Une rencontre stratégique au Palais du Peuple
Le salon Kintélé du Palais du Peuple n’accueille pas tous les jours une telle affluence de sénateurs attentifs à des graphiques sanitaires. Ce vendredi, ils étaient pourtant nombreux à suivre la présentation du Dr Vincent Dossou Sodjinou, représentant de l’OMS au Congo.
La séance, inscrite dans la septième session ordinaire de la quatrième législature, visait à outiller les parlementaires sur les grandes urgences épidémiques d’Afrique centrale et sur l’état de préparation du système sanitaire national.
Invité par le président du Sénat Pierre Ngolo, le Dr Sodjinou a, durant près de deux heures, détaillé chiffres, cartes et scénarios, rappelant que chaque minute gagnée au Parlement se transforme, sur le terrain, en vies sauvées.
Les menaces épidémiques passées au crible
Le représentant de l’OMS a d’abord dressé un panorama régional, évoquant les flambées récentes de fièvre jaune, de rougeole et de maladie à virus Ebola dans les pays voisins, tout en soulignant la porosité des frontières et la densité des échanges commerciaux.
Selon l’OMS, l’Afrique centrale enregistre chaque année plus de 120 alertes sanitaires notifiées, dont un quart concerne le bacille de la tuberculose multirésistante. Le Congo, grâce à sa veille épidémiologique, en a détecté vingt-deux en 2024, contre quinze en 2023.
« Nous constatons une amélioration constante des délais de confirmation en laboratoire », a salué le Dr Sodjinou, citant l’appui logistique du ministère de la Santé et la mise en réseau des structures de pointe telles que l’Institut national de recherche biomédicale de Brazzaville.
Un appui politique réaffirmé
Face aux données, les sénateurs ont multiplié les questions sur la disponibilité des vaccins, la chaîne du froid et le budget dédié. Pierre Ngolo a rappelé que la Chambre haute examine actuellement la loi de finances et entend protéger l’allocation consacrée aux urgences sanitaires.
« La santé n’est pas une variable d’ajustement », a insisté le président du Sénat. Il a félicité l’OMS pour son pragmatisme malgré un contexte budgétaire mondial tendu et a promis de faciliter l’accès de l’Organisation aux données parlementaires nécessaires à un plaidoyer crédible.
De son côté, le Dr Sodjinou a salué « un Parlement exemplaire dans la sous-région », rappelant que le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, place la couverture sanitaire universelle au cœur du Plan national de développement. « L’OMS se tient résolument à vos côtés », a-t-il martelé.
La prévention, priorité nationale
Au-delà des aspects financiers, les participants ont longuement débattu de la sensibilisation communautaire. Les sénateurs, souvent premiers relais dans leurs départements, ont convenu d’organiser des séances publiques, radios rurales et visites de terrain afin d’expliquer gestes barrières et parcours vaccinal.
L’OMS a mis à disposition un kit de communication prêt à être traduit dans les langues du Pool, de la Likouala et du Kouilou. Ce matériel, testé durant la riposte contre la Covid-19, a prouvé son efficacité pour atteindre les zones reculées sans surcoût logistique.
Le professeur Jean-Rosaire Ibara, ministre de la Santé, a rappelé dans un message transmis que « la prévention commence dans la cour familiale ». Il entend renforcer la surveillance à base communautaire en s’appuyant sur les comités de village, initiative déjà pilote dans neuf districts.
Vers un système de santé plus résilient
Au terme de la séance, un groupe de travail permanent Sénat-OMS a été proposé. Il devra suivre la mise en œuvre des recommandations, depuis l’achat des tests rapides jusqu’à la formation des personnels municipaux, et transmettre un rapport trimestriel à la commission santé.
Les experts signalent déjà des gains concrets. La nouvelle plateforme numérique utilisée pour la circulation des bulletins épidémiologiques réduit le délai de transmission de douze à quatre heures. Elle a été développée par de jeunes informaticiens congolais sous financement conjoint de l’État et de l’OMS.
« Notre ambition est de prévenir plutôt que guérir », a résumé un conseiller technique du Premier ministre en sortie de salle. Il souligne que chaque franc investi dans la prévention permettrait d’économiser jusqu’à neuf francs en soins curatifs et en pertes de productivité.
À Brazzaville comme à Pointe-Noire, la séance de vendredi est déjà perçue comme un jalon décisif du virage préventif impulsé par les autorités. En renforçant ce pont entre la science et la décision publique, le Congo consolide sa capacité à protéger durablement ses citoyens.
Le calendrier est ambitieux. D’ici fin 2026, le ministère souhaite que tous les districts disposent d’unités de traitement mobiles capables d’être déployées en moins de quarante-huit heures, avec générateur intégré et connexion satellitaire, pour répondre aux flambées même dans les zones inondables du Nord.
Les sénateurs ont également sollicité la participation du secteur privé. La Fédération des entreprises du Congo a indiqué sa disposition à contribuer, sous forme de mécénat, à l’achat de frigos solaires pour les centres de santé, rappelant que la sécurité sanitaire profite aussi à la stabilité économique.
