions de lissage budgétaire sont étudiées.
Le ministère des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique indique, pour sa part, que « les discussions techniques nécessaires se poursuivent afin de garantir un cadre financier assaini ». L’objectif affiché est d’éviter toute interruption qui pénaliserait citoyens et entreprises.
Des infrastructures à moderniser
Au-delà des salaires, les représentants du personnel décrivent des bâtiments vieillissants, un parc automobile limité à une dizaine de véhicules fonctionnels pour l’ensemble du territoire, et un mobilier désormais obsolète. Ces constats compliquent la distribution du courrier notamment vers les zones rurales.
La direction affirme avoir commandé de nouveaux véhicules et prévoit une réhabilitation progressive des agences régionales. Un appel d’offres pour la rénovation du centre de tri de Mpila serait en cours, avec un financement mixte État-partenaires qui pourrait débuter avant la fin de l’année.
La modernisation est d’autant plus urgente que la concurrence des messageries privées gagne du terrain. Pour de nombreux observateurs, l’avenir de la SOPECO dépendra de sa capacité à proposer des services numériques et un suivi en temps réel des colis.
Une gouvernance en débat
Les syndicats contestent plusieurs reclassements internes qu’ils jugent irréguliers et réclament leur annulation pure et simple. Ils demandent également qu’un postier occupe le secrétariat général de la Banque postale du Congo, dont la société détient vingt pour cent du capital.
Interrogée, la directrice générale, Émilie Okemba, assure que les affectations récentes respectent la réglementation et visent à « renforcer l’efficacité opérationnelle ». Elle se dit ouverte à toute discussion constructive et propose la mise en place d’un comité paritaire pour examiner les griefs.
Pour le politologue Jean-Gaston Mabiala, spécialiste des entreprises publiques, « l’enjeu dépasse la question salariale ; il s’agit de refonder la gouvernance d’un acteur historique afin d’accompagner la stratégie nationale de transformation digitale ». Selon lui, la concertation reste le meilleur levier.
L’État réaffirme son soutien
Le gouvernement, par la voix du porte-parole du ministère de l’Économie et des Finances, rappelle que des efforts budgétaires importants ont déjà permis de payer dix-sept mois de salaires en 2022. De nouvelles lignes de trésorerie seraient inscrites au budget 2024 pour solder progressivement le reliquat.
Dans une note transmise aux représentants du personnel, la tutelle souligne qu’elle suit « avec la plus grande attention » les discussions. Elle insiste sur la priorité accordée à la stabilité sociale et à la continuité du service public postal, qualifié d’« outil de cohésion nationale ».
Impact potentiel sur les usagers
Une paralysie totale, même limitée à quelques jours, affecterait l’acheminement des colis, des mandats et des cartes grises. Les commerçants, qui importent régulièrement de petites marchandises, redoutent un ralentissement. « Chaque journée de retard peut coûter un marché », témoigne la vendeuse en ligne Lydie Mayoukou.
Pour réduire l’impact d’un éventuel arrêt, la SOPECO envisage un service minimum, centré sur les distributions urgentes et les pensions des retraités. « Nous étudions des rotations restreintes pour préserver les missions sociales », précise une source interne proche de la cellule de crise.
Vers une sortie de crise ?
Les prochaines heures seront scrutées par les agents comme par les usagers. Un nouveau round de négociations est annoncé pour la semaine prochaine au ministère, avec médiation de l’Inspection générale du travail. Les deux parties disent vouloir avancer rapidement vers un protocole actualisé.
S’ils parviennent à se mettre d’accord, les syndicats prévoient de suspendre le sit-in et de reprendre pleinement le tri, la distribution et les services financiers. En attendant, nombreux sont ceux qui espèrent que la poste, institution centenaire, retrouvera bientôt son rythme de croisière.
D’ici là, les usagers sont invités à consulter régulièrement les canaux officiels de la SOPECO pour connaître les horaires actualisés et les points de contact disponibles sur le territoire national.