Deux audiences attendues à Owando et Impfondo
Le mois d’octobre sera marqué par deux audiences très observées dans le pays. Les 15 et 16 octobre, les tribunaux d’Owando, dans la Cuvette, puis d’Impfondo, en Likouala, examineront des dossiers de trafic d’ivoire, de peaux de panthère et d’écailles de pangolin.
Ces audiences symbolisent la détermination des autorités judiciaires à enrayer une criminalité qui menace la faune emblématique du Congo-Brazzaville et l’image du pays sur la scène écotouristique mondiale.
Chaque prévenu risque jusqu’à cinq ans de prison et cinq millions de francs CFA d’amende, comme le prévoit la loi n°37-2008 relative à la faune et aux aires protégées.
Arrestation du suspect d’Owando
Le premier dossier remonte au 29 novembre 2024, lorsqu’un homme a été interpellé avec trois pointes d’ivoire provenant, selon l’enquête, de deux éléphanteaux abattus près d’Etoumbi, dans la Cuvette-Ouest.
Le transport clandestin de l’ivoire vers Owando a été suivi en temps réel grâce à une coopération serrée entre la gendarmerie, les agents des eaux et forêts et le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage.
Un officier enquêteur confie que « l’arrestation s’est faite sans résistance, preuve que la filière perd confiance face à la pression permanente des patrouilles ». Les pièces saisies ont été placées sous scellés au parquet d’Owando.
Une femme mise en cause à Impfondo
Le 25 août, à 300 kilomètres plus au nord, une habitante d’Impfondo a été arrêtée alors qu’elle tentait de négocier deux peaux de panthère et plusieurs centaines d’écailles et griffes de pangolin, stockées dans un sac de voyage.
Selon la brigade territoriale, la suspecte aurait agi pour le compte d’un réseau transfrontalier opérant entre la République du Congo, la Centrafrique et le Cameroun, attiré par la forte valeur du pangolin sur le marché asiatique.
« Nous avons ciblé l’entrepôt après deux mois de surveillance discrète », résume un commandant, qui salue la collaboration des riverains ayant alerté les forces de l’ordre. La prévenue clame pour l’instant être simple porteuse.
Des espèces au bord de l’extinction
L’éléphant de forêt, la panthère et le pangolin figurent sur la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature, en catégorie « danger critique d’extinction » pour les deux derniers.
Leur disparition bouleverserait aussi l’équilibre des forêts du Bassin du Congo, deuxième poumon vert mondial après l’Amazonie, stockant chaque année des millions de tonnes de carbone.
Les procureurs espèrent que des peines exemplaires enverront un signal fort aux filières de l’ivoire et du cuir exotique, dont les profits illicites alimentent parfois le blanchiment d’argent et la contrebande d’armes dans la sous-région.
Un arsenal juridique consolidé
Adoptée en 2008 puis complétée par plusieurs décrets, la loi congolaise sur la faune protège intégralement plus de 60 espèces et punit la possession non autorisée de trophées d’une peine pouvant aller jusqu’à 33 millions de francs CFA et 15 ans de prison.
L’actuel Plan national de développement 2022-2026 prévoit en outre la création d’une brigade forestière spéciale et l’installation de tribunaux mobiles pour juger plus rapidement les délits environnementaux dans les zones reculées.
Le ministre de l’Économie forestière Rosalie Matondo rappelait récemment que « protéger la biodiversité, c’est protéger notre capital naturel et le bien-être des populations rurales qui en dépendent ».
Mobilisation citoyenne et perspectives
À Owando comme à Impfondo, des associations locales préparent des séances de sensibilisation devant les palais de justice pour expliquer aux habitants l’enjeu de ces procès et encourager le signalement des trafics.
Pour Julienne Ossibi, coordinatrice du Réseau Cerveaux verts, « la protection de la faune ne peut réussir que si la population comprend qu’un ivoire vendu aujourd’hui équivaut à une perte touristique et culturelle demain ».
Les décisions attendues, qu’elles soient dissuasives ou non, seront suivies de près par les partenaires internationaux tels que l’UNESCO ou l’Organisation mondiale des douanes, qui accompagnent la République du Congo dans sa stratégie de croissance verte et de tourisme responsable.
La dimension économique du braconnage
Dans certaines zones forestières, le trafic d’animaux sauvages offre des revenus rapides pouvant dépasser ceux du cacao ou du café et attire donc des jeunes sans emploi stable, selon un récent rapport de la Banque africaine de développement.
La commercialisation finale se fait souvent hors du continent, ce qui signifie que la majeure partie des bénéfices échappe à l’économie nationale et nourrit des circuits financiers opaques basés à Dubaï ou Singapour.
Drones et traçabilité au service des forêts
Pour inverser la tendance, l’Agence congolaise de protection de la faune teste depuis juin des drones équipés de caméras thermiques capables de repérer des groupes au sol jusqu’à trois kilomètres de distance, même à travers le couvert végétal.
Un programme pilote de marquage numérique de l’ivoire, financé par la Banque mondiale, permettra également de retracer l’origine de chaque pièce saisie et de démanteler plus facilement les filières logistiques.
Les premiers relevés montrent déjà une baisse des incursions de braconniers sur les pistes surveillées, signe encourageant pour les défenseurs de la biodiversité.
