Une deuxième saison sans championnat national
Au Congo, les tribunes vides d’Alphonse-Massamba-Débat résument un paradoxe. Depuis deux saisons, aucun coup d’envoi n’a retenti pour la Ligue 1 nationale. Par décision ministérielle, les enceintes restent bouclées, sauf pour les rendez-vous internationaux, laissant clubs et supporters dans l’expectative.
Le ministère des Sports conditionne la réouverture à trois exigences : un serment anticorruption pour les arbitres, l’assurance obligatoire des effectifs et la réduction du championnat de seize à quatorze équipes. Faute d’accord, le rideau de fer demeure tiré sur les pelouses nationales.
Les raisons d’une décision ministérielle
Lors de la réunion du quatre novembre dans la salle média du stade, Charles Makaya, directeur de cabinet du ministre, a rappelé la priorité gouvernementale : « préserver la crédibilité des compétitions et la santé des joueurs ». D’après lui, les conditions fixées « ne sont pas négociables mais discutables ».
Le ministère insiste sur la lutte contre les soupçons de favoritisme qui ont ponctué les précédentes saisons. En imposant un engagement moral signé, il espère renforcer la confiance du public et des partenaires privés, condition essentielle pour attirer de nouveaux sponsors autour de la ligue.
Sur le volet assurance, le département rappelle que la blessure grave d’un joueur lors d’un match amical, indemnisée grâce à la couverture fédérale, a servi d’alerte. « Nous ne voulons plus dépendre de la solidarité informelle », glisse un conseiller juridique présent à la réunion.
Une Fécofoot prudente mais décidée
La Fédération congolaise de football reconnaît l’importance des principes édictés, mais estime disposer déjà des textes pour sanctionner les dérives. Son porte-parole souligne que la corruption reste difficile à prouver et que tout serment supplémentaire risquerait de contrevenir aux règlements de la Fifa.
Concernant l’assurance, la Fécofoot rappelle que la majorité des clubs évoluent avec des budgets serrés. « Demander une couverture intégrale sans accompagner financièrement les équipes reviendrait à reporter indéfiniment la compétition », explique un membre du comité exécutif, plaidant pour un fonds d’appui transitoire.
Sur la réduction à quatorze formations, la fédération invoque sa prérogative statutaire. Le dernier congrès avait acté le maintien de seize clubs afin de préserver la représentativité des départements. Une modification impliquerait une assemblée générale extraordinaire, procédure coûteuse que la crise sanitaire a déjà retardée.
Clubs et joueurs pris entre deux feux
Dans les quartiers de Brazzaville comme de Pointe-Noire, les entraînements se poursuivent tant bien que mal sur des terrains municipaux. Les joueurs, souvent sous contrats courts, redoutent l’inactivité prolongée. « Sans matches, pas de primes, et nous devons pourtant nourrir nos familles », confie un attaquant de l’Étoile.
Les présidents de club multiplient les réunions internes pour ajuster les budgets. Entre la location des terrains d’entraînement, les salaires et les frais médicaux, certains avouent avoir déjà englouti leurs réserves. Un dirigeant de l’AS Otohô parle d’« un marathon sans ligne d’arrivée visible ».
La Ligue nationale de football, privée de billetterie et de droits télé, peine à maintenir ses programmes de formation d’arbitres et de détection. Son président espère que le dialogue aboutira avant la fin de l’année pour éviter des départs massifs vers les championnats voisins.
La piste du stade technique d’Igné
En marge des discussions, le ministère a proposé d’utiliser le centre technique d’Igné, au nord de Brazzaville, pour lancer un championnat condensé. Le site, doté d’une pelouse synthétique homologuée, pourrait accueillir deux rencontres par jour, en mode huis clos ou avec jauge réduite.
Cette option limiterait les frais de déplacement et offrirait une retransmission centralisée. Plusieurs clubs pointent toutefois le manque d’hébergement près d’Igné. « Nous devrions loger à Brazzaville et faire la navette », indique le coach du Cara, soucieux de la récupération.
Quel calendrier pour la reprise ?
Aucune date officielle n’émerge, mais le mois de janvier revient souvent. Le ministère juge un accord rapide possible si la Fécofoot soumet un plan financier pour l’assurance des joueurs et entame la réflexion sur la réforme du championnat.
La Fécofoot, de son côté, a déjà mandaté un cabinet d’audit pour chiffrer le coût global des assurances et identifier d’éventuels bailleurs. Des discussions sont également engagées avec la Caisse nationale de sécurité sociale afin d’étudier une couverture collective à tarif préférentiel.
Enjeux pour le football congolais
Au-delà des résultats sportifs, l’arrêt du championnat impacte l’économie locale. Restaurateurs, transporteurs, vendeurs ambulants et petites radios communautaires ressentent la baisse d’activité aux jours jadis animés par les matches. Un redémarrage sécurisé créerait à nouveau plusieurs centaines d’emplois temporaires chaque week-end.
Le maintien prolongé de la fermeture nourrirait aussi l’exode de jeunes talents vers les pays voisins, compliquant la tâche des sélections nationales. Tous les protagonistes s’accordent donc sur l’urgence d’un compromis, convaincus qu’un football domestique fort demeure un vecteur d’unité et de rayonnement.
Dans l’attente, supporters et curieux suivent les matchs internationaux de la sélection A’ pour garder le lien avec le ballon rond. Le succès populaire de la récente rencontre face à la Gambie démontre, selon les autorités sportives, « la soif intacte de football dans le pays ».
