Brazzaville accueille un projet de la diaspora
Ce mardi 12 novembre, les couloirs feutrés du Secrétariat permanent du Conseil consultatif de la société civile et des Organisations non gouvernementales à Brazzaville ont brièvement changé d’accent: celui de la diaspora congolaise installée en France, venue exposer son programme « Connect Diaspora ».
Porté par le Réseau des diasporas solidaires et soutenu par la plateforme française FORIM, ce dispositif veut densifier les échanges entre ressortissants congolais d’Europe et institutions publiques nationales afin de transformer les bonnes volontés individuelles en leviers collectifs de développement.
Alioune Sy, président du FORIM et du Réseau, a plaidé devant Germain Céphas Ewangui pour une coopération « étroite, constructive et co-construite », expression qui résume l’esprit d’une diplomatie citoyenne en plein essor depuis plusieurs années.
Le Secrétaire permanent a salué l’initiative, rappelant l’importance accordée par les autorités congolaises aux forces vives de l’étranger, notamment depuis la création d’un cadre de dialogue formalisé avec les organisations de la société civile.
Une plateforme en pleine expansion
Né en 2002 à Paris, le FORIM fédère plus de trente-cinq associations représentatives de diasporas issues d’Afrique, d’Asie, d’Europe centrale et bientôt d’Amérique latine; il totalise quelque 300 000 membres dont près de 4 000 Congolais de Brazzaville.
Son modèle repose sur un principe simple : chaque migrant porte en lui un double capital, culturel et économique, qu’il peut investir simultanément dans le pays d’accueil et celui d’origine sans sacrifier sa loyauté à l’un ou à l’autre.
Avec l’outil « Connect Diaspora », la fédération veut rationaliser cette contribution en créant une base de données des compétences, des financements et des idées disponibles, puis en les mettant à la disposition des collectivités congolaises selon leurs besoins immédiats.
À moyen terme, l’ambition est de rendre plus fluide le parcours administratif des entrepreneurs expatriés, souvent freinés par la distance ou la méconnaissance des procédures, tout en garantissant la transparence des flux financiers grâce au concours d’institutions bancaires partenaires.
Un pont entre Paris et Brazzaville
Selon les chiffres publiés par la Banque mondiale, les envois de fonds de la diaspora congolaise dépassent régulièrement 150 millions de dollars par an, un volume comparable aux investissements directs étrangers dans certains secteurs non extractifs.
Pour Alioune Sy, « ces transferts sont utiles pour la consommation quotidienne des familles, mais nous pouvons aller plus loin en injectant une partie dans des filières structurantes comme l’agro-transformation ou le numérique ».
Le Conseil consultatif de la société civile, créé en 2009, dispose déjà d’un guichet consacré aux partenariats avec les Congolais de l’étranger ; la perspective d’un outil numérique commun accélérerait, selon l’institution, la circulation d’information entre administrations et porteurs de projets.
À Brazzaville, plusieurs start-up nées de retours au pays illustrent cette synergie : un service de paiement mobile lancé par deux ingénieurs formés à Nancy, ou encore une coopérative de cacao bio initiée par une doctorante de Toulouse revenue s’installer dans le Pool.
Sur le terrain social, l’apport de la diaspora se mesure déjà aux nombreuses opérations de solidarité menées lors des inondations de 2022 : en trois semaines, les associations regroupées au sein du Réseau avaient collecté près de 80 tonnes de vivres et de kits d’hygiène expédiés vers les quartiers sinistrés.
Des projets concrets en ligne de mire
Le programme « Connect Diaspora » retient trois chantiers prioritaires pour 2024 : l’appui aux agriculteurs familiaux via des réseaux d’irrigation solaire, la création d’espaces de coworking à Pointe-Noire et Oyo, et la formation de 200 jeunes aux métiers numériques émergents.
Le financement adoptera un schéma mixte : 40 % sous forme de ressources propres des diasporas, 30 % apportés par des partenaires techniques européens et le reste recherché auprès d’institutions nationales, dans le respect des procédures budgétaires en vigueur.
« Nous ne voulons pas remplacer la puissance publique, mais apporter un effet levier », a précisé Alioune Sy, insistant sur la pertinence de cofinancements qui responsabilisent chaque acteur et réduisent les risques de dépendance.
Un partenariat public-société civile valorisé
Pour Germain Céphas Ewangui, le programme s’inscrit dans la droite ligne du Plan national de développement, qui encourage la mobilisation de capitaux privés et la valorisation du capital humain, notamment celui de la diaspora, perçue comme une ressource stratégique.
Le Secrétaire permanent a évoqué la possibilité d’instruire des facilités douanières pour les équipements importés par les porteurs de projets, ainsi qu’un guichet unique chargé de raccourcir les délais d’enregistrement des entreprises créées par les Congolais de l’étranger.
D’ici à la fin du premier trimestre 2024, une mission technique conjointe dressera une cartographie des projets éligibles puis élaborera un calendrier de mise en œuvre aligné sur les priorités nationales, étape décisive pour consolider la confiance entre État et diaspora.
« Nous avançons pas à pas, mais ensemble », a résumé Germain Céphas Ewangui, concluant une rencontre où l’optimisme prudent a le dernier mot, reflet d’une volonté partagée de transformer la circulation des idées et des ressources en un atout durable pour le Congo.
