Nuit d’alerte à Pointe-Noire
Il était un peu plus de une heure trente, jeudi, lorsque des riverains du quartier OCH ont vu des flammes s’élever au-dessus de la Maison de la Radio Pointe-Noire. En quelques minutes, l’odeur âcre de la fumée a réveillé tout le voisinage, captivé par un ciel soudain incandescent.
Le complexe, inauguré en 2011 pour moderniser la diffusion publique dans la capitale économique, n’avait encore jamais connu un tel épisode. Les premières images filmées par des passants montrent une façade rougeoyante, tandis que les alarmes retentissent dans un silence de rue d’habitude animé par les taxis nocturnes.
Un brasier maîtrisé avant l’aube
Alertée dès 1 h 45, la caserne de Mpaka a déployé trois camions-citerne et une quinzaine d’hommes. « Nous avons contenu la propagation en moins de quarante-cinq minutes », relate le lieutenant Guy-Christian Mabiala, casque sous le bras, encore marqué de suie.
Les pompiers ont ciblé d’abord la toiture, déjà en partie effondrée, puis la zone technique où se trouvent les climatiseurs centraux. Leur intervention a été appuyée par une équipe de la SNPC venue alimenter les lances en eau depuis une bouche industrielle, un geste salué par les autorités locales.
Une mobilisation exemplaire des secours
La préfecture de Pointe-Noire a déclenché le plan Orsec niveau 1, mobilisant police, protection civile, Croix-Rouge et Société nationale d’électricité pour sécuriser le périmètre. Les sapeurs-pompiers de l’aéroport Agostinho-Neto ont aussi prêté une auto-pompe, réduisant le temps de remplissage des réservoirs.
Aucune victime n’est à déplorer. « Le dernier agent est sorti à 1 h 40, juste avant l’effondrement partiel du faux plafond du studio B », précise le directeur de la station, Côme Mboungou, qui loue « le sang-froid et la discipline » du personnel.
Des dégâts matériels importants
Au lever du jour, le bâtiment principal laissait apparaître un patchwork de tôles tordues et de baies vitrées éclatées. Le matériel de prise de son numérique installé en 2019 serait perdu à 80 %, selon un premier constat des ingénieurs.
La salle d’archives, logée au sous-sol, a toutefois été épargnée grâce aux parois coupe-feu. Les pompiers ont volontairement laissé couler de l’eau dans la cage d’escalier pour créer une barrière thermique, préservant ainsi plusieurs décennies d’enregistrements patrimoniaux.
Un symbole pour la capitale économique
Lieu de formation pour de nombreux journalistes congolais, la Maison de la Radio est aussi un repère urbain, visible depuis la route de la plage. Beaucoup d’habitants s’y promènent le week-end pour admirer sa fresque aux couleurs nationales.
« C’est une partie de notre mémoire sonore qui a failli disparaître », souffle Cécile Ndinga, auditrice fidèle depuis vingt ans. Sur les réseaux sociaux, les messages de soutien affluent, soulignant l’attachement de la population à ce média public né il y a plus d’un demi-siècle.
Premières hypothèses sur l’origine du feu
Selon le chef de la police scientifique, le colonel Fabrice Tchibota, l’incendie serait parti du local d’alimentation électrique. « Nous privilégions la piste d’un court-circuit lié à une surcharge après le redémarrage des groupes électrogènes », explique-t-il, en attendant les analyses des câbles carbonisés.
Aucune trace d’effraction n’a pour l’heure été relevée. Les enquêteurs écartent donc, avec prudence, le scénario criminel. La commission technique créée par le ministère de la Communication rendra ses conclusions dans les quinze jours pour confirmer ces premières observations.
Continuer d’émettre malgré l’épreuve
Dès huit heures, la radio a repris ses programmes via un studio de secours hébergé chez Télé Congo, à quelques centaines de mètres. Un jingle spécial, composé à la hâte, a introduit un direct consacré au sinistre et à la reconnaissance des équipes de secours.
« Notre mission de service public n’a pas brûlé », déclare au micro la rédactrice en chef Gabrielle Nkounkou, remerciant l’appui du ministère et des partenaires privés qui ont prêté des micros et une console mobile. L’audience, ce matin-là, a bondi de 30 % selon les statistiques internes.
Vers un renforcement de la sécurité incendie
Le gouvernement a annoncé la mise à disposition d’un fonds d’urgence pour réhabiliter le site, tout en modernisant les dispositifs anti-incendie. Parmi les mesures envisagées : détecteurs connectés, portes coupe-feu automatiques et formation renforcée des agents de nuit.
« Ce sinistre rappelle l’importance de la maintenance préventive », souligne l’ingénieur Patrick Ibara, qui plaidait depuis 2022 pour la réfection du tableau électrique. Le chantier devrait débuter avant la fin du trimestre, afin de permettre une réouverture partielle du bâtiment courant 2025.
Un élan de solidarité nationale
Des artistes locaux ont d’ores et déjà promis un concert caritatif. La Chambre de commerce a, elle, lancé un appel aux entreprises pour fournir câbles, onduleurs et mobilier. « Quand une voix s’éteint, c’est tout le pays qui se tait ; nous devons l’aider à se rallumer », résume le chanteur Zao.
La plate-forme digitale de la station recueille aussi des messages vocaux de soutien, diffusés chaque heure à l’antenne. Cette interaction rappelle combien la Maison de la Radio reste, au-delà de l’information, un trait d’union entre les communautés de Pointe-Noire et du reste du pays.
