Un site vital pour 70 % de l’eau de Brazzaville
Au cœur de la vallée verdoyante de Djiri, à une vingtaine de kilomètres du centre de Brazzaville, s’étend le complexe de production et de distribution d’eau qui assure près de 70 % de l’alimentation de la capitale congolaise.
Mis en service pour soutenir la croissance démographique, cet ensemble de captage, de traitement et de pompage constitue une pièce maîtresse de la sécurité hydrique nationale, reconnue comme zone stratégique d’intérêt public depuis la loi 6-2019 sur l’urbanisme et la construction.
Des constructions anarchiques détectées sur le périmètre
Le 17 octobre, une équipe de la Congolaise des Eaux, menée par le directeur général adjoint Bienvenu Ibara, a constaté la présence de chantiers improvisés et d’habitations précaires sur des parcelles réservées à la protection du site.
« Nous avons trouvé d’anciens propriétaires fonciers en train de démolir la végétation tampon et d’ériger des murs en parpaings ; c’est une atteinte flagrante au domaine public », a rapporté M. Ibara, rappelant que l’État avait indemnisé les occupants lors de l’expropriation initiale.
Pollution et rupture de service : le risque sanitaire
Guy Serge Ndinga Ossondjo, directeur des exploitations, prévient que le remblai, les déchets de construction et les fosses septiques improvisées « peuvent infiltrer les nappes et forcer l’arrêt partiel de la production ; la ville serait immédiatement touchée ».
Les ingénieurs soulignent qu’une simple perturbation mécanique, provoquée par des débris solides, pourrait entraîner la fermeture temporaire d’une chaîne de traitement, réduisant la capacité d’alimentation en eau potable de milliers de ménages brazzavillois.
Cadre juridique et responsabilités partagées
Le périmètre sanitaire de Djiri est défini comme zone aedificandi, où toute construction est strictement interdite sans autorisation préalable, conformément aux articles 33 à 37 de la loi 6-2019.
Ce texte exige des administrations locales qu’elles veillent à la préservation de l’emprise, tandis que les forces de l’ordre doivent, en cas d’infraction caractérisée, procéder à l’évacuation des occupants et à la démolition d’ouvrages illicites.
L’alerte officielle de la LCDE aux autorités
La direction générale de la LCDE a transmis, dès le lendemain de la descente, un rapport circonstancié au ministère de l’Énergie et de l’Hydraulique, au préfet de Brazzaville et aux mairies d’arrondissement concernées.
Le document recommande une opération conjointe visant à sécuriser le domaine, à matérialiser les limites par une clôture et à déployer des patrouilles régulières pour prévenir de nouvelles intrusions.
Appel à la mobilisation citoyenne pour l’eau
« La population doit comprendre que protéger Djiri revient à protéger sa santé et son avenir », insiste Bienvenu Ibara, exhortant les riverains à signaler toute activité suspecte autour des installations.
Des comités de veille de quartier, associant chefs de blocs, associations de femmes et jeunes volontaires, pourraient voir le jour pour relayer les messages de prévention et dissuader les occupations illégales.
Conséquences économiques pour la capitale
Une interruption prolongée du service d’eau créerait un manque à gagner pour les commerces, restaurateurs et petites industries, contraints de recourir à des forages privés ou à l’achat de citernes, renchérissant les coûts de production et de vie.
Les experts estiment qu’un jour d’arrêt équivaut à plusieurs dizaines de millions de francs CFA de pertes directes, sans compter l’impact sur la productivité des ménages et des établissements scolaires.
Prévention environnementale et urbanisme maître-mot
Au-delà de l’aspect sécuritaire, les spécialistes rappellent que la ceinture verte entourant la station joue un rôle de filtre naturel contre les polluants et préserve la biodiversité locale.
La destruction de cette zone tampon augmenterait l’érosion des sols, la turbidité de la rivière Djiri et, en cascade, les coûts de traitement chimique nécessaires pour obtenir une eau conforme aux normes sanitaires.
Vers un renforcement des contrôles fonciers
Le ministère de l’Aménagement du territoire envisage de moderniser le cadastre digital afin d’identifier rapidement les parcelles à risque et de croiser les données avec celles de la LCDE.
Cette cartographie fine permettra de repérer toute mutation irrégulière, de retracer l’historique des titres et de consolider la transparence dans la gestion du domaine public hydraulique.
Perspectives d’un partenariat public–privé
Des discussions préliminaires ont été engagées avec des entreprises spécialisées dans la sécurité des infrastructures critiques pour installer des systèmes de vidéosurveillance alimentés par énergie solaire.
Un tel partenariat pourrait inclure la création d’emplois locaux pour la maintenance des équipements, renforçant ainsi la dimension socio-économique du projet de sauvegarde.
Le rappel historique de l’expropriation
La construction du complexe de Djiri avait donné lieu, il y a une décennie, à une vaste opération d’expropriation reconnue par décret, avec compensation financière des ayants droit selon le barème alors en vigueur.
Certaines familles, estimant les montants insuffisants, avaient toutefois conservé des espoirs de réinstallation, d’où les contestations sporadiques observées aujourd’hui sur le terrain.
Dialogue avec les communautés locales
Pour prévenir de nouveaux litiges, la LCDE prévoit des séances d’information dans les villages voisins, afin d’expliquer le danger que représente toute construction sur le périmètre protégé et de présenter les recours administratifs disponibles.
« Nous ne sommes pas là pour opposer les populations à l’État, mais pour protéger un bien commun », insiste Guy Serge Ndinga Ossondjo.
Une surveillance renforcée durant la saison des pluies
L’arrivée des grandes pluies, entre novembre et janvier, accroît le risque de ruissellement chargé en boues et en hydrocarbures vers les bassins de captage.
La LCDE compte donc doubler les rondes techniques et vérifier quotidiennement la turbidité de l’eau brute afin d’ajuster immédiatement les dosages de traitement.
Mesures immédiates recommandées
Parmi les actions urgentes figurent la pose de bornes de délimitation antisabotage, le lancement d’une campagne de sensibilisation radiophonique et la mise en place d’un numéro vert pour recueillir les alertes de la population.
Ces initiatives doivent, selon la direction, être accompagnées d’un soutien institutionnel pour garantir leur efficacité sur le long terme.
L’importance stratégique réaffirmée
Le complexe de Djiri est reconnu par le Plan national de développement comme un maillon central de la résilience urbaine face aux changements climatiques et à la croissance démographique.
Sa protection s’inscrit dans les objectifs gouvernementaux d’accès universel à l’eau potable et de préservation des infrastructures critiques.
Appui attendu des partenaires internationaux
La Banque mondiale, l’Agence française de développement et plusieurs organismes africains de l’eau ont été informés par la LCDE afin d’envisager un accompagnement technique, notamment pour la sécurisation numérique du site et le renforcement des capacités du personnel.
La démarche s’aligne sur les engagements régionaux relatifs à la gestion durable des ressources hydriques.
Signaux positifs pour un règlement rapide
Selon une source proche de la préfecture, une équipe mixte État–collectivités pourrait intervenir sous peu pour constater les infractions et entamer la procédure d’évacuation, après un dernier délai de départ volontaire.
Le gouvernement réaffirme sa détermination à appliquer la loi sans concession, afin de garantir la continuité du service public de l’eau.
Un enjeu de souveraineté quotidienne
Protéger Djiri, c’est s’assurer que chaque foyer brazzavillois puisse ouvrir son robinet en toute confiance, concluent les responsables de la LCDE.
L’affaire rappelle, plus largement, que la sécurité de l’eau n’est pas qu’une question d’ingénierie : elle relève aussi de la vigilance collective et du respect de la législation nationale.
