Une soirée diplomatique à Brazzaville
Lampes tamisées, rythmes polyphoniques et poignées de main franches ont donné le ton au cocktail dînatoire organisé au Radisson Blu, à Brazzaville, pour marquer le 102e anniversaire de la République turque. Plus de trois cents invités, diplomates, entrepreneurs et représentants de la diaspora, ont répondu présent.
La délégation gouvernementale congolaise, conduite par Denis Christel Sassou-Nguesso, ministre de la Coopération internationale et de la Promotion du partenariat public-privé, comptait notamment le ministre de la Défense Charles Richard Mondjo et le vice-amiral Jean-Dominique Okemba, secrétaire général du Conseil national de sécurité.
« Nous célébrons un siècle rempli de défis relevés et de progrès acquis ; notre ambition est désormais de multiplier les partenariats gagnant-gagnant en Afrique centrale », a déclaré l’ambassadeur Hilmi Ege Türemen devant un public attentif, rappelant que l’hospitalité congolaise offre « un terreau propice aux échanges ».
Les jalons historiques d’une République moderne
Le 29 octobre 1923, la Grande Assemblée nationale proclamait la République, tournant la page de l’Empire ottoman après une guerre d’indépendance conduite par Mustafa Kemal Atatürk. Aujourd’hui, la Türkiye, forte d’environ 90 millions d’habitants, se projette comme un pont stratégique entre Europe, Moyen-Orient et Asie centrale.
Cette position s’appuie sur une stabilité politique consolidée depuis deux décennies, une croissance économique régulière, ainsi qu’une industrialisation axée sur les technologies de défense, l’aéronautique, l’énergie et l’agro-alimentaire, secteurs que l’ambassadeur qualifie de « catalyseurs de coopération sud-sud ».
Ankara est membre de l’OTAN, du Conseil de l’Europe, des Nations unies et des États turciques, et s’emploie à la médiation dans plusieurs crises, de la mer Noire au Caucase en passant par le Proche-Orient, illustrant une diplomatie axée sur la paix.
Coopération Congo-Türkiye : bilan et perspectives
L’année 2025 marque également le 65e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques Congo-Türkiye, un jalon souligné par Denis Christel Sassou-Nguesso qui a salué « l’esprit de confiance mutuelle qui guide nos actions communes depuis six décennies », devant un parterre d’invités rappelant la constance des échanges politiques.
Depuis l’ouverture réciproque des ambassades en 2013 et 2014, la coopération a pris de l’ampleur : doublement des volumes commerciaux, accords dans les secteurs hydraulique, énergie solaire, construction routière et formation professionnelle, sans oublier l’appui turc au projet de Zone économique spéciale d’Ignié.
Au niveau politique, l’entretien entre les présidents congolais et turc en marge du sommet des BRICS à Kazan en 2024 a été suivi par une visite de travail du Premier ministre Anatole Collinet Makosso à Ankara, puis par la préparation d’un forum parlementaire devant se tenir dans la capitale turque.
Les experts réunis lors de la réception estiment que l’inclusion prochaine du port de Pointe-Noire dans la route maritime Turquie-Atlantique pourrait réduire les coûts logistiques jusqu’à 20 %, ouvrant la voie à davantage d’investissements croisés dans l’agro-industrie et la maintenance pétrolière.
Des passerelles humaines et culturelles solides
Au-delà des chiffres, les relations s’incarnent dans les parcours d’anciens étudiants congolais diplômés d’universités d’Ankara, d’Izmir ou de Bursa, venus témoigner de leur expérience devant les ministres. Ils disent avoir trouvé « un enseignement rigoureux doublé d’une grande ouverture culturelle », atouts qu’ils souhaitent réinvestir au pays.
Meylis Kadour, entrepreneur congolais de 34 ans, a fondé une start-up de panneaux solaires après cinq ans passés à l’université technique du Moyen-Orient. Il observe que « la synergie entre ingénieurs turcs et techniciens locaux accélère les transferts de compétences et l’employabilité des jeunes diplômés congolais ».
Sur le plan culturel, la semaine du film turc organisée chaque automne à l’Institut français de Brazzaville draine un public toujours plus nombreux, tandis que la tournée de l’ensemble folk Kardeş Türküler a fait salle comble l’an dernier au Mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza.
Un partenariat tourné vers l’avenir
Lors de son toast final, l’ambassadeur Türemen a exprimé le vœu d’intensifier les projets communs dans l’énergie verte, la défense civile et le numérique, « trois secteurs où nos savoir-faire sont complémentaires et où le Congo dispose d’un potentiel remarquable », a-t-il insisté.
Côté congolais, Denis Christel Sassou-Nguesso a renchéri, rappelant que la loi sur le partenariat public-privé ouvre des garanties juridiques nouvelles pour les investisseurs, et que la diversification économique demeure au cœur du Plan national de développement 2022-2026, un axe prioritaire.
Des groupes industriels turcs tels que Tosyali, Karpowership ou Kolin ont déjà manifesté leur intérêt pour de futurs appels d’offres concernant la réhabilitation des voies ferrées, l’électrification rurale et la production de matériaux de construction à base de clinker local à bas coût et durables.
Alors que s’éteignaient les derniers accords d’un orchestre de jazz, diplomates et chefs d’entreprise se sont quittés avec la promesse de se retrouver au premier trimestre 2026 pour un forum économique bilatéral, signe que la dynamique Congo-Türkiye continue de gagner en intensité.
Dans les couloirs, plusieurs participants ont évoqué la possibilité d’un accord de ciel ouvert entre Brazzaville et Istanbul, qui réduirait les temps de voyage et stimulerait le tourisme, dossier que les autorités disent vouloir finaliser avant la fin de l’année.
