Une restauration chargée d’émotion
Sous un ciel matinal encore voilé, des habitants de Brazzaville et de la région se sont déplacés pour découvrir la tombe rénovée de Joséphine Badza, la « grand-mère bantoue » d’Henri Lopes. Peinte de noir et blanc, la sépulture tranche désormais avec la terre ocre du cimetière local.
Aux côtés des visiteurs, Mme Christelle Nanda, coordinatrice de l’Association Bana Ossio, a rappelé que la restauration découle d’une volonté exprimée par le président fondateur de l’organisation. « Nous voulions un espace digne du symbole qu’elle représente pour la littérature congolaise », explique-t-elle.
Hommage au brassage culturel célébré par l’écrivain
Le choix du damier noir et blanc fait écho au cimetière de Morne-à-l’Eau, en Guadeloupe, dont les dalles carrelées intriguent et fascinent les visiteurs. Henri Lopes découvrit ce lieu en rendant visite à la mère de ses enfants, née sur l’île, et en fit une image récurrente de son œuvre.
« Les couleurs contrastées rappellent la rencontre des cultures bantoues et gauloises que l’auteur célébrait dans son livre Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois », souligne Wilfried Mbon, chef du village. Pour lui, la tombe rénovée incarne « le dialogue permanent entre toutes nos racines ».
Une mission officielle de préservation
Le notable Gabriel Ndzion et le doyen Paulin Ndéko ont profité de la cérémonie pour rappeler la portée juridique du geste. Le 19 octobre 2022, Henri Lopes leur avait confié, par acte notarié rédigé par Me Hachim Fadili, la gestion exclusive de son image et de sa mémoire.
« L’écrivain avait tout prévu pour que son héritage reste vivant et accessible, sans dénaturer ses intentions », insiste M. Ndzion. La lettre, signée en présence de témoins, désigne le président de Bana Ossio comme garant des décisions futures concernant archives, manuscrits et lieux de mémoire.
Reconnaissance aux plus hautes autorités
Au cœur des interventions, l’Association Bana Ossio a exprimé sa gratitude au président de la République, Denis Sassou Nguesso, « pour avoir offert au Congo et au monde un homme d’une telle envergure ». Les organisateurs saluent un soutien institutionnel jugé indispensable à la valorisation du patrimoine culturel national.
Pour Mme Nanda, « l’État a su accompagner Henri Lopes dans ses missions diplomatiques et culturelles ». Ce compagnonnage, rappelle-t-elle, « confirme que notre pays sait reconnaître et célébrer ses voix les plus universelles ».
Un lieu déjà fréquenté par la jeunesse
Depuis la réouverture, de jeunes élèves des lycées voisins viennent lire des extraits de l’auteur devant la pierre tombale. « Nous nous sentons responsables de transmettre son message d’ouverture », confie Florence, étudiante en histoire. Certains préparent même des capsules vidéo pour les réseaux sociaux scolaires.
Ce nouvel intérêt fait écho aux objectifs de Bana Ossio : favoriser l’appropriation de l’œuvre par la génération montante, en reliant littérature, histoire et identité. Le site sera intégré aux circuits pédagogiques proposés aux établissements de Brazzaville et Pointe-Noire.
Une dynamique touristique locale
Les autorités municipales envisagent de flécher l’accès au cimetière et de créer des panneaux explicatifs en bilingue français-kikongo. « Nous élaborons un parcours patrimonial autour des figures littéraires du pays », indique un cadre de la direction départementale du tourisme.
Les premiers artisans du quartier espèrent, eux, voir se multiplier les visiteurs. « Une mémoire qui attire du monde partage aussi la richesse », sourit Mme Pauline, vendeuse de tissus. Elle songe déjà à produire des pagnes inspirés du damier noir et blanc.
La voix des proches de l’auteur
Contacté par nos soins, l’un des fils d’Henri Lopes confirme qu’il soutient l’initiative : « Nous voyons dans cette restauration un geste d’amour et de respect. Notre père a toujours plaidé pour que les symboles restent accessibles à tous ».
Pour la famille, le travail mené par Bana Ossio s’inscrit dans l’esprit de l’écrivain. Aucun déplacement privé n’est à ce stade programmé, mais les proches assurent qu’ils se rendront bientôt sur place pour se recueillir à leur tour.
Au-delà de la pierre, l’héritage vivant
Bana Ossio prépare deux expositions itinérantes : la première consacrée aux archives diplomatiques d’Henri Lopes, la seconde à ses carnets de voyage. Les deux volets seront accompagnés de lectures publiques et d’ateliers d’écriture dans les bibliothèques municipales.
« Notre but est de montrer que son parcours incarne un Congo tourné vers le dialogue des cultures », affirme Mme Nanda. Pour elle, « renouveler l’intérêt pour la littérature nationale est la meilleure manière d’honorer sa mémoire ».
Perspectives d’entretien durable
La question de l’entretien régulier de la sépulture a été abordée. Bana Ossio prévoit un fonds dédié, alimenté par des dons privés et le produit des ventes de publications commémoratives. Un comité local de bénévoles sera également mis en place pour assurer la propreté du site.
« Nous travaillerons main dans la main avec la mairie et les familles voisines », précise le président de l’association. Objectif : éviter les dégradations et garantir un lieu toujours accueillant pour les visiteurs étrangers attendus lors des prochaines biennales culturelles.
Un symbole pour le vivre-ensemble
À l’issue de la cérémonie, la foule s’est dispersée dans un calme respectueux, certains déposant des fleurs, d’autres reprenant des passages de Romans. « La tombe ainsi restaurée devient un pont entre la mémoire intime et la mémoire collective », analyse le sociologue Arnaud Makosso.
Selon lui, « cette initiative rappelle que le patrimoine immatériel se nourrit aussi des lieux physiques chargés d’histoires partagées ». Le damier noir et blanc, conclut-il, « illustre le métissage, valeur chère à notre société et portée au plus haut par Henri Lopes ».
