Une mobilisation contre le paludisme
Dès l’aube, les files d’attente se forment devant les centres de santé de Hinda, Nzambi et Madingo-Kayes. Dans chaque main, un ticket vert donne droit à deux moustiquaires imprégnées. L’opération, lancée lundi, veut placer une barrière mécanique et chimique entre les moustiques et les foyers.
Le Kouilou enregistre encore près de 120 000 cas de paludisme par an, selon le Programme national de lutte contre le paludisme. « Nous voulons diviser ce chiffre par deux d’ici 2025 », souligne le Dr Émilienne Malonga, directrice départementale de la santé, visiblement confiante.
Objectif : protéger 180 000 habitants
Les autorités ont reçu 200 000 moustiquaires longues durées d’action, généreusement fournies par le Fonds mondial et l’UNICEF, puis convoyées par camion depuis Pointe-Noire jusqu’aux 72 points de distribution. Cela devrait couvrir plus de 180 000 habitants, soit presque tous les dormeurs recensés.
Chaque ménage repart avec une moustiquaire pour deux personnes, après vérification du registre de quartier. Un autocollant apposé sur la porte signale que le foyer est protégé. « Cette traçabilité nous permettra d’évaluer l’utilisation réelle dans six mois », explique le statisticien Valentin Mavoungou.
Une logistique millimétrée jusqu’aux villages
Du dépôt central de Loango, les palettes sont réparties dans des pirogues, des pick-up et même des motos pour atteindre les villages enclavés de Yanga, Bondi et Mvouti. Le planning a été dressé rue par rue à l’aide d’une cartographie numérique fournie par l’Institut national de la statistique.
Pour maintenir la chaîne de responsabilité, chaque chef de centre signe un bordereau electronique. Les données alimentent immédiatement la plateforme DHIS2 du ministère, permettant de visualiser l’avancement en temps réel. Une innovation saluée par plusieurs ONG spécialisées, dont la Force africaine contre la malaria.
Rôle clé des relais communautaires
Mais la moustiquaire ne sert que si elle reste au-dessus du lit. C’est là qu’interviennent 600 relais communautaires formés en avril à Pointe-Noire. Armés d’affiches illustrées, ils parcourent chaque ruelle pour montrer comment suspendre correctement la toile et rappeler l’importance du couchage précoce.
« Les enfants adorent les dessins qui montrent le moustique tomber raide », sourit la volontaire Grâce Difouilou, 24 ans. Ses visites portent déjà leurs fruits : dans le quartier Tchamba, quatre foyers sur cinq ont installé la moustiquaire le soir même, selon l’enquête flash réalisée mardi.
Témoignages des familles du Kouilou
À Hinda, Marceline Ngatséké, mère de six enfants, se félicite de cette aide. « J’achetais une moustiquaire sur le marché, mais elle se déchirait vite. Cette nouvelle est plus solide et traitée, je dors mieux », assure-t-elle. Ses voisins confirment et évoquent déjà moins de piqûres la nuit.
Les écoliers du CEG de Loango ont, eux, reçu une séance spéciale où un infirmier a expliqué le cycle de l’anophèle. « Savoir que l’insecte pique surtout entre 22 h et 4 h motive les adolescents à rentrer tôt », observe la proviseure Adélaïde Tando.
Engagement des autorités et partenaires
Le préfet du Kouilou, Séraphin Ondongo, a insisté sur le soutien logistique du gouvernement. « Sans l’engagement personnel du président Denis Sassou Nguesso, nous n’aurions pas pu sécuriser le financement ni mobiliser les transports de l’armée pour les zones forestières », a-t-il déclaré lors du lancement officiel à Loango.
Le ministère de la Santé a mobilisé 150 millions de francs CFA pour le volet communication, tandis que l’OMS apporte l’assistance technique. Des équipes mixtes Santé-Environnement effectuent parallèlement un traitement larvicide des gîtes dans les marigots, signe que la lutte reste globale et coordonnée.
Impact sanitaire attendu
Les projections épidémiologiques montrent qu’une couverture effective de 80 % peut réduire l’incidence du paludisme de 55 % en une année. Si cette tendance se confirme, les formations sanitaires du Kouilou verraient 30 000 consultations fébriles de moins, libérant des ressources pour d’autres priorités.
La mortalité maternelle liée au paludisme devrait aussi reculer, car la campagne prévoit la distribution systématique de moustiquaires aux femmes enceintes lors des consultations prénatales. Le Dr Malonga espère passer sous le seuil de 15 décès pour 100 000 naissances vivantes dès l’an prochain.
Un effort inscrit dans la stratégie nationale
Cette opération s’inscrit dans la phase II du Plan stratégique national 2021-2025, qui mise sur la prévention plutôt que la seule prise en charge. Après le Kouilou, les départements du Niari et de la Lékoumou bénéficieront du même dispositif avant la fin de l’année.
Les partenaires saluent la régularité des campagnes congolaises. « La République du Congo reste un bon élève en matière de respect du calendrier sanitaire », observe le Dr Fatoumata Diallo, représentante de l’OMS. Selon elle, la clé réside dans l’anticipation budgétaire et la coordination inter-ministérielle.
Rappels de bonnes pratiques
Reste aux habitants à agir : dormir toutes les nuits sous la moustiquaire, réparer les déchirures et consulter tôt en cas de fièvre. Les animateurs rappellent que la toile, correctement utilisée, peut durer trois ans. À ce prix de zéro franc, la protection n’a jamais été aussi accessible.
Une application mobile, MaluSleep, permettra bientôt aux chefs de ménage de signaler la réception de moustiquaires et de recevoir des rappels d’entretien, ajoute le conseiller numérique du district.