Un rendez-vous au mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza
Du 5 au 8 novembre 2025, le mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza s’apprête à vibrer au rythme de la dixième édition de « Femmes spéciales Brazza ». Né en 2015, ce rendez-vous est devenu l’un des principaux espaces de visibilité des initiatives féminines au Congo-Brazzaville.
Placée sous le thème « Célébrons les efforts des femmes et l’innovation », l’édition anniversaire revendique une portée à la fois festive et stratégique. Elle ambitionne de montrer que la créativité féminine irrigue tous les secteurs, de la tech à l’agro, tout en stimulant la coopération entre générations.
Selon la coordinatrice du comité, Arlette Massanga, « chaque année a son parfum, mais 2025 est spéciale car nous célébrons une décennie d’engagement continu ». Elle souligne que le choix du mémorial, lieu de mémoire et de rassemblement, rappelle la dimension patrimoniale de la transmission des savoirs.
Un programme dense de quatre jours
La première journée sera consacrée à un forum d’ouverture sur le leadership féminin africain, avec des interventions attendues d’expertes venues de Dakar, Kigali et Paris. Des étudiantes de l’Université Marien-Ngouabi interrogeront ces invitées sur les freins persistants à l’accès aux postes décisionnels.
Le deuxième jour fera la part belle aux ateliers pratiques : montage de coopératives, levée de fonds participative, initiation au codage, écoconception. Chaque session a été pensée pour livrer des outils directement réutilisables, un format plébiscité lors de l’édition 2024 axée sur la relance post-Covid.
Un village d’expositions ouvrira en continu. Jacintha Ngatsé, artisane du quartier Talangaï, compte y présenter une collection de bijoux en fibres de bananier. « Ma coopérative est née ici l’an passé, confie-t-elle. Revenir témoigne de la confiance que nous avons gagnée.»
Transmission et innovation au cœur des ateliers
Le comité a soigneusement couplé savoir-faire traditionnel et transition numérique. Des ingénieures en data science épauleront des productrices de manioc pour numériser leur chaîne logistique, tandis qu’une styliste de Poto-Poto initiera les plus jeunes au wax augmenté, un textile intégrant des capteurs de température.
Les ateliers transversaux s’adressent également aux hommes. « Accompagner les ambitions féminines n’est pas une affaire de genre, rappelle le sociologue Rodrigue Okouélé, invité régulier. Nous encourageons les entreprises dirigées par des hommes à venir chercher des idées de croissance partagée. »
Une scénographie immersive et connectée
Pour son dixième anniversaire, l’événement change d’échelle. Des écrans géants circulaires diffuseront en temps réel les interventions, doublés d’un système de sous-titres en langue des signes. Des influenceuses congolaises relaieront chaque débat sur TikTok et Instagram afin de toucher la diaspora.
Une application mobile, développée par la start-up locale AfroCode, permettra aux visiteurs d’épingler leurs stands favoris, de réseauter par QR code et de recevoir des notifications sur les moments forts. Les organisateurs espèrent ainsi dépasser le cap des 500 inscrits et attirer un public hybride.
L’ambassadrice Noe Mavoungou, symbole d’inspiration
Figure montante du cinéma congolais, la réalisatrice Noe Mavoungou prêtera son image à l’édition 2025. Récompensée à Ouagadougou pour son court métrage « Rivières », elle assure vouloir « amplifier la voix des créatrices de Brazzaville et montrer que l’art peut changer les mentalités ».
Sa présence sera ponctuée d’une masterclass sur la narration inclusive, ouverte aux élèves du lycée Savorgnan. « Être ambassadrice signifie guider, pas seulement poser pour la photo », insiste-t-elle. Elle promet un concours vidéo primant les meilleures capsules d’optimisme tournées avec un simple smartphone.
Un impact déjà perceptible depuis 2024
L’édition précédente, organisée alors que le pays sortait des restrictions sanitaires, avait misé sur la résilience économique. Bilan dressé par le ministère de la Promotion de la femme : sept coopératives toujours actives, un réseau d’affaires couvrant cinq départements et une plateforme numérique d’entraide consultée 12 000 fois.
Pour la sociologue Félicité Ngouabi, qui suit le phénomène depuis une décennie, « Femmes spéciales Brazza a créé un effet domino : chaque lauréate devient mentore de trois nouvelles porteuses d’idée. À terme, cela démultiplie l’impact du programme sans alourdir son budget ».
Objectif : faire rayonner l’innovation féminine
Les organisateurs souhaitent que l’édition jubilaire assied la manifestation comme un label national. Des discussions ont été engagées avec le ministère de l’Économie numérique pour inscrire certains projets dans le futur Technopôle de Kintélé, tandis que des banques locales réfléchissent à ouvrir des lignes de microcrédit dédiées.
Si l’objectif de 500 participants est atteint, le comité envisage déjà une tournée provinciale en 2026 afin de porter la même énergie à Dolisie, Ouesso ou Impfondo. « Le défi est d’éviter l’entre-soi brazzavillois et de toucher toutes les femmes désireuses de transformer leur quotidien », rappelle Arlette Massanga.
Hackathon et perspectives nationales
En marge des sessions officielles, un hackathon de quarante-huit heures est annoncé. Il réunira programmeuses, designers et agricultrices autour du thème « numérique et sécurité alimentaire ». Le prototype gagnant bénéficiera d’un accompagnement de six mois et sera présenté au Salon national de l’innovation prévu au premier trimestre 2026.
