Un sommet continental à Dakar
Sous le ciel encore humide de la saison des pluies, le Centre international de conférences Abdou Diouf a vibré deux jours durant au rythme du Sommet des Filles d’Afrique de l’Ouest et du Centre, organisé les 10 et 11 octobre 2025 par l’Unicef Sénégal.
Plus de deux cents adolescentes et adolescents, issus de vingt-quatre pays, ont partagé expériences, inquiétudes et solutions autour d’ateliers interactifs, de panels animés par leurs pairs et de moments culturels destinés à célébrer la créativité des jeunes du continent.
La date n’était pas choisie au hasard : le Sommet s’est conclu le 11 octobre, Journée internationale de la Fille, offrant une résonance symbolique aux recommandations finales co-rédigées par les participantes.
« Nous avons pris la parole pour celles qui, restées au village, n’osent pas encore rêver d’une salle de classe », confie Lucia, 16 ans, une des six représentantes du Congo-Brazzaville.
La délégation congolaise porte la flamme
Aux côtés de Lucia, Frédéric, Charles, Rebecca, Shekinha et Euverte ont multiplié interventions et échanges, mettant en avant les réalités de leurs quartiers de Brazzaville, Pointe-Noire ou des départements ruraux.
Ils ont décrit le poids des trajets quotidiens vers des écoles parfois lointaines, le coût des fournitures, mais aussi l’importance des encouragements familiaux qui permettent aux filles de poursuivre leurs études malgré les contraintes.
Rebecca, 17 ans, insiste : « Nos communautés se mobilisent déjà ; il nous manque surtout des salles supplémentaires, des toilettes sécurisées et des bourses pour retenir les élèves les plus vulnérables. »
Leurs témoignages, salués par les autres délégations, ont suscité des propositions de partenariats entre établissements scolaires afin de partager matériels pédagogiques et expériences réussies.
Dix millions de filles toujours hors des salles de classe
Dans son adresse de clôture, Gilles Fagninou, Directeur régional de l’Unicef pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, a rappelé qu’environ dix millions de filles ne fréquentent pas le secondaire dans la région.
Les causes, a-t-il détaillé, se nichent souvent dans les mariages précoces, une maternité survenant avant la majorité, l’absence d’identité légale, le manque d’infrastructures adaptées et la pauvreté persistante de nombreuses familles.
Pour matérialiser l’urgence, six-cents cartables vides ont été installés au pied du Monument de la Renaissance africaine : trois-cents bleus et trois-cents noirs figuraient autant de rêves scolaires momentanément interrompus.
« Chaque fille privée d’école est une solution retardée », a martelé le responsable onusien, invitant gouvernements, collectivités et secteur privé à un engagement immédiat pour lever ces barrières.
Un agenda régional élaboré par les adolescentes
Tout au long des ateliers, les participantes ont défini leurs priorités : scolarisation universelle jusqu’à 18 ans, amélioration des conditions d’hygiène menstruelle, mentorat féminin et accès équitable au numérique.
Le document final, baptisé “Agenda 2030 des filles d’Afrique de l’Ouest et du Centre”, prévoit également de renforcer la sensibilisation contre les stéréotypes qui freinent l’orientation des jeunes filles vers les filières scientifiques.
Les déléguées congolaises se sont engagées à traduire ces pistes en actions concrètes, en lien avec leurs établissements et les organisations locales de jeunesse.
« Nous ferons des clubs d’entraide dans nos lycées, parce que le changement commence sur les bancs », explique Charles, seul garçon du groupe, applaudi par la salle.
Des échos jusqu’à Brazzaville et Pointe-Noire
Dès leur retour, les six jeunes comptent organiser une restitution publique, avec l’appui de l’Unicef Congo et du ministère congolais de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’Alphabétisation.
Un premier rendez-vous est envisagé au lycée Chaminade, à Bacongo, afin de partager photos, vidéos et propositions, puis d’ouvrir un espace de dialogue entre élèves, enseignants et parents.
Les autorités locales saluent déjà l’initiative. « L’énergie de ces jeunes est un levier pour accélérer nos programmes d’amélioration des collèges », confie un inspecteur départemental qui a suivi le sommet en ligne.
Au-delà du symbole, l’organisation de clubs d’ambassadeurs de l’éducation des filles pourrait devenir un outil pérenne d’implication citoyenne, encouragé par la mise en réseau des participants de Dakar via plateformes sociales.
Lucia résume l’état d’esprit collectif : « On repart avec des contacts, des idées et surtout la certitude que chaque voix compte. »
Le Sommet des Filles d’Afrique Dakar 2025 s’achève donc, mais son élan se prolonge dans les cours d’écoles, les foyers et les instances décisionnelles, porté par des jeunes leaders convaincus que l’avenir se construit pupitre après pupitre.
Vers des financements ciblés
Lors de la session de clôture, plusieurs partenaires techniques ont annoncé l’ouverture de guichets dédiés à des micro-projets scolaires portés directement par les adolescentes, conditionnés à un suivi régulier et à la présentation de résultats concrets.
Cette approche, saluée par la délégation congolaise, pourrait financer l’achat de manuels, la création de bibliothèques de quartier ou l’organisation de campagnes contre le décrochage, renforçant ainsi l’impact local de l’Agenda 2030.
Dans les prochains mois, les jeunes leaders entendent partager leur expérience au sein des radios communautaires et des réseaux scolaires, afin d’inspirer d’autres filles qui, demain, rejoindront peut-être la prochaine édition du Sommet.
Le message est clair : aucune ambition ne doit rester lettre morte.