Son ascension fulgurante
Couronné champion de Brazzaville de slam en 2024 puis champion du Congo la même année, Aristide J. Johns n’a pas levé le pied. En 2025, le lieutenant-poète est allé jusqu’en quarts de finale de la Coupe du monde de slam, à Paris.
Cette double consécration nationale avait déjà braqué les projecteurs sur la scène poétique congolaise. Mais c’est à Abidjan, où il vient de décrocher le Prix des Arts de créations poétiques, que la notoriété du jeune artiste a franchi un cap continental.
Une victoire ivoirienne reconnue
Le jury de la Fédération ivoirienne de slam et d’écrivains a disséqué plus de 125 textes venus de tout le continent. En attribuant le trophée à Johns, il a salué la fraîcheur de son verbe, l’engagement social de ses images et la musicalité de sa diction.
« Remporter un prix international, c’est la victoire de la parole congolaise », a-t-il lancé dès l’annonce des résultats. Ce souci de porter la voix collective, plus que sa carrière personnelle, tisse le fil rouge de ses prestations depuis ses premiers micros ouverts brazzavillois.
Entre caserne et scène
Johns revendique une double école : la rigueur de l’armée, qu’il a intégrée comme enfant de troupe avant d’être lieutenant-ingénieur, et la sensibilité du poète. Il raconte jongler entre séances d’entraînement physique aux aurores et ateliers d’écriture nocturnes.
« Je prépare chaque scène comme une mission », confie-t-il, sourire discret et regard vigilant. Respiration, ancrage au sol, articulation : rien n’est laissé au hasard. Sa méthode séduit les plus jeunes slameurs, qui voient en lui le pont entre discipline militaire et liberté artistique.
Abidjan, tremplin africain
La remise du prix, dans la salle Lamizana du palais de la Culture, a réuni doyens de la littérature ivoirienne et figures montantes du spoken-word. Sur scène, Johns a offert un extrait de son texte primé, mêlant lingala, français et quelques intonations nouchi.
Le public a salué cette mosaïque linguistique qui, selon la critique ivoirienne Marie-Josée Kassi, « donne chair à l’idée d’une Afrique polyphonique, solidaire, fière de ses différences ». Les réseaux sociaux ont relayé la performance, propulsant le nom de l’artiste dans plusieurs tendances régionales.
Cap sur Conakry
Du 1er au 6 décembre 2025, il portera les couleurs du Congo à la Coupe d’Afrique de slam. Johns explique suivre un programme intensif, « mi-marche commando, mi-mantra poétique », afin d’arriver à Conakry avec des textes ciselés et une condition physique irréprochable.
Il sera le premier slameur du pays à enchaîner, la même année, compétition mondiale et tournoi continental. Pour l’universitaire Florent Banzouzi, spécialiste des arts oraux, « cette doublure symbolise la maturité d’une scène congolaise longtemps cantonnée aux cafés-concerts ».
Projet « La messe est dite »
Tout en répétant pour Conakry, Johns peaufine un spectacle conceptuel prévu le 24 janvier 2026 à l’Institut français du Congo. Intitulé « La messe est dite », l’événement mêlera mise en scène théâtrale, projections vidéo et chœurs gospel pour explorer la spiritualité du verbe.
Les billets ne sont pas encore en vente, mais les habitués du centre culturel évoquent déjà un possible guichet fermé. La direction de l’Institut loue « le professionnalisme rarissime d’un artiste de 25 ans » et salue la synergie créée avec les techniciens locaux pour renforcer la filière événementielle.
Tournée « Éloquence des mots »
Au-delà de Brazzaville, le lieutenant-slameur prévoit une tournée panafricaine. Le projet, baptisé « Éloquence des mots », ambitionne de relier les capitales du continent par des ateliers d’écriture et des spectacles partagés. Objectif : valoriser les valeurs de paix, de fraternité et de dignité.
Des pourparlers sont déjà engagés avec des collectifs de Dakar, Yaoundé et Antananarivo. Johns compte aussi solliciter des partenariats auprès d’entreprises congolaises afin de financer des résidences croisées qui feraient du pays une halte incontournable pour les poètes voyageurs.
Une figure d’inspiration
Né le 11 avril 2000 à Brazzaville, l’ancien enfant de troupe de la promotion Lin Landry Emile Ondaye assume son rôle de modèle. Dans les lycées, il anime régulièrement des causeries sur l’usage citoyen des réseaux, l’importance de la lecture et la discipline comme vecteur d’émancipation.
Le ministère de la Culture observe de près ce profil hybride, à la fois officier et artiste, susceptible de stimuler des vocations. Un responsable confie en off que des discussions sont ouvertes pour intégrer Johns au programme national « Lecture pour tous » lors de la prochaine rentrée scolaire.
Vers un phare culturel
En cumulant distinctions, projets et engagement social, Aristide J. Johns incarne la volonté congolaise de faire rayonner ses talents. Si son agenda paraît chargé, l’intéressé répète simplement : « Chaque mot est une marche vers l’espoir ». Une ascension qui, pour l’instant, ne connaît pas de plafond.
Poésie et économie créative
À l’heure où la diversification de l’économie culturelle figure dans le Plan national de développement, son parcours apporte un exemple pragmatique. Investissements privés, mécénat militaire, billetterie intelligente : autant de leviers que l’artiste teste grandeur nature, démontrant que la poésie peut aussi créer de la valeur.
