Le 29 octobre sous le signe de la vigilance
Chaque 29 octobre, la planète se mobilise pour la Journée mondiale contre les accidents vasculaires cérébraux. Au Congo-Brazzaville, les hôpitaux, associations et autorités de santé profitent de cette date pour rappeler que l’AVC n’épargne aucun foyer et exige une réaction éclair.
Le slogan international de 2024, « Une minute peut sauver une vie », inspire cette campagne axée sur la prévention, le dépistage et la prise en charge ultrarapide. Car au-delà des chiffres, c’est souvent la rapidité d’appel au 3434 ou au SAMU qui détermine l’avenir d’un patient.
Un fardeau mondial, une réalité congolaise
Deuxième cause de mortalité dans le monde, l’AVC tue chaque année plus de 6,5 millions de personnes. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 110 millions d’individus vivent aujourd’hui avec des séquelles, parfois lourdes, limitant leur autonomie et leur vie professionnelle.
Au Congo, les neurologues estiment à près de 8 000 le nombre de nouveaux cas par an, un total sans doute sous-évalué faute de déclarations systématiques. Les hôpitaux de Brazzaville et Pointe-Noire voient arriver des patients de plus en plus jeunes, parfois à peine quarantenaires.
Cette tendance reflète l’évolution des modes de vie urbains, la consommation accrue de sel, l’inactivité physique et l’automédication. Elle interpelle les pouvoirs publics, qui multiplient désormais les campagnes de dépistage gratuit de l’hypertension dans les marchés et les administrations.
Repérer les signaux d’alerte en quelques secondes
Les spécialistes parlent de la règle « Face-Arm-Speech-Time ». Un visage soudainement asymétrique, un bras qui ne se lève plus, des mots qui accrochent ou se mélangent : trois symptômes qui commandent d’appeler le SAMU sans attendre, même si la douleur est absente.
« Chaque minute de retard détruit deux millions de neurones », insiste le Dr Yolande Obili, urgentiste au CHU-Brazzaville. En zone urbaine, la fenêtre idéale pour administrer un traitement thrombolytique est de 4 heures et demie ; au-delà, les chances de récupération chutent dramatiquement.
Hypertension : l’ennemi numéro un
Interrogé à l’occasion de la Journée mondiale, le Pr Paul Macaire Ossou Nguié rappelle que « prévenir un AVC commence par maîtriser sa pression artérielle ». Selon lui, un Congolais sur trois serait hypertendu, mais seuls 7 % suivraient correctement leur traitement.
« Équilibrer la tension réduit de 60 % le risque global et de 80 % le risque hémorragique sur cinq ans », précise-t-il, chiffres d’études à l’appui. D’où l’appel à consulter régulièrement son médecin, à réduire le sel et à reprendre une activité physique.
Prévention active, des gestes du quotidien
Limiter l’alcool et arrêter le tabac restent des recommandations numéro un. Les spécialistes conseillent aussi 30 minutes de marche rapide au moins cinq jours par semaine, une hydratation suffisante et un sommeil régulier pour maintenir le cerveau bien oxygéné.
Au niveau nutritionnel, la diététicienne Laure Manda prône l’assiette « 50-25-25 » : moitié de légumes, quart de protéines, quart de féculents complets. Cet équilibre limiterait la prise de poids et la glycémie, deux autres facteurs qui alimentent le cercle vicieux de l’AVC.
Enfin, la gestion du stress gagne du terrain dans les programmes publics de santé. Yoga, sophrologie ou simples respirations contrôlées dans les bus de la société publique de transports font désormais partie des initiatives soutenues par le ministère pour renforcer la prévention communautaire.
Des soins en évolution au CHU-Brazzaville
Depuis trois ans, le service de neurologie du CHU-Brazzaville dispose d’une unité neuro-vasculaire dotée de scanners 24 h/24 et d’une équipe pluridisciplinaire. Cette structure a déjà traité plus de 1 200 patients, réduisant la mortalité hospitalière de près de 15 %.
Le gouvernement a subventionné l’acquisition d’un deuxième angiographe, facilitant les interventions endovasculaires en cas d’anévrisme. « Ces équipements rapprochent notre plateau technique des standards internationaux », se réjouit la directrice générale de l’hôpital, Dr Anne-Marie Okemba.
La formation continue des infirmiers ainsi que l’intégration d’un service de télémédecine permettent d’évaluer les patients venus des départements voisins sans délai. Des accords avec les cliniques privées contribuent en outre à fluidifier l’orientation vers la rééducation.
Un accompagnement de long terme pour les survivants
Sortir de l’hôpital ne signifie pas la fin du combat. Kinésithérapeutes, orthophonistes et psychologues travaillent ensemble pour restaurer la mobilité, la parole et la confiance. Les mutuelles se mettent à couvrir davantage les séances, soulageant les familles déjà éprouvées.
À Brazzaville, l’association des survivants d’AVC organise désormais un café-réadaptation chaque samedi. Cet espace d’échanges de bonnes pratiques, soutenu par la municipalité, favorise le retour à l’emploi et renforce le tissu social autour des patients de long cours.
Responsabilité collective et mobilisation citoyenne
Le succès de la lutte contre l’AVC ne repose pas uniquement sur les médecins. Entreprises, écoles, églises et médias peuvent relayer les messages de prudence. Afficher les numéros d’urgence près des machines à café et instaurer des pauses actives sont des gestes simples, efficaces.
De son côté, le ministère de la Santé annonce un plan national d’ici fin 2024 pour élargir le dépistage gratuit et former 1 000 secouristes bénévoles. Cette démarche s’inscrit dans la stratégie gouvernementale de développement humain, qui fait de la santé préventive une priorité.
