Un chantier propreté inédit à Pointe-Noire
Depuis plusieurs jours, camions militaires et pelleteuses vert olive manœuvrent entre les étals de la capitale économique. Les équipes de la Direction générale des finances et de l’équipement (DGFE) viennent d’ouvrir une vaste opération d’assainissement destinée à effacer les décharges sauvages qui encombrent rues et marchés.
L’intervention répond à une instruction réitérée du président Denis Sassou Nguesso : rapprocher la force publique des préoccupations quotidiennes des citoyens. « Notre mission de protection s’étend au cadre de vie », insiste un chef de détachement rencontré avenue Charles-de-Gaulle.
La menace sanitaire s’était aggravée depuis l’arrêt brutal des collectes par la société Averda. Faute d’engins municipaux adaptés, les ordures s’étaient accumulées, formant de véritables collines malodorantes aux abords des quartiers populaires et des axes stratégiques.
Brazzaville : un précédent concluant
Avant de rejoindre la côte, les unités d’assainissement avaient déjà fait leurs preuves dans plusieurs arrondissements de Brazzaville. En trois semaines, près de 12 000 tonnes y avaient été évacuées, selon le colonel-major Michel Innocent Peya, directeur de la DGFE.
Ces résultats ont convaincu les autorités de répliquer la méthode à Pointe-Noire, épicentre économique où convergent chaque jour marchandises, travailleurs et touristes. « L’expérience brazzavilloise a montré la capacité de nos équipes à agir vite et bien », explique l’officier.
Le transfert d’expérience illustre la souplesse de la DGFE : ses ateliers d’ingénierie peuvent être déployés en 24 heures, avec matériels lourds, mécaniciens et cellules médicales d’appui, le tout sans peser sur les finances locales.
Une logistique militaire au service de la ville
Sous des bâches discrètes, la chaîne logistique de la DGFE aligne bennes, chargeurs frontaux et unités de maintenance. « La polyvalence militaire, c’est savoir changer un barbotin comme ramasser un sac plastique », sourit un technicien.
Les engins opèrent du lever au coucher du soleil, guidés par un état-major tactique qui répartit les secteurs en temps réel. Les flaques d’une pluie battante n’ont pas ralenti les manœuvres ; au contraire, elles ont souligné l’urgence de libérer les caniveaux pour éviter les inondations.
Cette capacité d’anticipation conforte les services municipaux, limités par des budgets contraints. La mairie de Pointe-Noire parle d’un « partenariat exemplaire » et salue la mise à disposition, sans surcoût, de matériels parfois introuvables sur le marché civil congolais.
Tié-Tié, premier quartier transformé
Le marché de la Liberté, au cœur de l’arrondissement Tié-Tié, illustre déjà la métamorphose. Là où s’élevaient des montagnes de détritus, les étals respirent à nouveau. Des commerçantes applaudissent le passage des camions ; certaines distribuent des bouteilles d’eau fraîche aux soldats de la propreté.
Madame Irène Bouanga, maire de Tié-Tié, se réjouit : « Grâce à l’appui du président de la République, du ministre de l’Intérieur Raymond Zéphyrin Mboulou et de la DGFE, nous redonnons dignité à nos administrés ».
Les deux premières journées ont permis d’évacuer plus de 1 800 tonnes de déchets, libérant trottoirs, caniveaux et accès aux écoles. Les conducteurs de taxis saluent aussi un gain de fluidité, précieuse dans une agglomération confrontée aux embouteillages.
Santé publique : un enjeu majeur en saison des pluies
L’opération ne se limite pas à l’esthétique urbaine. En période de pluies intenses, les tas d’ordures favorisent la prolifération de moustiques et la contamination de l’eau. « Chaque sac ramassé, c’est un risque hydrique de moins », rappelle le médecin-capitaine chargé de la surveillance sanitaire.
Le ministère de la Santé suit de près la courbe des maladies diarrhéiques. L’an dernier, des pics avaient coïncidé avec des ruptures de collecte. En coupant la chaîne de transmission, la DGFE espère contenir les flambées et réduire la pression sur les centres de soins.
Des séances de sensibilisation accompagnent les rotations de camions. Agents et bénévoles expliquent l’importance de tri rudimentaire et de dépôt aux points désignés, afin d’éviter la reconstitution de micro-décharges.
Sécurité et développement : une même dynamique
Au-delà des déchets, l’initiative préfigure une sécurité publique plus intégrée. Le commissaire colonel-major Peya parle d’« écosystème » où protection, infrastructures et développement urbain avancent de concert.
Cette doctrine s’inscrit dans la stratégie gouvernementale de modernisation des services publics, considérée comme un facteur de stabilité et de croissance. L’idée : répondre aux attentes concrètes – transport, hygiène, voirie – pour renforcer la confiance entre institutions et citoyens.
Devant l’enthousiasme populaire, la DGFE envisage d’élargir le périmètre aux quartiers périphériques et aux sites industriels. Les prochains détachements pourraient s’attaquer aux berges du Kouilou, afin de préserver mangroves et zone portuaire, indispensables à l’économie nationale.
