Arrestation éclair à Nkayi
Ce 28 octobre 2025, la chaleur matinale n’a pas découragé les gendarmes postés près de la gare de Nkayi, dans la Bouenza. Alertés par un renseignement anonyme, ils surveillent un homme portant une étrange caisse en bois aérée.
Quelques minutes plus tard, l’individu, la quarantaine passée, lève le couvercle pour montrer son contenu à un potentiel acheteur. Les forces de l’ordre interviennent immédiatement et découvrent un bébé chimpanzé hagard, agrippé aux planches, les yeux rougis par le stress.
Un bébé chimpanzé au cœur du trafic
Selon le procès-verbal, l’animal a environ six mois. Le suspect admet l’avoir capturé deux mois plus tôt dans la forêt de Kindamba, dans le Pool, après que la mère eut été tuée lors d’une chasse illégale à la viande de brousse.
Pour maintenir en vie sa précieuse marchandise, l’homme le nourrissait de bananes et d’eau sucrée, mais le petit primate montrait déjà des signes de déshydratation et de malnutrition. « Il n’aurait pas tenu longtemps », confie un agent de l’Economie forestière.
La réponse rapide des autorités congolaises
L’opération a mobilisé la gendarmerie de Bouenza, les inspecteurs forestiers et le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage, le PALF. Ce partenariat public-privé existe depuis plus d’une décennie pour renforcer le dispositif national de lutte contre le braconnage.
« Nous avons reçu le signalement avant l’aube et coordonné la saisie avec nos collègues de Nkayi », précise le commandant Hervé Ngakala. Il se félicite de l’arrestation, rappelant que la loi congolaise protège intégralement l’espèce et prévoit des peines exemplaires.
Les sanctions prévues par la loi
Le Code forestier et la loi 37/2008 stipulent qu’importer, exporter, détenir ou vendre un chimpanzé sans autorisation spéciale constitue un délit. Les tribunaux peuvent prononcer jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 5 000 000 F CFA d’amende, sanctions que risque aujourd’hui le prévenu.
Maître Irène Ibala, avocate au barreau de Brazzaville, souligne que la jurisprudence devient plus sévère : « Les juges considèrent désormais le trafic d’espèces protégées comme une atteinte au patrimoine national. Les condamnations fermes se multiplient, ce qui dissuade certains réseaux ».
Le sanctuaire de Tchimpounga à la rescousse
Le bébé chimpanzé a déjà été transféré par route jusqu’au sanctuaire de Tchimpounga, géré par l’Institut Jane Goodall dans le Kouilou. Sur place, vétérinaires et soigneurs le placent en quarantaine afin de traiter d’éventuelles maladies et de réduire son anxiété.
« Nos objectifs sont doubles : sauver l’individu et le préparer à retrouver la nature », explique Dr Sylvie Makosso, directrice adjointe. Le primate sera ensuite intégré à un groupe d’orphelins de son âge, étape cruciale pour réapprendre les codes sociaux des chimpanzés.
Les enjeux de la protection des primates
Les scientifiques estiment qu’il reste moins de 150 000 chimpanzés d’Afrique centrale à l’état sauvage. En République du Congo, les populations sont concentrées dans la cuvette et le Mayombe, mais leurs habitats se morcellent sous l’effet des plantations, des routes et de l’exploitation forestière.
Le ministère de l’Economie forestière mise sur la surveillance participative, invitant les communautés rurales à signaler les pièges ou les ventes clandestines. « Chaque villageois devient un protecteur potentiel de la faune », rappelle un récent communiqué relayé sur Radio Congo.
Didier Banga, coordinateur du PALF, remarque toutefois que la demande internationale demeure forte. Les bébés chimpanzés se vendent jusqu’à 10 000 dollars sur des marchés asiatiques. « Briser la chaîne commerciale nécessite de saisir chaque maillon, du braconnier au négociant ».
À Brazzaville, le Groupe d’experts sur la biodiversité prépare un guide scolaire illustré, destiné aux classes de CM2, pour sensibiliser dès le plus jeune âge à la richesse des primates du pays. Le matériel sera distribué avant la prochaine rentrée.
Au cœur de Nkayi, la nouvelle a rapidement circulé sur les réseaux sociaux. De nombreux internautes saluent l’intervention des autorités et partagent des messages de soutien au sanctuaire. D’autres rappellent que l’adoption d’animaux sauvages est interdite et dangereuse pour l’équilibre écologique.
Les prochains jours seront décisifs pour la santé du jeune chimpanzé, encore fragile. Les vétérinaires espèrent qu’il retrouvera un poids normal avant d’entamer une longue phase de réhabilitation, pouvant durer jusqu’à cinq ans avant une réintroduction contrôlée.
Pour le commandant Ngakala, chaque sauvetage constitue « un message clair adressé aux trafiquants : la République du Congo ne tolère pas la criminalité faunique ». Il encourage la population à continuer de dénoncer, rappelant que l’anonymat des informateurs est garanti.
Dans la gare, la caisse en bois vide rappelle désormais une victoire modeste mais symbolique. Un primate de six mois a échappé au commerce illicite et un homme devra répondre de ses actes. Pour les défenseurs de la nature, chaque victoire compte.
Le public peut également contribuer en refusant l’achat de souvenirs faits d’os ou de peaux de primates, rappelle la campagne « Zéro trafic » lancée cette année par le ministère du Tourisme. Responsabilité individuelle et mobilisation collective restent indissociables pour sauver l’espèce.
