Un défi sanitaire majeur
Brazzaville affiche encore, selon les services municipaux, un taux persistant de maladies hydriques et dermatologiques imputées aux déchets ménagers abandonnés dans les rues et les ravins.
Face à ce constat, le gouvernement a présenté, le 15 octobre 2025, un ambitieux plan décennal visant à coordonner chaque action d’assainissement, de la collecte au recyclage, en passant par la sensibilisation citoyenne et la modernisation des réseaux d’évacuation.
Objectif affiché : réduire sensiblement, dans les six premières années, l’incidence des infections liées à l’insalubrité, avant de consolider les résultats sur la période 2031-2035.
Selon la direction départementale de la santé, plus de 20 % des consultations pédiatriques enregistrent encore des diarrhées d’origine environnementale, un chiffre appelé à baisser de moitié grâce au nouveau programme.
Les axes forts du nouveau plan
Le ministre de l’Assainissement urbain, Juste Désiré Mondelé, a rappelé que la propreté n’est qu’un volet : « L’assainissement, c’est la base même du bien-être et du bien vivre », a-t-il insisté devant la presse.
Le plan s’articule autour de quatre piliers complémentaires : réalisation de points de transfert des ordures, relance du balayage mécanisé, installation de stations de traitement des eaux usées et renforcement des campagnes d’éducation sanitaire dans chaque quartier.
Parallèlement, les communes devront adopter de nouveaux règlements incitatifs, incluant des amendes gradées pour les dépôts sauvages et des bonus fiscaux pour les entreprises optant pour le tri sélectif ou la valorisation énergétique.
La numérisation jouera aussi un rôle : une application mobile, en test, permettra de signaler en temps réel les points noirs et de suivre l’itinéraire des camions de collecte pour plus de transparence.
Un financement diversifié
Même si le coût global n’a pas été rendu public, le ministère annonce un format « multi-sources » associant budget national, concours des partenaires techniques et financements innovants.
L’Unicef apportera son expertise dans la promotion de l’hygiène scolaire, tandis que la Banque africaine de développement devrait soutenir la modernisation des infrastructures de traitement à travers une ligne de crédit concessionnelle.
Les collectivités locales, elles, seront appelées à établir des partenariats public-privé pour équiper les quartiers en bacs normalisés et mettre en place de petites unités de compostage, sources potentielles d’emplois verts.
Selon un économiste du cabinet ECA, l’investissement pourrait générer, sur dix ans, jusqu’à 4 000 emplois directs et indirects, notamment dans la maintenance, la sensibilisation et le recyclage des déchets plastiques.
Les acteurs locaux au cœur du projet
La mairie de Brazzaville a déjà identifié 28 « zones pilotes » réparties dans les neuf arrondissements, chacune dotée d’un comité de quartier chargé de suivre la mise en œuvre et de relayer les besoins auprès des autorités.
Pour Clémence Ngouabi, conseillère municipale de Moungali, ce maillage de proximité est crucial : « Les habitants doivent se sentir propriétaires de leurs rues, sinon aucune benne ne restera propre plus d’une journée ».
Les associations de jeunes, très actives sur les réseaux sociaux, seront associées aux opérations « brazzapropre » programmées chaque premier samedi du mois pour encourager le ramassage volontaire et la séparation des déchets à la source.
Des brigades sanitaires mobiles, constituées d’agents municipaux et de volontaires, effectueront des contrôles portes à portes pour vérifier la présence de dispositifs de lave-mains et rappeler les gestes de prévention des infections.
Les bénéfices attendus pour Brazzaville
Au-delà de la baisse espérée des maladies, les autorités misent sur des retombées économiques immédiates : des rues plus propres devraient fluidifier le transport, réduire les inondations causées par l’obstruction des caniveaux et accroître l’attractivité touristique du centre-ville.
Les statistiques du Bureau national du tourisme montrent déjà un gain de 12 % de fréquentation lors des précédentes campagnes temporaires de nettoyage, signe que l’environnement urbain influence directement la durée de séjour des visiteurs.
Les médecins de l’hôpital de Makélékélé notent, eux, une diminution de 8 % des cas de paludisme dans les zones où les marécages ont été curés et les déchets retirés, preuve d’un lien étroit entre hygiène et lutte antivectorielle.
Si le calendrier est tenu, Brazzaville pourrait se placer parmi les capitales africaines les plus avancées sur la gestion durable des déchets, un atout supplémentaire pour attirer investisseurs et événements internationaux.
Suivi scientifique et indicateurs clés
Un tableau de bord trimestriel sera publié afin de comparer, arrondissement par arrondissement, la quantité de déchets collectés, le taux de fréquentation des centres de tri et l’évolution des pathologies hydriques recensées par les structures de santé.
Des chercheurs de l’université Marien-Ngouabi accompagneront le processus pour analyser les données et proposer des ajustements, transformant la capitale en laboratoire grandeur nature de la salubrité urbaine, et de partager leurs conclusions avec les bailleurs.
Le ministère prévoit enfin de rendre publics des « indices de satisfaction citoyens » basés sur des enquêtes de terrain, un moyen de rendre chaque acteur redevable et de maintenir la dynamique au-delà des premiers mois d’engouement.
