Une mobilisation estudiantine à Pointe-Noire
Le hall de l’Institut Universitaire de Technologie appliquée de Pointe-Noire vibrait, le 23 octobre 2025, au rythme d’Octobre rose. Quelque 250 étudiantes, coiffées de rubans fuchsia, y ont convergé pour entendre un message simple : le cancer du sein et de l’utérus n’épargne personne.
À l’initiative d’Africa Global Logistics Congo et de sa filiale Congo Terminal, cette conférence marque une première incursion des entreprises portuaires dans les campus. Objectif affiché : soutenir la politique nationale de prévention en rendant l’information médicale accessible aux futures professionnelles.
Comprendre les cancers féminins
Dès les premiers mots, le gynécologue Nzikou Boussoukou a rappelé que le cancer du sein reste le plus diagnostiqué chez la femme au Congo, devant les affections du col utérin. « Le dépistage précoce augmente de 90 % les chances de guérison », a-t-il insisté.
À ses côtés, la docteure généraliste Jennifer Mavoungou a détaillé les principaux facteurs de risque : tabac, surcharge pondérale, mais aussi premières règles précoces ou antécédents familiaux. « Comprendre ces paramètres, c’est déjà se donner le pouvoir d’agir », a-t-elle souligné, regard tourné vers l’auditoire.
Des gestes simples pour un dépistage précoce
Pour traduire la théorie en gestes, la sage-femme Damil Kinguedi a mené un atelier d’autopalpation. Mannequin anatomique à la main, elle a expliqué comment repérer une masse suspecte, noter une modification de la peau ou un écoulement anormal, recommandations souvent méconnues des jeunes.
« Je ne savais pas qu’un simple auto-examen mensuel pouvait changer le pronostic », avoue Christelle, étudiante en logistique. Dans la salle, les portables immortalisent chaque démonstration. Les vidéos circuleront ensuite sur les forums universitaires, démultipliant l’impact de la séance au-delà du jour J.
Émotion et prise de conscience
Le moment le plus poignant est venu des témoignages. Une volontaire a lu la lettre d’une amie disparue à 32 ans, tandis qu’un étudiant évoquait sa mère, emportée en six mois faute de dépistage. Des sanglots contenus ont rappelé la brutalité statistique des registres oncologiques.
« Le silence tue autant que la maladie », a lancé Mayrise Manienze-Mbongo, cheffe du département développement RH et Relations écoles à Congo Terminal. Selon elle, parler sans tabou est la première étape pour briser l’isolement que ressentent beaucoup de malades et leurs familles.
Le rôle moteur d’AGL Congo et Congo Terminal
Cette intervention citoyenne d’AGL Congo s’inscrit dans une campagne plus large menée tout au long d’octobre. Des affiches éducatives ornent désormais les couloirs du port et les véhicules de la société. Un bus médicalisé visitera bientôt les arrondissements périphériques pour proposer des examens gratuits.
Ulrich Louché, directeur général d’AGL Congo, rappelle que la responsabilité sociétale figure parmi les engagements de la concession portuaire. « Nous desservons l’économie, mais aussi la vie. Investir dans la santé publique renforce notre ancrage local », assure-t-il.
Un appui salué par les autorités sanitaires
Les autorités sanitaires saluent l’initiative. Pour le docteur Henri Mouanda, coordinateur départemental de la Santé, c’est un prolongement concret de la stratégie nationale. « La prévention doit sortir de l’hôpital et rejoindre la population ; les entreprises sont des relais précieux », résume-t-il.
Depuis 2021, le ministère de la Santé invite chaque établissement scolaire à organiser au moins une séance d’information sur les cancers féminins. Avec la démographie étudiante en essor, parler en amphi devient un moyen rapide pour toucher un public souvent éloigné des structures de soins.
À ce jour, seule une poignée de laboratoires privés proposent le test HPV dans la ville océane. Or un dépistage complet reste coûteux pour une bourse d’étudiant. L’intervention d’AGL devrait atténuer cette barrière financière en prévoyant, sur sélection médicale, la prise en charge de quelques analyses.
Vers une culture durable de la prévention
Les étudiantes interrogées expriment déjà un changement d’attitude. Béatrice, en première année de commerce, promet d’emmener sa mère réaliser une mammographie ; Prisca envisage de créer un club santé sur le campus. Ces micro-engagements sont le maillon manquant entre le discours institutionnel et l’action quotidienne.
Sous la bannière Octobre rose, la ville multiplie les points lumineux roses et les séances de sport collectives. La mairie, partenaire logistique, a fourni les chasubles « Je me dépiste, je me protège ». Les commerçants proches du port relaient la même devise sur leurs vitrines.
À l’horizon, les organisateurs espèrent instaurer un programme pérenne. Des discussions sont en cours avec l’université Marien-Ngouabi pour intégrer un module d’éducation à la santé dans le tronc commun. Une convention pourrait être signée avant la fin de l’année universitaire afin de sécuriser des financements continus.
L’expérience pointe-noirienne illustre comment le partenariat public-privé peut accélérer la diffusion de bonnes pratiques sanitaires. Elle rappelle aussi que la lutte contre les cancers féminins ne se résume pas à des équipements sophistiqués : l’information, la parole et la solidarité restent des médicaments de premier recours.
En attendant le prochain bilan, une certitude demeure : chaque geste de prévention posé aujourd’hui écrit l’espoir de demain pour des milliers de femmes congolaises. Les rubans roses se détacheront peut-être des vestes, mais la vigilance, elle, continuera de circuler dans les couloirs des écoles.
