Un parcours hors norme depuis Kotoko
À 65 ans, Jean-Paul Pila reste l’une des figures tutélaires du football congolais. Son CV traverse les décennies et les frontières, des premiers succès avec Kotoko de Mfoa jusqu’aux bancs des sélections nationales, en passant par des aventures en Guinée équatoriale et en France.
L’ancien entraîneur revendique un palmarès de champion de Brazzaville et du Congo, trois titres de champion avec l’Étoile du Congo et deux Coupes nationales. Dans les vestiaires, il raconte volontiers avoir appris auprès des maîtres Gaston Tchiangana, Roger Malonga et Gentil Nkounkou.
Ces succès précoces l’amènent ensuite au CARA, au Club 57, à Saint-Michel de Ouenzé ou encore à La Mancha de Pointe-Noire. Partout, il laisse la même empreinte : rigueur tactique, amour du beau jeu et confiance accordée aux jeunes talents.
De Brazzaville à Orléans, un fil rouge : la passion
En 2011, le technicien pose ses valises à Orléans. Là, il s’occupe des adolescents de 15 à 18 ans, prolongeant son credo formateur. « Le travail à la base est primordial », répète-t-il, conscient que chaque séance peut changer le destin d’un footballeur en devenir.
La famille finit cependant par primer, et Pila interrompt l’expérience pour « convenance personnelle ». Il continue de suivre à distance l’actualité du championnat national, souvent en direct grâce aux réseaux sociaux, ne ratant aucune feuille de match des Diables Rouges.
Son regard reste lucide. « On peut avoir de bonnes idées, mais il faut des moyens », souffle-t-il. Cette conviction le guidera plus tard dans la mise en place de projets destinés à renforcer les infrastructures et la formation au Congo.
Sélections nationales : souvenirs et leçons
Nommé entraîneur des cadets en 1995, puis des seniors dames de 2000 à 2007, il remporte la médaille d’or aux Jeux d’Afrique centrale avec les espoirs. À Yaoundé, il atteint la finale de la Coupe de la CEMAC en 2008, face à un public bouillant.
Deux ans plus tard, la Guinée équatoriale lui confie le Nzalang féminin. L’équipe décroche le titre de vice-championne d’Afrique, saluée pour son jeu offensif. « Une aventure exigeante, rendue possible grâce au soutien institutionnel », insiste-t-il, rappelant l’importance d’un encadrement solide.
À chaque passage, il dit avoir appris autant qu’il a transmis. Entre la rigueur allemande de ses stages à Hennef et la créativité congolaise, Pila se définit comme un « pont » entre différentes cultures du ballon rond, au service des sélections rouges et or.
La question des diplômes au cœur du débat
La Confédération africaine multiplie aujourd’hui les rappels sur la nécessité des licences. Pila brandit fièrement sa Licence A, obtenue en Allemagne en 1995, ainsi qu’une longue liste de stages Futuro II et Futuro III organisés par la FIFA et la coopération française.
Il n’y voit pas un simple satisfecit personnel, mais une garantie de compétence pour les clubs et les joueurs. « Les diplômes sont la preuve qu’un entraîneur se forme en permanence », argue-t-il, estimant que le championnat doit s’appuyer sur des techniciens certifiés.
Cette professionnalisation nécessite toutefois un accompagnement financier. Selon lui, l’État et les partenaires privés peuvent jouer un rôle clef, à travers des bourses d’études ou des partenariats avec des écoles techniques, afin de maintenir le niveau des encadreurs locaux au meilleur standard continental.
Il salue également la Fédération congolaise pour ses récentes sessions de recyclage, jugées « exemplaires » par plusieurs techniciens de la sous-région. Selon Pila, cette dynamique d’apprentissage continu place désormais le Congo dans le peloton de tête des fédérations ambitieuses.
Des projets tournés vers la jeunesse congolaise
Installé en France, Pila nourrit le rêve d’ouvrir une académie à Brazzaville. Le concept est simple : réunir les enfants après l’école, leur offrir un encadrement scolaire et sportif, puis faciliter leur intégration dans les clubs de l’élite nationale.
Il assure avoir déjà identifié un terrain et pris langue avec plusieurs collectivités locales prêtes à soutenir l’initiative. « Le sport est un outil de cohésion et de santé publique », explique-t-il, saluant les efforts des autorités pour moderniser les infrastructures existantes.
À court terme, il ambitionne de revenir régulièrement animer des ateliers de formation, en partenariat avec la Fédération congolaise. Les modules porteront sur la préparation physique, l’analyse vidéo et la gestion mentale, trois piliers qu’il juge encore perfectibles chez les jeunes équipes.
Pour financer ces actions, il s’appuie sur un réseau d’anciens joueurs expatriés, sensibles au retour d’expérience. « Nous voulons rendre ce que nous avons reçu », insiste-t-il, rappelant que l’unité de la diaspora est un atout pour le sport national.
Le technicien sait que rien ne se fait sans patience. Mais il reste persuadé que le dynamisme actuel du pays, nourri par les programmes de modernisation des stades et de développement des talents, offre un terrain fertile à son projet d’académie.
En attendant, il continue à décortiquer les matches des Diables Rouges depuis Orléans, bloc-notes en main. « Je me tiens prêt », conclut-il, convaincu qu’un football structuré et bien financé permettra d’écrire les prochaines pages glorieuses du sport congolais.
