Neuf visages pour une même ambition
Le grand salon du ministère des Finances, avenue Foch à Brazzaville, a réuni mercredi 5 novembre responsables, partenaires et syndicats pour assister à l’installation officielle des neuf nouveaux directeurs centraux de la Direction générale des douanes et droits indirects.
Albert Raphaël Dirat, Camille Pea Menga Bongou, Alain Sambila, Jean Richard Ngouala, Laetitia Kakou, Patricia Lydie Oyo Ebatha Franck, Roger Xavier Okola, Fatima Raïssa Garcia et Jean-Pierre Bassadila héritent chacun d’un portefeuille stratégique, de l’audit interne au renseignement.
Ils ont été nommés par décret du Premier ministre signé le 31 octobre, dans un contexte où la mobilisation des ressources intérieures reste décisive pour financer les dépenses sociales et soutenir les grands chantiers du Plan national de développement.
En renouvelant la garde rapprochée de la DGDDI, le gouvernement veut insuffler « une dynamique de résultats mesurables », souligne un proche du dossier, rappelant que les douanes représentent jusqu’à 30 % des recettes budgétaires hors pétrole.
Un défi fiscal crucial
À l’heure où les cours des matières premières fluctuent, les recettes non pétrolières deviennent le socle de la stabilité financière nationale, explique l’économiste Sylvestre Oba, qui voit dans ce remaniement « une étape essentielle pour sécuriser l’assiette douanière ».
Le directeur de cabinet, Paul Malié, rappelle que « chaque franc rapatrié grâce à la douane, c’est une classe construite ou un poste de santé équipé », insistant sur la corrélation directe entre civisme fiscal et politique sociale.
La nouvelle équipe devra donc optimiser la chaîne de contrôle, mieux exploiter le renseignement commercial et lutter contre la sous-facturation, des pratiques qui privent régulièrement le Trésor public de ressources évaluées à plusieurs dizaines de milliards.
Professionnalisme et rigueur au premier plan
Lors de la cérémonie, Paul Malié a exhorté les nouveaux responsables à la disponibilité et à la discipline administrative, des qualités qu’il juge indispensables « pour faire de la DGDDI une vitrine de l’administration congolaise ».
Le directeur des opérations douanières, Alain Sambila, promet déjà une présence renforcée sur les corridors routiers pour fluidifier le transit et limiter les points de fuite, tout en veillant au respect des délais de dédouanement.
Du côté de l’audit interne, Albert Raphaël Dirat entend mettre l’accent sur le suivi post-dédouanement afin de décourager les fraudes a posteriori, une pratique encore marginale mais dont il redoute la progression avec l’intensification des échanges.
Fatima Raïssa Garcia, nouvelle directrice des ressources humaines, insiste sur la formation continue ; elle veut « rendre chaque agent capable d’utiliser les outils numériques et de dialoguer avec les usagers dans un esprit de service public renouvelé ».
Cap sur la digitalisation des procédures
La Douane congolaise dispose déjà de Sydonia World, plateforme automatisée développée avec l’appui de la CNUCED ; l’arrivée de Laetitia Kakou aux systèmes d’information doit accélérer l’interconnexion avec les banques et les opérateurs portuaires.
Celle-ci annonce le déploiement d’un portail unique, accessible sur mobile, permettant aux importateurs de suivre en temps réel l’avancement des formalités, de payer en ligne et de recevoir une notification dès la mise sous douane.
Pour Jean-Pierre Bassadila, chargé du renseignement et de la valeur, la digitalisation favorise aussi l’analyse de risques : « Avec la data, nous ciblons mieux les conteneurs suspects et nous réduisons les contrôles sur les marchandises à faible risque ».
Vers un service plus proche des opérateurs
Le Conseil congolais des chargeurs salue un « signal positif » en faveur de la facilitation du commerce, rappelant que chaque journée gagnée sur la procédure réduit les coûts logistiques de près de 0,5 % pour les petites entreprises.
Roger Xavier Okola, nouveau patron des finances et de l’équipement, veut renforcer la disponibilité des scanners et des balances afin d’éviter les immobilisations de camions devant les postes frontaliers, principal grief formulé par les transporteurs.
Patricia Lydie Oyo Ebatha Franck, confirmée à la communication, prévoit une présence accrue sur les réseaux sociaux pour expliquer la réglementation et répondre aux questions en moins de 24 heures, « parce qu’un investisseur ne peut attendre ».
Un signal fort pour la mobilisation des recettes
En réunissant des profils expérimentés et des compétences technologiques, la Douane congolaise se donne les moyens d’atteindre les 600 milliards de recettes visés en 2025, un objectif réaliste selon plusieurs analystes financiers interrogés.
Le climat économique s’annonce plus porteur, avec une croissance projetée à 4,3 % et la montée en puissance du corridor Pointe-Noire–Brazzaville, mais la discipline douanière restera l’indicateur scruté par les partenaires techniques.
« Nous n’avons pas droit à l’erreur », confie Jean Richard Ngouala, désormais responsable de la réglementation et du contentieux, qui entend réduire les litiges en privilégiant la conciliation rapide avec les opérateurs de bonne foi.
Les mois à venir diront si cette recomposition interne produit les effets attendus, mais le signal envoyé à la communauté d’affaires est clair : l’État veut des recettes, et il compte sur une douane modernisée pour les garantir.
La présidence du comité interministériel de suivi de la réforme douanière devrait se réunir en décembre pour évaluer les premiers indicateurs.
