Une leçon inaugurale qui capte l’auditoire
Amphithéâtre plein, visages concentrés : à l’Université Henri-Lopes, la première leçon de l’année a réuni plusieurs centaines d’étudiants venus écouter le docteur Sergelin Briguel Omboula, constitutionnaliste respecté.
Invité par la direction de l’établissement, l’enseignant de l’École nationale d’administration et de magistrature a choisi un thème d’actualité : la protection citoyenne de la Constitution congolaise.
Son intervention, saluée par des applaudissements nourris, a posé d’emblée les enjeux d’une démocratie moderne où chaque citoyen devient acteur de la stabilité institutionnelle.
Protection prévue : le juge constitutionnel en première ligne
Premier axe développé, la protection prévue renvoie aux mécanismes déjà inscrits dans la Loi fondamentale, comme la saisine directe ou indirecte de la Cour constitutionnelle.
Le conférencier a rappelé qu’un texte voté peut être contesté avant sa promulgation, mais également après, grâce au contrôle a posteriori attendu par de nombreux juristes.
Il a aussi insisté sur le rôle dissuasif de ces gardes-fous qui permettent aux gouvernants de mesurer, en amont, les limites juridiques d’un projet de loi.
Protection limitée : comprendre les obstacles citoyens
Dans un second temps, le docteur Omboula a éclairé les raisons d’une protection qualifiée de limitée, pointant l’évidence du mal par la persistance de violations constitutionnelles.
Selon lui, beaucoup de Congolais méconnaissent encore le texte fondamental, tandis que certains renoncent à agir par manque de patriotisme constitutionnel ou par simple lassitude.
Cette réalité, a-t-il souligné, limite l’efficacité des recours existants et ouvre un espace favorable à l’émergence de pratiques contraires aux droits et libertés.
Protection revitalisée : pistes pour renforcer l’engagement
La dernière partie de son exposé a proposé une protection revitalisée, fondée sur la popularisation de la Constitution et la réhabilitation du citoyen comme véritable détenteur du pouvoir.
Pour y parvenir, le constitutionnaliste a plaidé en faveur d’actions pédagogiques régulières, de l’intégration des articles clés dans les manuels scolaires et d’émissions radios en langues nationales.
Il a jugé indispensable de moderniser également le droit de manifester, afin que l’expression populaire encadre, plutôt que bouscule, l’ordre public.
L’article 50 et le devoir de chaque Congolais
Référence constante, l’article 50 de la Constitution impose à tout citoyen de se conformer au texte et de veiller à sa protection.
Le conférencier voit dans cette disposition un contrat moral, garant de stabilité nationale et de dialogue apaisé entre gouvernés et gouvernants.
Il rappelle que l’attachement collectif à la Loi fondamentale constitue l’une des forces tranquilles du pays face aux turbulences régionales.
Exception d’inconstitutionnalité : mode d’emploi
Peu connue du grand public, la procédure d’exception d’inconstitutionnalité autorise chaque justiciable à soulever, au cours d’un procès, la contrariété d’une norme avec la Constitution.
Le professeur a détaillé les étapes pratiques : saisir le juge, préciser l’article contesté, attendre la transmission à la Cour, puis respecter sa décision, ultime et obligatoire.
Selon lui, cet outil, encore timide, pourrait devenir un véritable baromètre du civisme si des cliniques juridiques accompagnaient étudiants, syndicats et associations.
Populariser la Loi fondamentale à l’ère numérique
À l’heure où les jeunes s’informent majoritairement sur smartphones, le docteur Omboula encourage la création d’applications interactives permettant de parcourir la Constitution article par article.
Il suggère aussi des capsules vidéo courtes, facilement partageables sur les réseaux sociaux, pour illustrer des notions comme la séparation des pouvoirs ou la hiérarchie des normes.
Ces formats, observe-t-il, complètent utilement les cours magistraux et peuvent toucher des publics éloignés des grandes villes.
Réformer le contrôle de constitutionnalité au Congo
Le constitutionnaliste estime qu’une protection citoyenne efficace passe par une mise à jour de la loi organique régissant la Cour, afin de simplifier les conditions de recevabilité.
Il invite également à renforcer la publicité des décisions, pour que chaque arrêt soit compréhensible et accessible, y compris dans les départements les plus reculés.
Selon lui, la clarté des motivations judiciaires nourrit la confiance, favorise l’adhésion citoyenne et décourage toute tentative de lecture partielle du droit.
Un appel aux jeunes : science, courage et république
En conclusion, le docteur Omboula a exhorté les étudiants à éviter l’autocensure et le mercenariat intellectuel, leur demandant de privilégier la rigueur scientifique au service de la République.
« Le citoyen instruit reste le meilleur rempart contre les dérapages », a-t-il résumé, déclenchant une salve d’applaudissements dans l’amphithéâtre.
Plusieurs participants sont repartis convaincus qu’une démocratie apaisée commence par un geste simple : ouvrir la Constitution et la lire.
Perspectives régionales et institutionnelles
L’intervenant a élargi le débat aux dynamiques africaines, rappelant que plusieurs constitutions de la sous-région s’inspirent des bonnes pratiques congolaises en matière de contrôle citoyen.
Il cite notamment la mise en place de centres d’écoute juridique au Bénin et au Togo, conçus sur le modèle d’ateliers mobiles animés par des étudiants de Brazzaville.
À ses yeux, cette coopération Sud-Sud illustre la capacité de la jeunesse congolaise à rayonner et à promouvoir une culture constitutionnelle partagée au-delà des frontières nationales.
Le spécialiste suggère enfin d’organiser, à moyen terme, un forum régional à Pointe-Noire pour mutualiser expériences, harmoniser les trackers de lois et élaborer une charte citoyenne commune.
Les autorités locales étudient déjà la proposition, jugée porteuse d’innovation démocratique.
