Une nomination qui reflète la priorité nationale
Dans la cour du ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’alphabétisation, les applaudissements ont résonné le 7 novembre 2025. Le décret présidentiel daté du 3 novembre est désormais appliqué : Remy Alain Blaise Boumba devient officiellement directeur général de l’alphabétisation et de l’éducation non formelle.
Face aux cadres et agents rassemblés, le ministre Jean-Luc Mouthou a salué « un homme de terrain, familier des réalités de nos salles de classe ». Pour le membre du gouvernement, cette nomination s’inscrit dans la volonté présidentielle de donner un nouvel élan au vaste chantier de l’alphabétisation.
Un parcours forgé dans les salles de classe
Né le 3 juin 1964 à Boko-Songho, dans la Bouenza, Remy Boumba a commencé comme professeur certifié de français avant d’escalader un à un les échelons : inspecteur itinérant, directeur de l’orientation et des œuvres scolaires, puis patron de la direction de l’alphabétisation des adultes.
Son parcours syndical a également marqué les esprits. Acteur de la fondation du SYNEER et du Collège syndical de l’enseignement, il a défendu l’égalité des chances pour les enseignants tout en construisant une solide réputation de négociateur mesuré, capable de rapprocher les positions divergentes.
Des distinctions qui renforcent la légitimité
Le parcours de l’enseignant a déjà été reconnu au plus haut niveau. En août 2010, il a été fait chevalier dans l’Ordre du dévouement congolais, une décoration qu’il qualifie de « rappel permanent à servir sans relâche ».
Cette légitimité institutionnelle renforce son pouvoir de mobilisation auprès des partenaires techniques et financiers, estiment plusieurs observateurs. « Lorsqu’un dirigeant est décoré, il inspire confiance, et la confiance reste la condition première pour attirer de nouveaux financements », analyse l’économiste Firmin Okoumba.
Quatre axes stratégiques pour un nouveau départ
À la tribune, le nouveau DGAENF a décliné une feuille de route articulée autour de quatre axes. Première priorité : refonder le cadre stratégique afin d’aligner les programmes d’alphabétisation sur les besoins économiques actuels et sur la Stratégie nationale de développement.
Deuxième volet, la professionnalisation des dispositifs d’éducation non formelle : l’objectif est de passer d’initiatives souvent informelles à de véritables cursus qualifiants, avec des référentiels communs et un suivi rigoureux des apprenants, notamment dans les zones rurales et périurbaines.
Troisième pilier, la gouvernance et la performance institutionnelle nécessitent, selon lui, une gestion plus numérisée, depuis la statistique des bénéficiaires jusqu’à la répartition des manuels. Enfin, le quatrième axe mise sur le partenariat, tant avec les collectivités qu’avec les bailleurs et les ONG spécialisées.
Des attentes fortes du ministère et du terrain
Le ministre Jean-Luc Mouthou a rappelé que près d’un demi-million d’adultes demeurent encore éloignés du savoir lire et écrire. « Nous avons le devoir moral d’ouvrir la porte de la connaissance », a-t-il insisté, invitant la nouvelle équipe à travailler avec une rigueur « digne des attentes populaires ».
Dans les couloirs du ministère, plusieurs techniciens reconnaissent déjà la « capacité d’écoute » du nouveau DGAENF. « Il touche souvent son téléphone pour noter aussitôt une suggestion », raconte une conseillère pédagogique, convaincue que cette réactivité contribuera à raccourcir les délais de validation de manuels et de budgets.
Sur le terrain, les associations communautaires attendent aussi des plateformes participatives. « Les comités villageois doivent être associés aux choix des modules », plaide Didier Massamba, responsable d’un centre d’alphabétisation à Kintélé, qui souhaite une meilleure harmonisation des calendriers pour éviter les périodes agricoles de pointe.
Cap sur une alphabétisation inclusive
Pour Remy Boumba, l’alphabétisation doit devenir un levier de cohésion. Il souligne que la prochaine enquête nationale sur les compétences de base intégrera désormais un indicateur genre, afin d’identifier précisément les écarts persistants entre femmes et hommes dans l’accès aux cours du soir.
Le DGAENF mise aussi sur le numérique. Un projet pilote d’application mobile permettra, dès 2026, aux apprenants d’exercer la lecture via des textes audio et de réviser les leçons grâce à des quiz, même sans connexion permanente, grâce à un mode hors ligne inspiré de solutions utilisées en Asie.
Du côté des partenaires, l’UNESCO a déjà signalé son intérêt pour accompagner la mise en place de ce contenu numérique, tandis que plusieurs banques locales explorent un éventuel mécénat de tablettes réhabilitées afin de réduire les coûts pour les familles aux revenus modestes.
Calendrier et partenariats en ligne de mire
La nouvelle direction veut capitaliser sur les résolutions adoptées au Conseil national de l’enseignement général de septembre 2024. Parmi elles figure la création d’un fonds dédié à l’alphabétisation, abondé par l’État et par un prélèvement symbolique sur les gains de la loterie nationale.
Un comité de suivi, présidé par le DGAENF, devrait tenir sa première réunion dès le premier trimestre 2026 pour établir un calendrier d’appel à projets. Les organisations de la société civile auront alors la possibilité de soumettre des initiatives innovantes visant à toucher les adultes au-delà des capitales départementales.
« Nous avancerons pas à pas, mais sans jamais perdre de vue l’idéal d’un Congo où chacun sait signer son nom », conclut Remy Boumba. Son investiture ouvre une nouvelle page : celle d’une alphabétisation pensée comme un droit citoyen et un tremplin vers l’employabilité.
