Voix locales et vaccination de routine
Dans les forêts inondées de la Likouala, la radio demeure l’alliée la plus fiable des familles pour s’informer. C’est par elle que, depuis le 6 octobre, résonnent de nouveaux spots encourageant la vaccination de routine des enfants et des femmes enceintes.
Ces messages sont le fruit de trois réunions de pré-test, organisées le 19 septembre à Impfondo et à Epena sous l’égide du ministère de la Santé, de la Direction départementale des soins et du Catholic Relief Services, partenaire de longue date des autorités sanitaires.
Un pré-test communautaire indispensable
Pourquoi un pré-test ? Parce qu’une campagne réussie naît d’abord de l’écoute. Avant toute diffusion, les animateurs se sont assis avec les habitants pour vérifier que chaque mot, chaque intonation et chaque référence culturelle reflètent la vie réelle des villages et des quartiers.
Les discussions, parfois animées, ont permis d’identifier les expressions médicales à simplifier, les proverbes à insérer et les musiques d’arrière-plan capables de retenir l’attention quand le poste à piles crépite au milieu des travaux champêtres ou du marché.
« Nous ne voulons pas d’un message qui nous tombe dessus comme la pluie, nous voulons un message qui parle comme un voisin », a résumé un chef de quartier d’Impfondo, saluant une méthodologie « citoyenne » qu’il espère voir perdurer pour d’autres priorités sanitaires.
Des messages en trois langues, pour tous
Pour toucher le plus grand nombre, trois versions ont été enregistrées : en français, en lingala et en kituba. Chaque langue porte un vécu et un humour particulier, auxquels les réalisateurs ont prêté une oreille attentive afin que le message ne semble ni lointain ni scolaire.
Le spot en kituba a été validé tel quel. Les versions lingala et française, quant à elles, ont fait l’objet d’ajustements mineurs : une phrase raccourcie ici, une anecdote précisée là. L’ensemble a été réenregistré sur-le-champ, preuve d’une production agile et locale.
Une diversité d’acteurs mobilisés
Autour de la table se trouvaient dix hommes et huit femmes, parmi lesquelles une future maman. Sa présence rappelait que la vaccination de routine concerne aussi bien le nouveau-né que la personne qui le porte, et que la parole des bénéficiaires est centrale.
Les agents de santé venus des aires de santé de Bomassa, Bétou ou Dongou ont, eux, fourni des précisions techniques : calendrier vaccinal, protocole de conservation des doses, organisation des campagnes mobiles durant la saison des pluies. Des données qui rassurent et crédibilisent la démarche.
La Direction départementale, faisant le lien avec Brazzaville, a détaillé le plan de diffusion : onze radios communautaires, trois créneaux horaires par jour et un renfort via les mégaphones des moto-tricycles. Objectif affiché : atteindre les zones non couvertes par la 3G ou l’électricité.
Le projet TCA de Gavi en soutien logistique
Ces actions s’inscrivent dans le projet Targeted Country Assistance de Gavi, qui appuie le Congo dans le renforcement de son système vaccinal. Le programme finance la logistique, la production des supports et la formation des relais, en coordination étroite avec le ministère.
Selon le point focal Gavi à Brazzaville, l’objectif national est de porter la couverture DTC-3 au-delà de 90 % d’ici deux ans. « La mobilisation communautaire est le moteur le plus solide ; aucun container de vaccins ne servira si les familles ne viennent pas », a-t-il rappelé.
Le soutien de partenaires internationaux ne dispense pas d’ingéniosité locale : plusieurs stations diffusent déjà les spots au moyen de panneaux solaires ou de générateurs partagés avec l’école primaire. Un exemple de résilience que les autorités souhaitent répliquer dans d’autres départements frontaliers.
Mesurer l’impact sur le terrain
Un expert en communication sanitaire, invité par CRS, souligne que le taux d’exposition moyen à un spot radio en zone rurale doit dépasser sept écoutes hebdomadaires pour produire un changement de comportement mesurable. « D’où l’importance de multiplier les plages horaires et de former les animateurs », insiste-t-il.
Sur le terrain, les relais communautaires notent déjà un frémissement : des parents arrivent au centre de santé en demandant « le vaccin qui protège du raidissement du cou », signe qu’ils ont entendu le passage sur le tétanos néonatal. Les registres de consultation seront scrutés pour confirmer la tendance.
Prochaines étapes sur les ondes
La phase de diffusion doit s’achever le 11 novembre. D’ici là, les équipes de terrain effectueront des mini-sondages après les marchés dominicaux pour vérifier si les messages sont entendus et compris. Les résultats guideront l’adaptation éventuelle de nouvelles pastilles ou la reconduction des spots.
À plus long terme, le département de la Likouala travaille à la création d’un comité d’écoute citoyen permanent. Celui-ci devra assurer un retour régulier sur les campagnes de santé, mais aussi sur des sujets tels que la nutrition, la paludisme ou la santé maternelle.
En attendant, la population d’Epena se dit déjà fière d’entendre sa propre voix à la radio. « Nos enfants se reconnaissent et retiennent mieux le conseil », sourit Irène, mère de trois garçons, persuadée que cette proximité saura convaincre les derniers sceptiques du carnet vaccinal.
