Mobilisation sportive sur la corniche
Octobre rose s’est refermé en fanfare sur la corniche de Brazzaville. Sous un ciel encore frais, des centaines de marcheurs et coureurs ont avancé d’un même pas pour rappeler que le cancer du sein et du col de l’utérus se combattent d’abord par la prévention.
L’association multisports Lion d’or, emmenée par José Cyr Ebina, a orchestré cette marche-course de cinq et dix kilomètres, point d’orgue d’une série d’actions citoyennes. Objectif assumé : multiplier les messages simples pour que chaque foyer adopte le réflexe du dépistage régulier.
Partis de l’allée piétonne de l’hôtel Saphir, les marcheurs ont rallié le rond-point de la Case de Gaulle via Mami Wata, dans une ambiance familiale. Les plus aguerris ont poussé jusqu’au restaurant Bolingo avant de boucler la boucle, sueur au front et sourire aux lèvres.
Des parcours symboliques et inclusifs
Pour beaucoup, la distance importait moins que le symbole. « Chaque kilomètre est un rappel des batailles que mènent les malades », confie Christelle, 29 ans, tee-shirt rose hésitant encore à sécher. La présence de proches, de collègues et de riverains a renforcé l’esprit solidaire.
Même la communauté des personnes vivant avec un handicap s’est illustrée. Non-voyant, Rodolph Gassaye Mouandza a franchi la ligne avec l’aide d’un guide. « La santé n’a pas de barrière visuelle », souligne-t-il, appelant chaque femme, avec ou sans limitation, à pratiquer l’autopalpation régulière.
Au cœur du peloton, les coachs de Lion d’or rappelaient les règles de l’échauffement et de l’hydratation, rappel utile sous une chaleur montante. L’idée est d’éviter que les efforts pour la cause ne se transforment en blessures ; la prévention commence aussi par le sport sûr.
La voix des experts médicaux
Au terme de l’effort, le Dr Prisca Nzonzi, gynécologue-oncologue, a rappelé micro en main que « quatre cancers féminins sur dix détectés ici pourraient être évités par le dépistage précoce ». Elle insiste sur l’examen visuel, la vaccination contre le HPV et des habitudes alimentaires plus équilibrées.
Son confrère le Dr Hervé Mavoungou souligne, statistiques nationales à l’appui, que la prise en charge gagne en efficacité grâce à l’extension des plateaux techniques dans les hôpitaux publics. « Mais cette amélioration n’a de sens que si les patients se présentent tôt », prévient-il.
Les associations féminines venues du Gabon et de la RDC comptent relayer ces messages. « Nous repartons avec des supports clairs, traduits en plusieurs langues locales », confie Gladys Ngoma, présidente de l’ONG Vies saines. Le bouche-à-oreille reste un levier puissant dans nos quartiers, rappelle-t-elle.
Un séminaire « Woman talk » très attendu
À la veille de la marche, l’hôtel Saphir avait déjà accueilli cinquante femmes pour la conférence interactive « Woman talk », baptisée en lingala « Massolo ta bassi ». Tour à tour, oncologues, nutritionnistes et psychologues ont détaillé symptômes, traitements et soutiens disponibles dans la capitale.
Les intervenants ont insisté sur le rôle de la famille. Soutenir moralement une patiente augmente ses chances de guérison, rappellent-ils, citant des études menées à l’hôpital de Talangaï. Les proches peuvent également aider à l’observance thérapeutique, souvent mise à l’épreuve par les longs protocoles.
Au terme du séminaire, chaque participante est repartie avec un kit contenant brochure, ruban rose, calendrier de dépistage et numéro vert d’écoute psychologique. « Le kit nous permet de parler de la maladie sans gêne au sein du marché ou de l’église », affirme Mama Mavoungou.
Vers une prévention continue au-delà d’Octobre
José Cyr Ebina rappelle que la campagne ne s’arrête pas au dernier jour d’octobre. « Novembre bleu pour les cancers masculins et Décembre rouge pour le VIH approchent », souligne-t-il. L’association prévoit déjà des séances de fitness gratuites et des causeries dans plusieurs lycées.
Du côté des autorités sanitaires, la Direction générale de la santé appuie ces initiatives communautaires. Elle met en avant la gratuité du frottis cervico-vaginal dans les centres de santé intégrés durant tout le mois de novembre, mesure saluée par les participants comme une avancée concrète.
Les organisateurs souhaitent enfin collecter des fonds pour financer des mammographes mobiles destinés aux zones rurales. Le projet, estimé à cinquante-cinq millions de francs CFA, sera présenté à des partenaires privés. « Sauver des vies reste le meilleur retour sur investissement », résume l’entrepreneur Prince Okoué.
Au-delà de la dimension médicale, la marche a donné lieu à des rencontres intergénérationnelles. Des lycéens ont couru aux côtés de retraités, échangeant conseils d’orientation et souvenirs. « Ce type d’événement soude la communauté et réduit l’isolement social », estime la sociologue Henriette Ngondza.
Rendez-vous est déjà pris pour octobre prochain, mais nombreux souhaitent des sessions trimestrielles. Lion d’or indique étudier la logistique avec la mairie, tandis que les participants s’engagent à recruter un voisin ou collègue supplémentaire, convaincus que la force du nombre accélère la victoire contre la maladie.
Inclure régulièrement l’activité physique dans le quotidien, adopter une alimentation riche en fruits locaux, limiter l’alcool : les recommandations ont fusé tout le week-end. Les médecins insistent surtout sur le message clé : le cancer détecté tôt se guérit dans la grande majorité des cas.
