Brazzaville vibre au rythme du SITEC 2023
Les stands colorés, les démonstrations de drones et les files de curieux ont donné samedi un air de mini-Silicon Valley au Palais des congrès de Brazzaville, où s’est ouverte la deuxième édition du Salon de l’innovation, de la technologie et de l’entrepreneuriat au Congo, le SITEC.
Durant trois jours, près de 200 start-up, universités, incubateurs et bailleurs internationaux y croisent leurs solutions et leurs mentors, dans l’espoir commun de transformer les idées congolaises en entreprises robustes, créatrices d’emplois et d’exportations numériques.
Un potentiel démographique moteur
Ouvrant la cérémonie, le ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique, Rigobert Maboundou, a rappelé un chiffre phare : 76 % de la population congolaise a moins de 35 ans, selon le dernier recensement général.
À ses yeux, cette vigueur démographique représente « la première richesse nationale », capable d’assurer cohésion sociale et prospérité durable si elle trouve des débouchés créatifs et productifs.
Les défis de l’emploi urbain
Pourtant, la réalité du marché reste rude : en zone urbaine, le taux de chômage frise 26,8 %, alimenté par une formation encore trop théorique et par une préférence culturelle pour le salariat, héritée de décennies d’administration.
« Le développement repose sur la qualité humaine et une recherche efficiente, mais l’État ne peut agir seul », a insisté le ministre, appelant entreprises, ONG et partenaires techniques à unir leurs programmes d’accompagnement pour multiplier les passerelles entre laboratoires, salles de classe et marchés.
SITEC, vitrine et laboratoire d’affaires
Le SITEC se veut justement ce trait d’union, mêlant conférences, démonstrations et séances de speed-mentoring où un développeur d’application de Pointe-Noire peut, en dix minutes, présenter son prototype de paiement mobile à un investisseur kenyan présent dans l’allée voisine.
En coulisses, des représentants de grands opérateurs télécoms, de banques locales et d’organismes publics étudient des pistes pour intégrer ces projets dans leurs chaînes de valeur, qu’il s’agisse de solutions agritech ou de services d’identité numérique.
La méthode BantuHub pour durer
Vérone Mankou, fondateur de la Fondation BantuHub et promoteur du salon, observe que la moitié des nouvelles entreprises congolaises ferment après cinq ans faute de réseau, de trésorerie ou de stratégie commerciale claire.
« Il nous fallait créer un espace où l’on apprend de ceux qui ont trébuché puis rebondi », explique-t-il, plaidant pour un apprentissage de l’entrepreneuriat dès le primaire, à côté des mathématiques et du français.
Des jeunes motivés mais prudents
Assise devant un panneau lumineux, Alima, 24 ans, présente une application de géolocalisation de bus mise au point avec trois camarades de l’Université Marien-Ngouabi ; elle espère décrocher un partenariat avec la société de transport public pour tester son outil sur la ligne Talangaï-Plateaux.
« Le SITEC nous donne accès à des décideurs que nous n’aurions jamais pu rencontrer par nous-mêmes », sourit la jeune développeuse, consciente cependant que la levée de fonds reste l’obstacle majeur pour passer du prototype à un service commercial stable.
Formation et recherche intensifient l’élan
Les universités partenaires profitent du salon pour mettre en avant leurs laboratoires et proposer des stages orientés innovation ; l’École normale supérieure de technologie annonce même le lancement d’un cursus « création de start-up » ouvert dès la prochaine rentrée.
Le Centre national de recherche en intelligence artificielle, inauguré l’an dernier, signe de son côté un accord avec une fintech locale pour mutualiser données anonymisées et algorithmes et ainsi accélérer la détection de fraudes bancaires.
Synergie public-privé saluée
Pour la responsable du bureau pays de la Banque africaine de développement, la réussite du SITEC illustre « une synergie public-privé assumée » qui pourrait servir de modèle à d’autres secteurs, notamment l’agro-industrie et les énergies renouvelables.
Le ministère annonce déjà la tenue, d’ici juin, d’un « road-show » national regroupant mentors, capitaux-risqueurs et lauréats du salon pour visiter les principales villes et irriguer tout le territoire en ateliers pratiques.
Financement et fiscalité au service des start-up
Les conseillers du guichet unique de l’Agence pour la création d’entreprises ont profité de l’affluence pour rappeler la mise en ligne récente du formulaire d’immatriculation, qui réduit les délais administratifs à 72 heures et abaisse les frais à 15 000 francs CFA.
Un panel dédié à la fiscalité a également détaillé l’exonération d’impôt sur les sociétés pendant les trois premières années, mesure incluse dans la loi de finances 2023 pour encourager les jeunes pousses à réinvestir leurs premiers bénéfices.
Tech verte et transition écologique
Plusieurs innovations mises en avant cette année ciblent la transition écologique ; une start-up de Dolisie fabrique, par exemple, des briques composées de déchets plastiques agglomérés, offrant une résistance accrue tout en dépolluant les quartiers.
Le ministère de l’Environnement, partenaire du SITEC, envisage de lancer un concours national « Tech verte » en 2024 pour financer dix projets axés sur l’économie circulaire, confirmant la volonté gouvernementale d’aligner innovation et développement durable.
Des ambitions à transformer en succès
Entre scènes de démonstration et tables rondes, l’édition 2023 du SITEC rappelle que le chemin de l’idée à l’industrie reste exigeant, mais que les outils commencent à se mettre en place pour que la créativité de la jeunesse congolaise devienne un moteur de croissance inclusive.
