Une cité à la croisée des chemins
À plus de 300 kilomètres de Brazzaville, la ville frontalière de Mbinda, dans le département du Niari, porte encore les stigmates de sa glorieuse époque minière. Les habitants constatent aujourd’hui la fatigue visible de plusieurs infrastructures publiques construites il y a plus d’une décennie.
Derrière les murs fissurés de l’Hôtel de la préfecture et les étals délaissés du marché municipal, c’est toute l’activité de cette ancienne cité Comilog qui s’interroge sur son avenir, oscillant entre nostalgie, volontarisme local et attentes à l’égard des pouvoirs publics.
Mbinda face au vieillissement de ses infrastructures
Construit sous l’impulsion du plan national de modernisation des services territoriaux, l’Hôtel de la préfecture devait symboliser la présence de l’État. Le temps, l’humidité et l’intense saison des pluies ont cependant fragilisé charpentes et plafonds, compliquant le travail quotidien des agents administratifs.
Selon un agent rencontré sur place, « nous continuons de recevoir le public, mais la moindre averse rend les couloirs glissants ». La direction départementale des travaux publics assure avoir établi un devis pour rénover les toitures dès que les crédits budgétaires seront libérés.
Le marché municipal, un projet en quête de relance
À deux kilomètres du centre, le marché municipal, édifié en 2009 pour 7 533 280 F CFA, reste l’illustration la plus commentée de ce vieillissement. Imaginé pour accueillir 50 tables et huit boxes, le bâtiment n’a fonctionné qu’une quinzaine de jours avant d’être délaissé.
À l’époque, certains commerçants invoquaient l’éloignement du site par rapport aux quartiers les plus densément peuplés. D’autres pointaient la rumeur de « forces supra-physiques » qui auraient perturbé les premières ventes. Toujours est-il que les stands sont aujourd’hui couverts de poussière.
Le maire de Mbinda, Constant Mavoungou, reconnaît la situation mais nuance : « Le marché n’a jamais été fermé administrativement. Nous préparons avec les chefs de quartiers un plan d’animation pour ramener les forains, améliorer l’éclairage et renforcer la sécurité la nuit ».
Les riverains entre attentes et initiatives solidaires
Malgré les contraintes, la vie communautaire ne s’est pas arrêtée. Chaque mercredi, un marché informel se tient aux abords de l’ancienne gare, preuve de la capacité d’adaptation des habitants. Les femmes y proposent manioc, poisson fumé, légumes des jardins et tissus venus de la frontière gabonaise.
Des associations de jeunes ont profité de ces regroupements pour organiser des opérations « coup de balai » et nettoyer les abords du marché officiel, espérant faciliter sa réouverture. « Nous montrons que la population est prête », explique Dieudonné Boukanga, président du collectif Voix de Mbinda.
Des signaux encourageants des autorités locales
Les autorités départementales rappellent que la réhabilitation des équipements publics figure au chapitre investissement du budget 2024, adopté en session du conseil départemental. Priorité est donnée au renforcement des services de proximité et au soutien des activités génératrices de revenus pour relancer l’économie locale.
Un ingénieur des travaux publics, en mission de diagnostic à Mbinda début mars, précise que « les premiers matériaux sont déjà acheminés jusqu’à Mossendjo. Dès la stabilisation des pistes, nous engagerons la pose d’une nouvelle toiture en tôle bac pour la préfecture ».
Parallèlement, le ministère du Commerce envisage d’accompagner les vendeurs à travers des microcrédits et des formations sur l’hygiène alimentaire. L’objectif est de transformer le marché municipal en pôle de distribution agricole capable d’irriguer les cantines scolaires du Niari.
Le préfet du Niari, en visite de travail le mois dernier, a souligné devant la presse locale que « les efforts consentis par l’État pour les localités frontalières doivent être visibles dès 2024 ». Une enveloppe complémentaire pourrait être mobilisée via le Fonds routier.
Quels leviers pour redynamiser l’ancienne cité Comilog
Mbinda garde des atouts stratégiques, notamment sa position sur l’axe Brazzaville–Franceville et la proximité du futur port sec de Dolisie. Plusieurs opérateurs logistiques envisagent déjà d’y établir des escales, promesse de nouveaux flux de marchandises et d’emplois indirects.
Pour capter ces opportunités, la mairie propose un partenariat public-privé afin de construire un hangar polyvalent jouxtant l’actuel marché. Cette structure servirait de halle de gros, d’espace culturel en soirée et de point de collecte pour les producteurs ruraux alentour.
L’administrateur-maire observe que « la réhabilitation n’est pas qu’une affaire de briques. Il nous faut bâtir un écosystème où l’agriculteur, le transporteur et le commerçant trouvent chacun leur intérêt ». Un appel entendu par l’ONG française ESSOR, qui propose un accompagnement technique.
À court terme, les habitants souhaitent surtout voir se concrétiser les travaux annoncés et retrouver un marché digne de ce nom. « Nous ne voulons plus aller à Lékoko pour acheter trois tomates », sourit Viviane Mboungou, vendeuse de légumes, convaincue de la relance prochaine.
Observer ces gestes concrets, c’est nourrir l’espoir d’une économie de proximité retrouvée. Car au-delà des murs, chaque réfection offre à Mbinda l’opportunité de redevenir la porte d’entrée commerciale qu’elle fut jadis, tout en consolidant la cohésion de sa population.
