Dédicace événement à Brazzaville
Les passionnés de romans haletants s’étaient donné rendez-vous à l’Institut français du Congo, où Willy Gom a dédicacé « Mains invisibles » le 8 octobre. L’événement, chaleureux et studieux, a confirmé le retour remarqué de l’écrivain dans le thriller d’espionnage.
Directeurs d’administrations culturelles, universitaires, journalistes et lecteurs anonymes ont salué l’ouvrage publié au Lys Bleu en 2015, étonnés par son étonnante actualité malgré un horizon qui propulse le lecteur jusqu’en l’an 3005.
Une soirée littéraire sous le signe du suspense
Aux côtés de l’auteur, Alphonse Chardin Nkala, directeur des arts et des lettres, Bellarmin Étienne Iloki, responsable du livre et de la lecture publique, et Emeraude Kouka, conseillère en arts et lettres, ont relevé la modernité du récit et son ancrage africain.
Le médecin-écrivain Winner Franck Palmers, maître de cérémonie, a présenté « Mains invisibles » comme « une plongée dans les dérives systémiques du continent, entre politique, finance et mémoire collective ».
Un décor futuriste, miroir de nos crises présentes
L’action se situe au début du quatrième millénaire, pourtant les lieux sont familiers : Yaoundé, Bangui, Libreville accueillent tour à tour les investigations d’une cellule régionale d’espionnage.
En ancrant son intrigue dans ces capitales, Willy Gom offre un futur crédible où les cicatrices sociales d’aujourd’hui sont toujours visibles : inégalités, tensions communautaires, méfiance envers les institutions.
Un casse bancaire de 31 millions d’euros
Tout démarre par la disparition de 31 millions d’euros dans les coffres de la Banque de la CEMAC au Cameroun, braquage sophistiqué qui met à nu les fragilités d’un système financier continental.
Face à l’ampleur du scandale, les instances sous-régionales mandatent la redoutée Cellule espionnage et contre-espionnage. Leur mission : retrouver l’argent et identifier les mystérieuses « mains invisibles » qui orchestrent ce pillage.
Willianne Ndona, une héroïne surnommée « La Lionne »
L’enquêtrice principale, Willianne Ndona, incarne une génération de femmes officiers pour qui la loyauté s’exprime par l’efficacité de terrain et la discrétion absolue.
Son surnom, « La Lionne », emprunte à la faune africaine sa majesté et son calme avant l’assaut. À chaque page, elle navigue entre technologies de pointe, double jeu diplomatique et souvenirs intimes, donnant au roman un souffle cinématographique.
Réflexion sur la responsabilité et la mémoire
Au-delà des poursuites, Willy Gom interroge la responsabilité collective : comment une société devenue numérique et hyperconnectée peut-elle encore perdre la trace d’une fortune publique ?
Les conversations des protagonistes évoquent la tentation de l’oubli. « Le silence est parfois un luxe qu’achètent les plus puissants », lance un banquier au détour d’un couloir, rappelant que l’opacité ne se limite jamais à un pays.
Un auteur prolifique, entre polar et poésie
Spécialiste du noir, Willy Gom compte déjà quinze titres, de l’essai politique à la nouvelle fantastique. Il prépare aujourd’hui un recueil de poèmes, preuve d’une curiosité littéraire jamais rassasiée.
Pour le professeur Mukala Kadima Nzuji, critique invité, « le roman renvoie à notre réalité, met en scène les objets, les rues et les rêves propres à l’Afrique centrale ». L’éloge souligne la capacité de l’auteur à universaliser des problématiques locales.
Brazzaville confirme son dynamisme culturel
La dédicace illustre le rôle moteur de la capitale congolaise dans la circulation des idées. L’Institut français, soutenu par les autorités, multiplie les rencontres pour promouvoir la lecture et l’économie du livre.
Les professionnels présents ont insisté sur l’importance d’une chaîne éditoriale locale forte pour que des plumes comme Willy Gom trouvent rapidement leurs lecteurs en librairie comme en format numérique.
Un roman qui appelle une adaptation audiovisuelle
Rythme soutenu, décors exotiques, héroïne charismatique : des cinéastes congolais et étrangers envisagent déjà une adaptation. L’auteur se dit ouvert, à condition de préserver « l’esprit d’analyse et la dimension éthique » de l’histoire.
En attendant peut-être un film, « Mains invisibles » rejoint les bibliothèques congolaises avec l’ambition de divertir tout en questionnant nos responsabilités. Une double promesse qui explique l’engouement suscité mercredi soir à Brazzaville.
Une économie du livre en mutation
La soirée a aussi mis en lumière la distribution. Certaines librairies de Pointe-Noire et Dolisie reçoivent tardivement les nouveautés, pénalisées par le transport routier coûteux et le faible tirage initial des éditeurs.
Les éditeurs soulignent que le marché, évalué à trois milliards de francs CFA, progresse grâce aux ventes numériques. Depuis 2022, les plateformes locales d’e-book affichent une hausse de 15 %, portée par les smartphones.
Quel message pour la jeunesse congolaise ?
Interrogé par notre rédaction, un lycéen de Talangaï confie avoir « dévoré le livre en une nuit ». Pour lui, l’enquête de Willianne Ndona prouve que « les femmes peuvent être au premier plan de l’action et de la réflexion », un modèle rare mais nécessaire aujourd’hui.
Une enseignante de littérature, présente dans la salle, estime que le roman peut nourrir les débats scolaires sur l’éducation civique. Elle prévoit de l’utiliser « pour illustrer la notion de bien public et engager les élèves dans une discussion sur le sens du devoir ».
De Brazzaville à Paris, les critiques convergent sur un point : « Mains invisibles » rappelle que la littérature peut anticiper l’avenir tout en éclairant le présent. Un tour de force que les lecteurs congolais, déjà, placent dans leurs coups de cœur de la rentrée.
