Cap énergétique vers le Sud
Au cœur de la saison sèche, le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Emile Ouosso, a fait route vers la Bouenza et le Niari pour jauger l’état d’avancement de deux chantiers qui doivent renforcer, demain, la sécurité d’alimentation électrique du pays, du littoral jusqu’à la capitale.
Sa visite intervient trois ans après la décision gouvernementale de remettre à niveau l’axe haute tension reliant Pointe-Noire à Brazzaville, colonne vertébrale du réseau national, vieillissant depuis les années 1980 et soumis à une demande sans cesse croissante des ménages comme des entreprises.
Entre colonnes de béton fraîchement coulées et fondations d’appareils encore vides, le membre du gouvernement a pu constater, dossiers techniques à l’appui, que les équipes d’Eni Congo respectent les jalons fixés : la phase génie civil est achevée, la livraison des équipements compensateurs étant attendue dans les prochaines semaines.
Ligne Pointe-Noire-Brazzaville : planning tenu
« Nous sommes à l’étape prévue, rien n’a glissé », glisse un ingénieur sur le site de Loudima, où trône déjà la nouvelle dalle destinée au transformateur de 225 kilovolts. Le chantier, lancé début 2023, affiche un taux d’exécution de 32 %, conforme au planning.
Selon le calendrier contractualisé, la remise sous tension complète du tronçon se fera entre février et mars 2026. Cette mise à jour technologique donnera de l’oxygène au réseau, limitera les pertes en ligne et stabilisera la tension, un point régulièrement remonté par les usagers brazzavillois.
Conscient que la modernisation peut induire des coupures, Emile Ouosso a demandé la compréhension des abonnés, rappelant que « les techniciens ne travaillent pas sous tension ». Des délestages ponctuels resteront donc inévitables jusqu’à la fin des travaux, tout en restant encadrés pour préserver l’activité.
Dolisie, futur nœud électrique régional
À Dolisie, troisième agglomération du Congo, c’est un tout autre décor : celui d’un poste haute-moyenne tension flambant neuf, pierre angulaire d’un futur hub énergétique pour le Niari et le Kouilou. Ici aussi, la partie génie civil est quasiment bouclée.
Le directeur général d’Énergie électrique du Congo, Jean Bruno Danga Adou, insiste : l’objectif prioritaire est d’améliorer la qualité du courant. Des transformateurs sortis des usines chinoises sont déjà sur le port de Pointe-Noire, prêts à être convoyés dès que les fondations auront atteint leur résistance finale.
Depuis ce poste, une travée est réservée pour alimenter, en 30 kilovolts, Mossendjo, Makabana, Mayoko voire Mbinda. Autant de localités minières ou agricoles qui, jusqu’ici, se contentaient de groupes électrogènes coûteux et polluants, freinant parfois l’essor d’initiatives créatrices d’emplois.
Un moteur pour l’économie locale
Pour Emile Ouosso, « l’énergie est la première matière première du développement ». Ses services estiment que la mise en service du poste de Dolisie permettra de réduire de 40 % les interruptions intempestives, libérant un potentiel commercial évalué à plusieurs milliards de francs CFA par an.
Les opérateurs économiques locaux saluent déjà la démarche. Selon le président de la chambre de commerce de Dolisie, Auguste Massamba, l’assurance d’un courant stable encouragera l’implantation d’unités de transformation agricole et allongera les horaires d’ouverture des PME, tout en réduisant la facture carburant.
Du côté de Pointe-Noire, la raffinerie et la zone portuaire voient également dans la future ligne rénovée une solution pour sécuriser leurs charges industrielles. « L’initiative vient à point nommé alors que nous diversifions nos activités logistiques », remarque un responsable technique du terminal à conteneurs.
Au-delà des chiffres, le projet s’inscrit dans la volonté affichée par les autorités de faire de l’accès universel à l’électricité un levier de cohésion nationale. Les départements du Sud, souvent desservis par des réseaux isolés, seront progressivement connectés à une dorsale fiable.
Usagers, environnement : les gains attendus
Reste le défi de la patience citoyenne. Les délestages, déjà perceptibles dans certains quartiers de Brazzaville, pourraient s’intensifier lors des opérations de basculement. Le ministère promet des communications régulières et des plages d’intervention nocturnes afin de limiter l’impact sur les foyers et les services essentiels.
Les techniciens, eux, insistent sur les gains à venir : tensions mieux régulées, pics de consommation absorbés sans décrochage et perspectives d’interconnexion régionale. « Il faut voir ce chantier comme une greffe temporairement douloureuse mais indispensable », image un cadre d’E²C, rappelant les coupures quasi quotidiennes d’il y a dix ans.
Aussi bien à Loudima qu’à Dolisie, la dernière pierre devrait être posée début 2026. À cette échéance, l’exécutif espère afficher un taux d’accès à l’électricité de 80 %, contre environ 70 % actuellement, et soutenir l’ambition de croissance inclusive portée par le Plan national de développement.
Sur le plan environnemental, la modernisation du corridor électrique réduira l’usage de générateurs thermiques privés, coupant l’émission de milliers de tonnes de CO2 chaque année selon l’Agence congolaise de l’électrification rurale, un atout pour la santé publique et l’attractivité touristique du pays.
