Une commémoration nationale au cœur de Makélékélé
Sous un ciel chargé d’émotion, le ministre de l’Assainissement urbain, du Développement local et de l’Entretien routier, Juste Désiré Mondélé, a déposé le 1er novembre une gerbe blanche au monument du cimetière public de Moukoundzi Ngouaka, dans le 1er arrondissement de Makélékélé, à Brazzaville.
La cérémonie, marquée par la sonnerie aux morts de la Force publique, s’inscrivait dans le rite républicain de la Toussaint, jour où les vivants viennent saluer ceux qui reposent et affirmer, par la présence des autorités, le lien inaltérable entre la Nation et ses disparus.
Au côté du ministre, l’administrateur-maire Bernard Batantou et plusieurs conseillers municipaux ont observé une minute de silence, rappelant, selon les mots de l’édile, que « se souvenir relève aussi du service public ». Des familles anonymes avaient, elles, déposé des roses tôt le matin.
La Toussaint, un temps de recueillement partagé
Juste Désiré Mondélé a salué « ces milliers de légendes et d’anonymes qui continuent de vivre parmi nous ». Pour le membre du gouvernement, la Toussaint conjugue dimension spirituelle et devoir civique : honorer les trajectoires individuelles tout en rappelant la communauté de destin qui unit les Congolais.
Il a rappelé que « chaque tombe raconte une partie de l’épopée nationale », invitant les jeunes générations à fréquenter ces lieux comme on feuillette un livre d’histoire. Le cimetière devient alors, selon lui, un creuset où se rencontrent croyances, récits familiaux et mémoire collective.
Dans l’allée principale, des étudiants de l’Université Marien-Ngouabi, venus pour un travail de terrain, expliquaient photographier les stèles abîmées afin de proposer un projet de restauration. « Conserver ces pierres, c’est prolonger nos racines », confiait Clémence, étudiante en histoire, le regard posé sur une croix de bois.
Le cimetière de Moukoundzi Ngouaka, un musée de mémoire vivante
Moukoundzi Ngouaka, ouvert en 1958, accueille désormais plus de 30 000 sépultures. Lieu de recueillement, il est aussi un repère urbain pour les habitants de Makélékélé, qui y voient une mémoire vivante du quartier, à l’image des avenues portant le nom de figures historiques.
Le ministre a souligné que les cimetières constituent « des musées de mémoire à ciel ouvert ». Autour des tombes coexistent art funéraire, anecdotes familiales, et fragments de la grande histoire nationale, permettant une transmission intergénérationnelle sans passerelle numérique, uniquement par le silence des pierres et la parole des guides.
Des artisans locaux, spécialisés dans la taille de marbre, profitent de cette période pour restaurer inscriptions et symboles religieux. L’atelier d’Henri Boukaka, présent depuis trois décennies à l’entrée sud, voit son carnet de commandes doubler chaque Toussaint, témoignant d’un attachement grandissant au patrimoine funéraire.
Jadot, héros du football congolais
Parmi les personnalités inhumées ici, le footballeur Germain Dzabana, surnommé Jadot, reste la plus adulée. Son palmarès avec l’équipe nationale, au début des années 70, suscite encore une ferveur populaire ; de jeunes supporters déposent chaque année un ballon rouge-vert-jaune sur sa tombe.
« Le parcours de Jadot inspire la jeunesse sportive congolaise », a rappelé le ministre, invitant fédérations et clubs à venir raconter son histoire sur place. Pour plusieurs enfants présents, ce pèlerinage constitue leur premier contact direct avec la légende d’un sport qu’ils ne connaissent qu’à la télévision.
Salubrité et patrimoine, un double engagement citoyen
La date du 1er novembre coïncidait cette année avec la Journée nationale de salubrité. Avant l’arrivée de la délégation ministérielle, agents municipaux, bénévoles associatifs et riverains avaient ratissé feuilles mortes, badigeonné bordures et évacué détritus, donnant au site un aspect ordonné qui frisait l’écrin cérémoniel.
Ces efforts collectifs ont été salués par Juste Désiré Mondélé, pour qui « embellir la dernière demeure des nôtres revient à embellir le pays tout entier ». L’administrateur-maire a promis de pérenniser ces opérations mensuelles de nettoyage, affirmant qu’elles créeront aussi des emplois occasionnels pour la jeunesse locale.
Sur le plan environnemental, la Direction départementale de l’assainissement envisage l’installation de bacs de tri sélectif à l’entrée du cimetière. Des séances de sensibilisation seront menées dans les écoles de Makélékélé pour inculquer les gestes écologiques et l’importance de préserver les sites mémoriels.
Un message d’unité et d’avenir
En clôture, le ministre a insisté sur la notion de destin partagé : « Tous les enfants de la patrie sont des héros et héroïnes de la Nation ». Les familles endeuillées, a-t-il ajouté, trouvent dans cette reconnaissance publique un réconfort qui dépasse les clivages sociaux ou religieux.
Brazzaville, ville-capitale, a ainsi fait de la Toussaint non seulement une journée de prière, mais un acte civique rassemblant autorités, citoyens et artistes autour d’un cimetière devenu lieu de transmission. L’an prochain, les organisateurs envisagent déjà un parcours guidé combinant histoire, patrimoine et sensibilisation à la salubrité.
Un chantier de numérisation des registres d’inhumation est également en préparation, porté par la mairie avec l’appui d’étudiants en informatique. L’objectif est de répertorier chaque tombe, faciliter les recherches des familles et constituer une base de données historique ouverte aux chercheurs.
D’ici là, les habitants sont invités à poursuivre l’entretien volontaire des allées. « La mémoire se cultive comme un jardin », glissait une doyenne venue nettoyer la pierre de son époux. Son message, repris par les hauts-parleurs du cimetière, a résonné comme une conclusion à la fois simple et collective.
