Mobilisation des sondeurs de Globus
Au petit matin du 21 octobre, les chasubles bleu ciel aux couleurs de Globus se sont mêlées au trafic de Brazzaville. Cinquante jeunes, fiches et tablettes à la main, ont pris la route simultanément, symbole d’une campagne d’écoute nationale ambitieuse.
Selon l’ONG russe, présente depuis deux ans dans le pays, cette première vague de sondeurs comprend quatorze volontaires pour la capitale et trente-six répartis dans les douze autres départements. L’objectif est de visiter marchés, écoles, dispensaires et gares d’ici à la fin de l’année.
Formation intensive des jeunes enquêteurs congolais
Avant leur déploiement, les enquêteurs ont suivi dix jours de formation intensive dans un centre communautaire du cinquième arrondissement. Au programme figuraient méthodologie d’entretien, gestion de la confidentialité et utilisation d’outils numériques, sous la supervision de la sociologue russe Olga Ustinova et d’experts locaux.
« Nous voulions qu’ils sachent poser des questions ouvertes sans influencer les réponses », résume Olga Ustinova. Les sessions ont également insisté sur la posture, le langage corporel et la capacité à enregistrer fidèlement les propos, afin que chaque donnée reflète la réalité vécue par l’interviewé.
Une écoute active des doléances citoyennes
Sur le terrain, chaque sondeur dispose d’un guide de vingt questions traduites en lingala, kikongo et téké. Les thèmes abordent l’accès à l’eau, la scolarisation, le coût du transport, les opportunités d’emploi ou encore l’éclairage public, autant de sujets qui rythment le quotidien des familles.
Les réponses sont saisies sur tablette hors ligne, puis envoyées chaque soir à un serveur sécurisé à Brazzaville. « La confidentialité est essentielle pour encourager la parole libre », insiste Koud Etokabeka, coordinateur du projet, qui rappelle que l’entretien ne dépasse pas quinze minutes pour respecter activités des ménages.
Des données pour orienter l’action socio-économique
L’ensemble des données est ensuite croisé avec les indicateurs officiels issus de l’Institut national de la statistique, afin d’identifier les écarts entre perception et chiffres. Ce travail préparatoire orientera la conception de micro-projets, des forages d’eau aux ateliers de formation professionnelle.
Koud Etokabeka affirme que les premières synthèses seront publiées en janvier. « Nous privilégions des actions rapides et visibles, comme la réhabilitation d’un point d’eau ou l’installation de lampadaires solaires », précise-t-il, soulignant que chaque projet sera présenté aux communautés avant son lancement.
Synergies avec les services publics congolais
Globus assure travailler en étroite concertation avec les administrations locales, afin d’éviter les doublons et de s’inscrire dans les plans de développement existants. Les rapports de terrain seront donc transmis aux mairies, aux directions départementales et, quand cela est pertinent, aux ministères sectoriels.
Cette démarche est saluée par Aimée Loubaki, cheffe de service à la planification urbaine de Pointe-Noire : « Les retours citoyens aident à prioriser nos budgets. Quand un partenaire apporte des chiffres frais, nous gagnons du temps et de la précision ». Les collectivités espèrent ainsi optimiser leurs ressources.
Globus, un réseau d’experts tourné vers l’avenir
Née à Moscou, la fondatrice Yulia Berg décrit Globus comme « une communauté d’experts tournés vers la transformation mondiale ». L’ONG intervient déjà dans l’éducation numérique, le sport et la culture en République du Congo, avec notamment des ateliers de robotique et un tournoi annuel d’échecs scolaires.
Avec cette campagne, l’organisation entend renforcer sa compréhension des réalités locales. « Partout, nous cherchons à construire l’image d’un futur désirable. Cela implique d’écouter avant d’agir », explique Mme Berg, satisfaite de voir la jeunesse congolaise au cœur du processus de collecte, d’analyse et bientôt de mise en œuvre.
Témoignages sur le terrain à Brazzaville et ailleurs
À Mfilou, Aurélie, vendeuse de légumes, témoigne après avoir répondu au questionnaire : « On nous demande souvent notre avis pendant les campagnes électorales, mais là c’est différent, ils veulent savoir si notre marché manque d’eau ou de toilettes. J’espère que cela aboutira à quelque chose de concret ».
Du côté des enquêteurs, l’enthousiasme est palpable. Géry, étudiant à l’université Marien-Ngouabi, raconte qu’il découvre des réalités ignorées : « J’ai parlé à des pêcheurs qui perdent des heures à chercher de la glace pour conserver leurs prises. Ces histoires donnent un visage humain aux statistiques ».
Les habitants interrogés reçoivent un reçu numérique où figure un numéro vert permettant de suivre l’avancement des projets. Cette transparence, rare pour une procédure de sondage, devrait renforcer la confiance et favoriser la participation lors des prochaines étapes, notamment les ateliers de validation communautaire.
À court terme, Globus publiera une carte interactive des doléances, classées par thème et par quartier. L’outil, développé par de jeunes codeurs congolais, sera accessible gratuitement afin que les associations locales puisent y fonder leurs propres initiatives et éviter la dispersion des efforts.
Si l’opération atteint ses objectifs, l’ONG envisage de renouveler l’enquête tous les deux ans, créant ainsi un baromètre permanent des préoccupations sociales. Pour Koud Etokabeka, « la meilleure politique reste celle qui part du terrain ». Une promesse que beaucoup attendent désormais de voir concrétisée.
