Une édition anniversaire célébrée à Brazzaville
Vendredi 17 octobre, l’hôtel Hilton des Tours jumelles de Mpila résonnait d’accents italiens : l’ambassade d’Italie au Congo lançait la 25e Semaine de la langue italienne dans le monde, riche d’un quart de siècle de diffusion culturelle.
Placée sous le thème mondial « L’italophonie, une langue au-delà des frontières », la rencontre a vu l’ambassadeur Enrico Nunziata saluer un public mêlant étudiants, entrepreneurs, religieux et universitaires connectés en présentiel ou en ligne, témoignant d’une communauté italophone particulièrement active à Brazzaville.
La langue de Dante, atout pour la jeunesse congolaise
Le séminaire insistait sur le rôle de la langue de Dante Alighieri comme passerelle vers des opportunités professionnelles. « Parler italien ouvre des portes dans l’ingénierie, l’architecture ou l’énergie », a rappelé l’ingénieur Jérôme Koko, lui-même formé à Turin avant de revenir au pays.
L’université Marien Ngouabi accueille un enseignement d’italien depuis le début des années 2000. Le linguiste Alain Loussakoumounou y voit « un partenariat linguistique fécond, capable de développer l’esprit critique et le multilinguisme dont nos étudiants ont besoin pour aborder un marché de l’emploi toujours plus ouvert ».
Centres de formation et secteur pétrolier, un tandem gagnant
Autre vecteur de diffusion, l’école Enrico Mattei de Pointe-Noire cultive l’interculturalité du primaire au lycée. Ses enseignantes, connectées depuis la côte atlantique, ont décrit des classes où les chants napolitains côtoient les contes téké, forgeant une curiosité réciproque dès l’enfance.
Dans la capitale économique, la présence d’ENI Congo renforce cet engouement. Les besoins en techniciens bilingues pour la filière pétrolière encouragent les centres de langue à multiplier les sessions intensives, intégrant vocabulaire technique, normes de sécurité et culture d’entreprise transalpine.
Parcours variés, même enthousiasme
Les intervenants ont aussi souligné la diversité des parcours. Michel Niama, économiste passé par la CEMAC, a noté que « l’italien facilite les affaires dans un bassin méditerranéen en plein rebond, de Tunis à Rome ». Pour lui, la compétence linguistique rassure partenaires et investisseurs.
L’ambassadeur Nunziata a proposé la création d’une plateforme numérique réunissant entrepreneurs, professeurs, anciens boursiers et institutions. L’outil, pensé comme réseau d’entraide, recensera offres d’emploi, stages, programmes de mobilité et événements culturels, afin de « consolider le capital humain italophone du Congo ».
Un rendez-vous inscrit dans le Plan Mattei
La Semaine de la langue italienne est coordonnée par le ministère italien des Affaires étrangères avec l’Académie de la Crusca, sous le haut patronage du président Sergio Mattarella. Chaque année, environ cent ambassades déclinent des ateliers, concerts, projections et concours scolaires.
Cette édition brazzavilloise s’inscrit également dans le Plan Mattei, feuille de route italienne pour un partenariat rénové avec l’Afrique. La dimension linguistique y joue le rôle d’accélérateur, en complément des volets énergie, numérique, formation professionnelle et soutien aux PME locales.
Experts et professionnels unissent leurs voix
Raymond Siebetcheu, professeur à l’Université pour étrangers de Sienne, a analysé les passerelles entre recherches congolaises et laboratoires italiens. Selon lui, « la co-direction de thèses bilingues valorise les patrimoines respectifs et stimule l’innovation sous-tendant l’industrialisation du continent ».
L’architecte Gaston Gapo, ex-ministre de l’Urbanisme, a rappelé que plusieurs bâtiments emblématiques de Brazzaville ont été conçus par des cabinets romains. Maîtriser la langue permet, selon lui, d’entretenir ces structures et d’imaginer des villes vertes adaptées aux réalités climatiques locales.
L’abbé Gervais Protais Yombo, curé d’Oyo, utilise l’italien pour coopérer avec des séminaires de Lombardie. Il affirme que ces échanges « favorisent la circulation d’idées sociales et éducatives bénéfiques aux paroisses rurales aussi bien qu’aux centres urbains ».
Nouvelle génération d’étudiants et concours créatif
Plusieurs étudiants boursiers, connectés depuis Bologne, ont partagé leurs expériences de double diplôme. Euphrasie, inscrite en sciences pharmaceutiques, juge que « l’italien offre un accès privilégié aux laboratoires européens et à des financements de recherche porteurs pour la République du Congo ».
Le séminaire a finalement distingué trois lauréats d’un concours de poésie bilingue. Le premier prix, remis à un lycéen de Pointe-Noire, sera un séjour linguistique à Florence, preuve que l’événement mise sur la transmission intergénérationnelle comme moteur durable.
Diplomatie culturelle et confiance partagée
Avant de clore la journée, Enrico Nunziata a réaffirmé la disponibilité de son ambassade à soutenir nouveaux cours, bourses et jumelages scolaires. Il a rappelé que la diplomatie culturelle demeure un pilier du dialogue entre Rome et Brazzaville, fondé sur la confiance mutuelle.
Entre formation, culture et affaires, l’italien poursuit donc son ancrage au Congo. Les participants espèrent que la prochaine édition renforcera encore l’élan suscité, confirmant la langue de Dante comme atout pour la jeunesse et vecteur d’un développement partagé avec l’Italie.
Perspectives économiques et visibilité médiatique
Au plan macroéconomique, les échanges Italie-Congo ont dépassé 600 millions de dollars en 2024 selon l’Institut national de la statistique. Les secteurs pétrole, BTP, agriculture et mode constituent les principaux flux, et la maîtrise de la langue facilite l’émergence de coentreprises locales.
De son côté, Albert Mianzoukouta, directeur de La Semaine Africaine, a plaidé pour une couverture médiatique régulière des initiatives italophones : « Rendre visibles cours du soir, ciné-clubs, thèses ou coopératives artisanales encouragera de nouveaux apprenants et renforcera l’image ouverte du Congo ».
