Le football congolais cherche une issue rapide
Le huis clos qui pèse sur les stades congolais depuis l’automne dernier continue d’inquiéter joueurs, dirigeants et supporters. Réunis fin octobre à Brazzaville, la Fédération congolaise de football et les représentants des clubs ont détaillé les pistes visant à sauver la saison 2025-2026.
Tous s’accordent sur une urgence : un deuxième exercice annulé mettrait gravement en péril l’élite nationale. « Il faut à tout prix retrouver la compétition, même dans des conditions adaptées », a résumé Jean Guy Blaise Mayolas à l’issue de la rencontre.
Ignié, un centre prêt à relever le défi
Situé à une trentaine de kilomètres de la capitale, le centre technique de la Fécofoot à Ignié apparaît comme la solution la plus réaliste. Construit avec l’appui de la FIFA, l’équipement dispose de deux pelouses homologuées, de dortoirs et d’un pôle médical.
Des ajustements demeurent indispensables. Les travaux portent sur la pose de nouvelles grilles, la réfection des bancs de touche et la mise aux normes des vestiaires. « Nos ingénieurs s’activent afin que tout soit conforme pour l’accueil de rencontres de Ligue 1 », précise un cadre de la direction technique nationale.
Le ministère des Sports sollicité
Depuis des mois, la Fécofoot échange des courriers avec le ministère pour plaider la réouverture progressive des enceintes habituelles. Les réponses officielles évoquent la nécessité de moraliser le championnat après plusieurs accusations de corruption visant arbitres et responsables de clubs.
Jean Guy Blaise Mayolas rappelle que les sanctions ont déjà été prononcées. « Les personnes citées ont été suspendues. Nous souhaitons désormais tourner la page et travailler ensemble pour redonner aux supporters un spectacle sécurisé », a-t-il insisté lors de la réunion.
La crainte d’une saison blanche
Pour les présidents de clubs, l’enjeu dépasse la simple visibilité sportive. Un deuxième arrêt prolongé menacerait sérieusement les effectifs. Sans contrats professionnels longs, nombre de joueurs pourraient quitter le pays, attirés par des championnats voisins.
Faute de compétition, les représentants congolais perdraient aussi leur ticket pour la prochaine Ligue africaine des champions et la Coupe de la Confédération. « Nous risquons de disparaître de la scène continentale, alors que nos jeunes ont besoin de ces vitrines pour progresser », confie le secrétaire général d’une formation de Pointe-Noire.
Impact financier sur les clubs
Selon une estimation interne, la saison 2024-2025 non disputée a déjà fait perdre près de 600 millions de francs CFA aux clubs de l’élite, privant vendeurs ambulants, transporteurs et petites entreprises de revenus indispensables.
Le retour de la compétition, même concentrée à Ignié, permettrait de relancer cette économie périphérique. Les matches seraient retransmis en direct sur la télévision publique et plusieurs plateformes numériques locales, offrant de nouveaux créneaux publicitaires.
Sécurité et logistique au cœur du projet
La FIFA a dépêché un consultant pour valider la certification des terrains. Des systèmes de vidéosurveillance seront installés, tandis qu’un plan de circulation encadrera l’accueil des délégations dans la localité, relativement excentrée.
Un protocole médical complet est aussi annoncé : tests physiques réguliers, service d’ambulance sur site et partenariats avec l’hôpital de référence d’Ignatié. « Nous voulons prouver que le football congolais peut se moderniser et répondre aux standards internationaux », souligne un membre du comité exécutif.
Calendrier envisagé
Si les travaux se terminent à temps, la Ligue 1 pourrait débuter courant décembre, condensée sur six mois, avec deux rencontres par jour. La Ligue 2 suivrait la même formule, les week-ends et en nocturne pour limiter la chaleur.
Une cérémonie d’ouverture à huis clos partiel est évoquée, le public étant admis progressivement selon les recommandations sécuritaires. La billetterie en ligne, testée lors du dernier CHAN, sera reconduite pour réduire les attroupements aux guichets.
Les clubs se mobilisent
À Brazzaville comme à Pointe-Noire, dirigeants et techniciens réactivent leurs centres d’entraînement. Plusieurs équipes ont planifié des tournois amicaux afin de garder le rythme et tester de nouveaux schémas tactiques.
Le coach d’AS Otohô, récent quart-de-finaliste en Coupe de la CAF, estime que « jouer à Ignié exigera de l’adaptation, mais tous les adversaires seront logés à la même enseigne ». Les séances de reconnaissance de terrain pourraient être mutualisées pour réduire les coûts.
Soutien du secteur privé recherché
La Fécofoot a approché des partenaires télécoms et des compagnies de transport pour accompagner l’opération. Des discussions portent sur la mise à disposition de bus climatisés et sur la diffusion gratuite des matches sur mobiles.
Un opérateur a déjà promis de sponsoriser la connexion Wi-Fi du centre, permettant aux médias de travailler dans de bonnes conditions. « La visibilité offerte par un championnat concentré peut séduire les marques nationales », analyse un spécialiste en marketing sportif.
Les supporters entre impatience et prudence
Sur les réseaux sociaux, la perspective de revoir la Ligue 1 suscite un mélange d’enthousiasme et de questions. Certains craignent des tarifs de déplacement trop élevés pour se rendre à Ignié. D’autres redoutent des jauges réduites.
La Fédération rassure : des navettes à prix modéré seront prévues depuis la place de la République à Brazzaville. Chaque déplacement se fera sous escorte afin de fluidifier le trafic sur la route nationale 2.
Un enjeu d’image pour le sport congolais
Relancer le championnat contribuerait à maintenir le pays dans une dynamique sportive positive, quelques mois après le succès des Jeux de la Francophonie pour les athlètes congolais. Le football, discipline la plus populaire, reste un vecteur d’unité nationale.
Le ministère des Sports rappelle régulièrement son ambition de faire de la pratique sportive un levier de cohésion et de santé publique. Des campagnes de promotion accompagneraient la reprise, mettant en avant le fair-play et la lutte contre la fraude.
Prochaines étapes décisives
Un comité technique mixte, associant clubs, Fédération et ministère, doit inspecter le site d’Ignié dans les jours à venir. Ses conclusions dicteront le feu vert définitif. Les présidents de clubs accompagneront la délégation afin de témoigner de leur engagement collectif.
« Il ne s’agit pas d’opposer qui que ce soit. L’objectif est unique : offrir aux joueurs, aux arbitres et aux supporters la compétition qu’ils méritent », résume Jean Guy Blaise Mayolas, qui se dit confiant dans l’aboutissement des discussions.
Une lueur pour la jeunesse sportive
Au-delà de l’élite, la reprise attendue aurait un effet domino sur les championnats de jeunes et les académies. Les U-17 et U-20 pourraient, à terme, disputer leurs tournois de proximité en lever de rideau des matches professionnels.
Cet horizon redonne confiance aux familles qui investissent dans la formation de leurs enfants. « Le sport ouvre des perspectives. Voir les grands rejouer motivera nos cadets », témoigne un entraîneur scolaire de Makélékélé.
Cap sur décembre
Dans les vestiaires improvisés des clubs, les maillots sont prêts, les licences mises à jour et les staffs médicaux gonflent leurs stocks de bandages. La dernière ligne droite sera intense pour livrer un centre technique prêt à vibrer au rythme du football congolais.
Les deux prochains mois diront si Ignié deviendra le théâtre d’un nouvel élan sportif national. Pour l’heure, joueurs et supporters retiennent leur souffle, impatients de retrouver la ferveur des gradins et le frisson du coup d’envoi.
