Un rendez-vous continental à Kintélé
Sous un ciel humide de l’aube équatoriale, les délégations ont gagné, le 31 octobre 2025, le Centre de conférences de Kintélé. La commune voisine de Brazzaville accueillait la 25ᵉ session du Conseil exécutif de l’Organisation des producteurs de pétrole africains, bientôt suivie, le 4 novembre, de la 48ᵉ réunion ministérielle.
Pendant cinq jours, chefs de missions, experts et décideurs ont planché sur les grands équilibres du marché, les partenariats Sud-Sud et la transition énergétique. Dans les couloirs, la même phrase revenait : « le pétrole africain parle d’une seule voix ici », confie un cadre nigérian, sourire en coin.
Côte d’Ivoire aux commandes de l’Appo 2026
Au terme des discussions, la présidence tournante pour 2026 a été confiée à la Côte d’Ivoire. Ministre des Mines, du Pétrole et du Gaz, Mamadou Sangafowa-Coulibaly succède ainsi au Congolais Bruno Jean-Richard Itoua, salué pour avoir conduit l’organisation durant une année dense.
La vice-présidence revient à la République démocratique du Congo, portée par la ministre d’État en charge des Hydrocarbures, Acacia Bandubola Mbongo. « Notre ambition est de fortifier la coopération régionale pour que chaque citoyen profite des ressources », a-t-elle déclaré, sous les applaudissements.
Une Banque africaine de l’énergie bientôt opérationnelle
Dans son discours d’ouverture, Bruno Jean-Richard Itoua a rappelé que 70 % des 500 millions de dollars nécessaires au capital initial de la Banque africaine de l’énergie sont déjà mobilisés. « Le bâtiment est achevé à plus de 90 % ; le décollage effectif interviendra avant fin d’année », a-t-il assuré.
Le projet, lancé en 2018, vise à financer des infrastructures régionales, des raffineries vertes aux réseaux d’hydrogène, pour réduire la fuite des capitaux et accélérer la valeur ajoutée locale. Plusieurs pays, dont l’Algérie et le Nigeria, ont déjà confirmé leur participation au tour de table.
De source proche du secrétariat, les premiers projets éligibles pourraient être présentés dès le premier trimestre 2026. Les observateurs y voient un signal de confiance pour un secteur confronté aux fluctuations du baril, mais aussi aux attentes croissantes en matière de développement durable.
Un mandat salué pour le secrétariat sortant
Le secrétaire général sortant, le Nigérian Dr Omar Farouk Ibrahim, achève un mandat entamé en 2020, marqué par la pandémie de Covid-19. « Nous avons rendu à l’Appo sa crédibilité internationale », a-t-il souligné, évoquant la présence plus soutenue de l’organisation dans les grands forums.
Son bilan positif a été unanimement salué par les ministres. Bienvenu Essé Kouamé, rapporteur du Conseil exécutif, a insisté sur « la nécessité de placer l’intérêt collectif au-dessus des considérations nationales », mot d’ordre selon lui partagé par l’ensemble des treize États membres durant cette séquence brazzavilloise.
Dans la foulée, l’Algérien Farid Ghezali a été désigné secrétaire général pour 2026-2028. Économiste de formation, ancien cadre de Sonatrach, il promet de poursuivre la réforme institutionnelle et de « consolider l’articulation entre hydrocarbures et énergies nouvelles sans sacrifier l’emploi ».
Le Congo consolide sa diplomatie pétrolière
Le choix de Kintélé n’est pas anodin. Avec son complexe ultramoderne et sa proximité immédiate de l’aéroport Maya-Maya, la localité devient un hub de la diplomatie économique congolaise. La tenue couplée des réunions statutaires et du Salon africain sur le contenu local l’a rappelé.
Du 4 au 7 novembre, le Cecla 2025 a rassemblé industriels, start-up et universités autour d’innovations destinées à augmenter la part des entreprises africaines dans la chaîne de valeur pétrolière. Les ateliers très suivis sur la formation ont mis en lumière l’expertise congolaise grandissante.
Pour le ministre congolais, ces rencontres constituent « un jalon de plus dans la quête d’une souveraineté énergétique partagée et inclusive ». Plusieurs conventions de coopération ont d’ailleurs été signées en marge du salon, notamment dans la maintenance des pipelines et la certification des compétences locales.
Les experts voient dans ce double événement la confirmation de l’influence grandissante du Congo-Brazzaville sur la scène énergétique africaine. Le pays, quatrième producteur subsaharien de brut, multiplie depuis deux ans des initiatives visant à diversifier l’amont pétrolier et à préparer l’après-pétrole.
Pour Mamadou Sangafowa-Coulibaly, la feuille de route 2026 passera par une montée en puissance du contenu local et une meilleure intégration des énergies renouvelables. « L’Afrique doit transformer son pétrole chez elle et investir les recettes dans le solaire, l’éolien et l’hydrogène », a-t-il précisé.
Le nouveau président entend également renforcer la coopération avec l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et les institutions climatiques, afin de positionner l’Appo comme pont entre exigences environnementales et réalités de développement. Un exercice d’équilibriste que les délégations jugent indispensable.
En refermant les portes du Centre de conférences, les participants se sont donné rendez-vous l’an prochain à Abidjan. D’ici là, le secrétariat promet de publier un rapport d’étape dès janvier. Les capitales pétrolières suivront de près une dynamique qui, toutes le disent, vient de prendre une nouvelle accélération.
