Offensive sécuritaire inédite à Brazzaville
La traque des gangs dits « bébés noirs » et « kulunas » a changé d’échelle à Brazzaville depuis que le président Denis Sassou Nguesso a confié la coordination des opérations à la Direction générale de la sécurité publique, épaulée par la police et la gendarmerie.
Cette stratégie, déclenchée en mai 2025, repose sur des patrouilles mixtes, des points de contrôle mobiles et des interventions ciblées dans les quartiers réputés sensibles comme Ouenzé, Talangaï ou Makélékélé, où les habitants disent entendre enfin « la peur changer de camp ».
Des résultats déjà visibles sur le terrain
Dès les premières semaines, la D.G.S.P. annonce l’interpellation de plus de trois cents suspects, dont plusieurs figures réputées insaisissables. L’afflux de renseignements anonymes, acheminés via des numéros verts, témoigne d’une adhésion populaire rarement observée dans les opérations antérieures analogues au Congo-Brazzaville.
« Nous ressentons un souffle d’apaisement », commente Mireille, commerçante de la rue Marien-Ngouabi. Elle évoque la fermeture anticipée de son échoppe à la nuit tombée, devenue inutile. Autour d’elle, les groupes de jeunes armés de machettes ont disparu des abords des marchés sous surveillance.
Les opérations, relayées en temps réel sur les réseaux sociaux, montrent aussi des vérifications d’identité conclues par la libération immédiate de jeunes sans antécédent. Ces images rassurent les familles, soucieuses d’un équilibre entre fermeté nécessaire et respect des innocents dans tout Brazzaville et Poto-Poto.
Un dispositif soutenu au plus haut niveau
Pour intensifier la pression, plusieurs hélicoptères militaires assurent le transfert des présumés chefs de bande vers la capitale, évitant ainsi les embuscades routières. Sur les ondes, la D.G.S.P. rappelle que « chaque passager garde ses droits jusqu’au jugement » définitif attendu.
Le volet judiciaire suit le rythme. Des audiences spéciales, ouvertes au public, se tiennent désormais chaque semaine au tribunal de grande instance de Brazzaville. Les procureurs invoquent la flagrance pour accélérer les procédures, argument qui bénéficie d’un large soutien des associations de quartiers devenues vigiles.
Encadrement légal et droits humains
Si la fermeté séduit, certaines voix rappellent l’importance d’un cadre juridique explicite. Maître Clément Oba, avocat, note que « l’état de droit s’apprécie à la façon dont il traite même ceux qui lui portent atteinte ». Il préconise un texte législatif spécifique sur la répression.
Du côté gouvernemental, le ministère de la Justice assure travailler à une ordonnance précisant les conditions de fouille, de saisie et de destruction de biens issus d’activités criminelles, afin de « sécuriser l’action des forces » et de prévenir tout contentieux futur au plan national.
Les organisations de défense des droits humains, quant à elles, saluent la volonté d’encadrement mais souhaitent un mécanisme indépendant de plainte. « Il faut permettre aux citoyens de signaler d’éventuels dérapages sans crainte », plaide Carine Mabiala, coordinatrice d’un collectif d’ONG actif depuis vingt ans.
Prévention, éducation et réinsertion
Nombre d’observateurs soulignent également l’impact de la déscolarisation et de la consommation de stupéfiants sur la dérive de ces adolescents. À Makoua ou Dolisie, plusieurs mères reconnaissent que l’absence de structures d’accueil extrascolaires a laissé leurs fils livrés à eux-mêmes durant les vacances prolongées récemment.
Le gouvernement compte relancer, d’ici la rentrée, le centre de rééducation d’Aubeville, resté sous-utilisé faute de budget. Le ministre de la Jeunesse évoque un partenariat public-privé pour proposer ateliers de menuiserie, agriculture urbaine et formations numériques aux ex-membres de gangs désireux de se réinsérer pacifiquement.
Parallèlement, une campagne nationale de sensibilisation est lancée dans les écoles et sur les radios communautaires. Des artistes populaires, à l’image du rappeur Tonton B.G., prêtent leur voix pour rappeler que « les machettes ne construisent pas un avenir » durable pour la jeunesse congolaise.
Les psychologues alertent néanmoins sur le traumatisme vécu des deux côtés de la barrière. Les riverains, longtemps tétanisés, et les jeunes, exposés à la violence, auront besoin d’accompagnement. L’université Marien-Ngouabi prévoit un programme de suivi post-opération coordonné avec le ministère de la Santé dès 2026.
Vers une sécurité durable pour tous
À moyen terme, les autorités entendent cartographier les zones à risque pour déployer simultanément policiers, animateurs de quartier et recruteurs d’apprentissage. « Il faut opposer un boulevard d’opportunités au couloir de la délinquance », résume un conseiller du préfet de Brazzaville interviewé dans nos locaux.
De Makélékélé à Talangaï, les habitants restent vigilants mais reconnaissants. Les commerces rouvrent plus tard, les petites lignes de taxi-moto reprennent du service, et les terrains de football improvisés se remplissent à nouveau des rires d’enfants, prémices d’un retour à la normalité tant espéré doucement.
La lutte contre les « bébés noirs » ouvre donc un double chantier : rétablir la sécurité immédiate et bâtir des remparts sociaux durables. Pour beaucoup, la réussite dépendra de la capacité collective à conjuguer rigueur, justice et réinsertion au bénéfice de toute la République congolaise.
La mobilisation, saluée par de nombreux partenaires internationaux, livrera sa pleine mesure dans la durée.