Un appel à la retenue face aux tensions sociales
Le 7 novembre, dans une salle pourtant habituée aux débats sereins, le président du Sénat, Pierre Ngolo, a choisi un ton direct. Face aux représentants des associations de retraités de la fonction publique, il a demandé de « privilégier la sagesse » plutôt que le bras-de-fer.
L’initiative intervient dix jours avant les sit-in que les organisations avaient annoncés devant la Primature et les gouvernorats. Selon le président de la Haute chambre, le contexte financier national appelle au pragmatisme. « Si les sages cassent, les jeunes feront pire », a-t-il averti.
Les doléances d’un tiers-âge inquiet
Les responsables de l’Union pour la défense des intérêts des retraités, de la Coordination nationale et de la Fédération des associations regroupées autour de la Caisse de retraite des fonctionnaires (CRF) ont rappelé leurs difficultés. Le retard de paiement atteint, selon eux, cinquante mois pour certains pensionnés.
« Nous ne demandons pas de faveur, seulement notre dû », a témoigné Eugène Bakoula, porte-voix de l’UDIR-CRF. Il souligne que malgré plusieurs courriers, « aucun membre de l’exécutif ne nous a reçus ». Ce sentiment de mise à distance nourrit le projet de mobilisation.
Au-delà de l’argent, c’est une question de respect, confie une veuve rencontrée à la sortie. « Beaucoup de collègues dépendent de la solidarité familiale. Or nos enfants aussi traversent une période difficile. » Ces mots révèlent la dimension humaine du dossier.
Un dialogue institutionnel en construction
En réponse, Pierre Ngolo a rappelé la mission institutionnelle du Sénat, relais entre le pouvoir exécutif et les territoires. Il a proposé la création rapide d’un canal de concertation tripartite associant parlementaires, ministères concernés et représentants des retraités pour suivre l’évolution des versements de pensions.
« Faites-nous confiance et cherchons ensemble », a-t-il insisté, citant la nécessité de « ne pas fracturer la cohésion sociale ». Selon des sources proches du dossier, une première table ronde pourrait se tenir avant la fin de l’année, sous l’égide de la Commission des finances.
Les associations ont accueilli l’idée avec prudence mais sans hostilité. « Nous suspendons notre action, pas notre vigilance », glisse un militant. Le pas de côté décidé reflète une volonté d’éviter les tensions dans une capitale déjà confrontée à un quotidien économique contraint.
Le cadre budgétaire à l’horizon 2026
Sur le plan budgétaire, l’échéance cruciale reste le débat sur la loi de finances 2026, en cours d’examen au Parlement. Les syndicats souhaitent que la question des arriérés figure explicitement dans le rapport général, afin d’asseoir un calendrier de remboursements progressifs.
Pour le président du Sénat, la priorité est de « maintenir l’équilibre entre les urgences sociales et la soutenabilité de la dette publique ». Les recettes pétrolières, moteur traditionnel, sont jugées fluctuantes. D’où l’appel répété à la patience, le temps de consolider les prévisions chiffrées.
Des analystes financiers estiment qu’un tel rattrapage représente plusieurs dizaines de milliards de francs CFA. Un conseiller parlementaire confie qu’un étalement sur trois exercices est envisageable. Les partenaires bailleurs seraient consultés pour sécuriser la trésorerie sans grever les autres engagements.
Les pistes de sortie de crise évoquées
En attendant, des mesures transitoires sont à l’étude. Parmi elles, la priorisation des pensionnés les plus âgés et la simplification des attestations de vie, souvent source de délais. Un groupe de travail devrait rendre ses conclusions au Premier ministre dans les prochaines semaines.
Les associations plaident également pour l’automatisation des flux entre la Solde, la Direction du budget et la CRF. « Nous voulons un système où la retraite devient un droit fluide, pas un parcours du combattant », souligne un ancien professeur, qui dit garder foi en la modernisation numérique.
Le ministère des Finances salue de son côté « un climat de dialogue constructif ». Ses techniciens affirment qu’une plateforme de suivi des paiements, accessible aux retraités, est en phase pilote. Elle doit permettre de vérifier, en temps réel, l’état d’avancement des ordres de virement.
La voix des retraités entre patience et espoir
Pour nombre de retraités, la décision de surseoir au sit-in ressemble à un pari. « Nous laisserons la chance aux discussions, mais nous ne disparaîtrons pas », prévient Eugène Bakoula. L’orateur insiste sur la dignité des aînés, « ciment de la nation », qu’il veut voir préservée.
Le gouvernement, via le Sénat, s’est engagé à publier un premier point d’étape début février. D’ici là, les associations promettent de continuer à sensibiliser l’opinion, mais sans manifestation de rue. Une accalmie bienvenue alors que les fêtes de fin d’année approchent.
En coulisses, plusieurs parlementaires y voient le signe que les institutions savent encore créer des passerelles entre revendications et responsabilité. « C’est aussi cela la force de notre démocratie apaisée », glisse l’un d’eux. Les prochains mois diront si l’optimisme est fondé.
