Un souffle de paix venu du mbongui
Depuis quelques jours, une lettre ouverte circule de main en main dans les quartiers de Brazzaville et Pointe-Noire. Signée Diag-Lemba, elle exhorte l’orateur traditionnel Yakamambu à sonner la paix au mbongui, espace de palabres chéri des Congolais.
L’appel, relayé par les figures communautaires Itoua, Mboungou et Tati, prend la forme d’un poème lyrique. Entre métaphores et impératifs fraternels, il invite le peuple à resserrer les liens au-delà des clivages générationnels, ethniques ou politiques.
Dans un contexte où la stabilité nationale demeure au cœur des priorités, la missive sonne comme une respiration bienvenue. Le ton, résolument rassembleur, se garde de toute critique et préfère mobiliser les imaginaires positifs pour consolider la cohésion sociale.
Une tradition orale au service de l’unité
Le mbongui, cercle symbolique disposé sous un manguier ou au centre du village, représente depuis des siècles le parlement populaire du Congo. On y échange, on débat, on tranche les conflits autour d’un feu, loin des miroirs glacés des réseaux sociaux.
Dans ce théâtre d’ombres et de paroles, le crieur public assume un rôle de médiateur. Ce soir, les habitants imaginent déjà Yakamambu, cor en main, modulant son chant pour rappeler que l’amour et la fraternité demeurent les ressorts premiers du développement.
Pour l’anthropologue Honoré Massouami, « le mbongui n’est pas seulement un espace social, c’est une boussole identitaire ; le poème de Diag-Lemba remet chacun face à ses responsabilités collectives ». L’universitaire salue une démarche culturelle susceptible de renforcer le vivre-ensemble urbain.
Des voix contemporaines engagées
La lettre mentionne trois parrains : Itoua, Mboungou et Tati. Tous évoluent dans des associations de quartier qui, depuis la pandémie, organisent des collectes de fonds pour les écoles et des ateliers de tissage pour les femmes déplacées de la Likouala.
« Nous voulons dépasser les discours abstraits, confie Tati. Mettre les jeunes autour d’une table, c’est déjà bâtir la paix ». Son association prévoit, fin mois, un grand mbongui mobile qui traversera Talangaï puis Makélékélé, avec slam, danse et sensibilisation citoyenne.
Sur les réseaux, la vidéo du poème atteignait ce matin quatorze mille vues. Des influenceurs locaux, à l’instar de la blogueuse Nalick, encouragent leurs abonnés à partager le message et à publier des défis autour de la fraternité, un hashtag #ChaîneDUnion fleurissant déjà.
Le rôle du mbongui dans la cohésion
Historiquement, les autorités coutumières utilisaient le mbongui pour pacifier les rivalités foncières ou célébrer une récolte. Aujourd’hui encore, plusieurs municipalités congolaises réhabilitent ces espaces de dialogue, parfois intégrés aux plans d’aménagement, pour prévenir les malentendus liés à l’urbanisation rapide.
Au ministère de la Jeunesse, un conseiller rappelle que les clubs Unesco-Mbongui mis sur pied l’an dernier ont réuni plus de dix mille participants autour de projets de quartiers propres, renforçant le sentiment d’appartenance et la confiance mutuelle.
Dans ce cadre, le poème de Diag-Lemba agit comme un catalyseur narratif. Il offre une histoire commune où chacun peut se projeter, du cultivateur de Djambala au livreur à moto de Poto-Poto, sans distinguer statuts ni origines.
Un message en phase avec l’agenda national
À quelques mois des Journées nationales de la Réconciliation, programmées par les pouvoirs publics, l’initiative citoyenne tombe à point nommé. Les observateurs estiment qu’elle contribue à préparer les esprits à un dialogue inclusif souhaité par les institutions.
Certaines ONG plaident pour que le texte soit traduit dans les principales langues nationales afin d’élargir encore sa portée. Les promoteurs, eux, travaillent déjà sur une version audio accessible hors connexion, en partenariat avec plusieurs radios communautaires.
Rassembler les Congolais autour d’une même parole est un pari ancien, mais la simplicité chaleureuse du poème rappelle que l’espoir tient parfois à quelques syllabes. Si Yakamambu souffle son cor comme annoncé, le mbongui de demain pourrait vibrer plus fort que jamais.
La diaspora en relais créatif
Les Congolais installés à Paris, Montréal ou Luanda suivent aussi l’initiative. Sur un groupe WhatsApp baptisé Mbongui Diaspora, les expatriés proposent de financer l’impression de mille affiches illustrant le poème, destinées aux gares, aux écoles et aux marchés.
« Nous ne voulons pas être des spectateurs lointains », explique Jean-Paul Nzouzi, consultant en logistique. Il compte organiser, lors de sa prochaine visite, un atelier de lecture avec les élèves du lycée Savorgnan de Brazza, afin de populariser le texte.
D’autres envisagent un clip collaboratif où musiciens de rumba, chorales paroissiales et rappeurs de Bacongo chanteraient chaque strophe dans leur langue maternelle. Le projet, encore embryonnaire, témoigne d’une envie de relier continents et quartiers autour d’une même aspiration pacifique.
Des salles de classe au terrain d’engagement
Au-delà de la poésie, certains pédagogues y voient un outil d’éducation civique. « Apprendre à déclamer ces vers, c’est apprendre à écouter l’autre », souligne la professeure Adèle Kimbembé. Elle a intégré le texte dans un module sur les valeurs républicaines.
Ainsi, l’ode de Diag-Lemba dépasse le cadre littéraire pour rejoindre celui des outils de médiation dans les établissements, les entreprises et même les brigades de sapeurs-pompiers.
