Salubrité Pointe-Noire : un défi sanitaire
Depuis quelques semaines, Pointe-Noire fait face à une accumulation inédite d’ordures ménagères. Tas nauséabonds aux carrefours, fossés obstrués, moustiques en essaim : les habitants redoutent autant les maladies que l’image ternie de la capitale économique.
La suspension des services de la société Averda, conjuguée au démarrage encore timide du nouvel opérateur Albayrak, a brusquement rompu la chaîne de collecte. Dans chaque arrondissement, des dépotoirs improvisés prolifèrent et la saison des pluies accentue la désagrégation des détritus.
L’unité d’assainissement DGFE se mobilise
Face à cette urgence visible, le Colonel major Michel Innocent Peya, directeur général des Finances et de l’Équipement de la Police et de la Gendarmerie, a ordonné le déploiement de l’Unité d’assainissement et de protection de l’environnement créée début 2025.
En moins de vingt-quatre heures, pelleteuses, camions à benne, balayeuses et motopompes ont quitté les ateliers de la DGFE pour rejoindre la ville océane. Cette capacité de projection rapide illustre la polyvalence d’un service souvent perçu comme purement administratif.
Marché de la Liberté transformé
Premier site traité, le marché de la Liberté, dans le troisième arrondissement Tié-Tié, était auparavant enseveli sous trois mètres de sacs plastiques et de restes alimentaires. Après deux jours d’opération, les étals réapparaissent et l’air redevient respirable.
« Nous pensions que personne ne viendrait, puis les camions kaki sont arrivés », confie Mama Thérèse, vendeuse de légumes. Pour témoigner leur reconnaissance, des riverains ont offert des bouteilles d’eau fraîche aux agents en tenue, visiblement touchés par cet accueil.
Logistique militaire au service de la ville
Derrière la visibilité des engins, une organisation militaire : repérage des points noirs, affectation des équipes, rotation des bennes, contrôle mécanique en fin de tournée. La DGFE peut mobiliser simultanément plusieurs détachements d’ingénierie civile et maintenir le dispositif autant que nécessaire.
La fluidité de la circulation figure parmi les gains immédiats. Une avenue dégagée signifie des bus moins embourbés, des ambulances plus rapides et des commerçants qui retrouvent leurs clients. L’assainissement devient ainsi un levier économique, en plus de son impact environnemental évident.
Assainissement et santé publique
Avec le retour régulier des averses, amas d’ordures et flaques contaminées favorisent choléra ou typhoïde. En retirant ces gîtes microbiens, l’Unité d’assainissement agit comme une barrière de santé publique, complémentaire aux actions du ministère de la Santé.
À Ngoyo, certains habitants brûlaient déjà les détritus entassés sous les pylônes haute tension, au risque de provoquer des coupures majeures. L’intervention rapide de la DGFE a permis d’évacuer ces déchets inflammables et d’éviter d’éventuelles perturbations électriques.
Une action qui s’aligne sur la vision présidentielle
L’opération s’insère dans la feuille de route présidentielle faisant de la modernisation des services publics un vecteur de stabilité. « La force publique doit répondre aux besoins concrets de la population », rappelait encore le chef de l’État lors du dernier Conseil des ministres.
La maire de Tié-Tié, Lucie Mavoungou, a salué « un geste fort qui redonne confiance aux citoyens ». Elle a remercié le président, le ministre de l’Intérieur Raymond Zéphyrin Mboulou et le colonel-major Peya pour leur réactivité face à la crise.
Pédagogie et participation citoyenne
Pour la DGFE, l’enlèvement d’ordures constitue aussi une action de pédagogie civique. Les équipes sensibilisent sur le tri, rappellent l’interdiction de jeter dans les caniveaux et encouragent la formalisation d’associations de quartier chargées de la propreté.
Des opérations semblables avaient été conduites à Brazzaville l’an dernier, notamment autour des marchés Total et Moungali. Les retours d’expérience ont permis d’améliorer l’itinéraire des camions et la fréquence des tournées pour éviter le retour trop rapide des déchets.
Instaurée par le décret du 21 février 2025, l’Unité d’assainissement a vocation à intervenir au-delà des casernes lorsque les communautés le demandent. Ce cadre juridique clarifie la coopération entre mairies, district sanitaire et forces de sécurité.
Synergies pour un modèle durable
En combinant discipline policière et savoir-faire mécanique, la DGFE montre que la sécurité intérieure englobe aussi la qualité de l’environnement. Cette approche intégrée correspond aux attentes des jeunes citadins, sensibles à la fois au climat et à l’emploi local.
À travers la campagne de Pointe-Noire, l’État réaffirme qu’un cadre de vie propre n’est pas un luxe, mais un droit commun. Les prochaines étapes prévoient l’installation de points de collecte permanents et le renforcement du suivi communautaire pour pérenniser les acquis.
Des entreprises pétrolières de la côte se sont dites prêtes à fournir carburant, gants et masques. Selon la Chambre de commerce, un protocole de partenariat public-privé devrait être signé afin de garantir, sur douze mois, l’approvisionnement continu de la flotte de collecte.
Parallèlement, la DGFE projette de former cent jeunes volontaires aux gestes techniques de tri et au maniement sécurisé des engins. Ces stagiaires, recrutés dans chaque quartier, constitueront un vivier de compétences locales et renforceront le sentiment d’appartenance à la solution.
Dernier axe envisagé, la transformation des déchets organiques en compost utilisable par les maraîchers de Hinda et Loango. Un projet pilote, soutenu par l’Agence congolaise de l’environnement, devrait démarrer dès janvier pour boucler la boucle d’une gestion circulaire des ordures.
